« Jeudi 18 juin 2009 : Journée de Prière en faveur de la restauration progressive de la paix dans toutes les églises ou lieux de prière du Nord-Kivu à partir de 8h00 jusque 12h00 ». Ce message émanant du Gouverneur du Nord-Kivu, Son Excellence