Le Nonce apostolique, Monseigneur LUIS MARYANO MONTEMAYOR, vient de terminer son séjour de 48 heures dans le territoire de Beni. Comme il l'a dit pendant la célébration eucharistique présidée le mardi 30 août à l'esplanade de la paroisse Ste Thérèse de Beni-cité devant une foule immense, son voyage avait pour but d'apporter la compassion du Saint Père aux filles et fils de Beni, pendant ces moments sombres de leur histoire Benilubero aimerait revenir sur les paroles et les moments forts de cette visite du nonce apostolique qui, nous semble-t-il, pourrait marquer un tournant dans ce génocide.
Un geste : Rwangoma ou le mur de lamentation !
Lundi 29 août 2016 !
Il est 13h20. Le Nonce Apostolique, accompagné par le représentant spécial du Secrétaire des Nations-Unies en RDC, Mr Maman Sidikou, foule le sol de Beni. Il est accueilli par l'évêque du lieu, Mgr Sikuli Melchisedek.
Sans tarder, le convoi se dirige vers Rwangoma où il y a eu le dernier massacre de plus de 100 personnes sans compter les enfants qui selon des rumeurs auraient été jetés dans la rivière Semuliki. Le Nonce découvre l'horreur de ces massacres. Un quartier fantôme. La zone est gardée par des militaires des Fardc (c'est peut-être cela désormais leur mission : être des gardiens des cimetières et des des territoires abandonnés!)! Ici, ce sont des maisons incendiées ! Certaines victimes ont été certainement calcinées à l'intérieur. Là ce sont des maisons abandonnées. Le nonce au visage dur s'avance et s'arrête devant une maison cadenassée ! Comme devant le mur de lamentation à Jérusalem où les juifs se recueillent chaque jour pour se rappeler non seulement la destruction du temple mais aussi la déportation de leurs filles et fils en exil, le nonce en silence touche longuement le mur d'une des maisons abandonnées !
L'image parle de soi voire en soi !
Et il n'est pas étonnant qu'elle ait fait le tour des réseaux sociaux ! Avant lui, des autorités congolaises y ont défilé ! Mais personne n'a pris le temps de se recueillir dans un silence profond devant ces murs calcinés ! Comme s'ils avaient peur que dans ce silence intérieur une voix les interpelle et les appelle à un changement radical ! Le nonce n'en revient pas ! De ce silence, une voix lui a certainement soufflé des paroles qui reprennent la vérité devenue comme un refrain des rescapés mais toujours étouffée : On ne connaît pas exactement qui a fait ces massacres. C’est facile de parler de l’ADF. Il y a ici plusieurs acteurs. On n’est pas sûr exactement de ce qu’ils veulent. Comprenne qui pourra ! Mardi 30 avril
Le pasteur connaît ses brebis et les brebis écoutent sa voix
Il est 9h00. L'esplanade de la paroisse Ste Thérèse d'Avila est pleine d'une foule immense. La procession peut commencer, au rythme de l'hymne de la miséricorde. Avant de commencer la messe, Mgr Sikuli Melchisedek, adresse le mot de bienvenue à l’hôte et souhaite que sa visite soit le début de la rupture de l’insécurité multiforme qui sévit dans le diocèse. A l'autel, on reconnaît facilement à sa gauche Mgr Sikuli et à sa droite le Père Provincial des Assomptionnistes dont trois confrères, Anselme, Edmond et Jean-Pierre, ont été enlevés le 19 octobre 2012 et dont on est toujours sans nouvelle et un autre, le Père Vincent Machozi, alors président de Kyghanda Yira asbl et fondateur du site www.benilubero.com, assassiné le 20 mars 2016.
Dans son mot d'introduction, le nonce apostolique émeut la foule lorsqu'il leur annonce qu'il est envoyé par sa Sainteté, le pape François, pour exprimer sa proximité et sa compassion à la population congolaise en général et à la population de Beni en particulier ! Tout au long de la messe, et notamment pendant l'homélie, il se note une profonde complicité entre le nonce et la foule, comme entre un pasteur qui connaît ses brebis et ses brebis qui connaissent sa voix. On est loin des images de la foule qui voulait en découdre avec le premier ministre Matata Mponyo, le Ministre de l'intérieur Boshab et du maire de la ville, ou de l'intifada contre des autorités aussi bien à Beni qu'à Butembo, au lendemain des massacres de Rwangoma! Pendant l'homélie, le Nonce appelle les fidèles à être des prophètes mais à l'image de Jésus-Christ dont la vie a consisté « à manifester l'amour de Dieu simplement en ne répondant pas à la violence par la violence mais en faisant le bien . Etendre l'amour de Jésus à tous, de façon inconditionnelle, est la façon dans laquelle nous aussi, nous sommes appelés à êtres prophètes … ».
Le Nord-Kivu ou l'Arménie d'aujourd'hui !
A l'écouter, on peut penser que l'émissaire du pape ignore la souffrance que vit le peuple. Et bien, non ! Avant de finir son homélie, il n'hésite pas pas à définir les massacres de Beni comme un génocide :
Il y a quelques mois, le Pape François est allé en visite en Arménie, pour commémorer le centenaire du Metz Yeghéra, le « Grand Mal », une tragédie, un génocide, qui a frappé le peuple arménien, et a causé la mort d'une multitude considérable des personnes. En cette occasion, dans son discours aux Autorités civiles et le corps diplomatique, le Saint Père a prononcé des mots mémorables que je trouve valables pour la situation que nous vivons ici, dans le Nord-Kivu… Il le redira quelques heures après pendant la conférence de presse : On ne parle pas encore de génocide mais on va vers là.
Oui, nous sommes en face d'un génocide. Toutes les tueries se passent dans une zone habitée en majorité par une seule ethnie et si le mode opératoire n'est pas sans rappeler le génocide rwandais : Enfants, femmes, vieilles personnes, jeunes, adultes sont tués, égorgés, éventrés pour leur appartenance à l'ethnie nande. Les Territoires de Beni-Lubero est en train de devenir l'Arménie du début de ce siècle au su et au vu du gouvernement et de la communauté internationale représentée par une Monusco dont la mission consiste finalement à observer et à compter le morts.
Une conférence de presse qui sonne comme un réquisitoire contre le régime en place
Au terme de sa visite, le Nonce apostolique a tenu une conférence de presse ensemble avec le Représentant spécial du Secrétaire des Nations Unions en RD Congo !
Voici quelques unes de ces déclarations et convictions sur ce qui se passe aujourd'hui dans le Grand-Nord. Par rapport à la thèse du gouvernement qui veut faire croire que les terroristes ont planté leur tente dans le territoire de Beni, le nonce affirme qu'il n'y a pas de terrorisme internationale à Beni. Sous le même angle d'idées, on ne peut parler des massacres des chrétiens. Mais, ajoute le nonce, si l'on ne fait pas attention, ce terrorisme arrivera et ce qui s'est passé en République Centre africaine, à savoir la rivalité économique entre deux nations rivalité transformée par la suite en guerre des religions, est un risque qui n'est pas à exclure.
En revanche, le terrorisme est interne et il revient au gouvernement congolais d'assumer ses responsabilités. En ce qui concerne les massacres de Rwangoma, l'envoyé du pape est formel : On ne doit pas dire à l’État congolais ce qu'il doit faire. Mais on fait aussi pression. On met les autorités congolaises devant ses responsabilités. C'est pour cela que le pape a parlé. Il a parlé pour la communauté internationale. Mais indirectement c'est un appel au gouvernement congolais. Ce qui s'est passé à Rwangoma c'était un défi direct au président de la république. On ne peut pas cacher cela. Il venait de promettre « je vous apporte la paix ». Et quatre jours après il y a eu 104 morts. Ce n'est de la chance… C'est clairement un défi direct au président de la République. La lecture de la communauté internationale est claire. Vous pouvez proclamer que vous êtes le chef mais là bas les gens sont tués. Ça c'est la réalité.
Et de renchérir : L’Église Catholique compte plus de 33 millions de fidèles pour qui le Saint Père est un Père spirituel. Les politiciens doivent prendre bonne note. De ces massacres dépendent leur avenir politique. Les verdict des élections dépendra de la réponse qui sera donnée à ces massacres ! Mais en disant cela, le nonce tient à souligner que les relations entre le Vatican et le gouvernement sont bonnes : On n'est pas hostile au gouvernement et le gouvernement sait que nous sommes pas hostile. Mais on a le droit de parler avec vérité… Soit on règle un certain nombre de problèmes soit le Congo est foutu . Comme il est maintenant.
Le dossier de la RD Congo au menu du programme du pape le 11 septembre 2016
A travers ses services et ses émissaires aux Nations Unies, le pape sensibilise le monde sur cette tragédie. Pour plus d'efficacité dans sa diplomatie, le pape avait besoin d'un rapport objectif rédigé non pas à partir des bureaux, loin des lieux de la tragédie, mais sur le terrain. C'est pour cela que le pape a envoyé le nonce apostolique recueillir les éléments de ce rapport. Mission accomplie.
Le nonce est attendu au Vatican par le pape, révèle-t-il, le 11 septembre 2016 ! Ce jour-là, le pape écoutera par la bouche de son représentant au Congo le cri des peuples de Beni et de Lubero et lira le récit tragique de génocide, tel que cela a été repris par les différents rapports lui envoyés! Comme on peut le constater à travers les gestes et les mots du nonce apostolique, la Vision du Vatican sur le génocide est claire. Elle traduit le cri des populations de Beni et de Lubero. On voit combien le pape en bon pasteur connaît ses brebis !
Kahambu Bernadette Kivava
Beni
©Beni-Lubero Online.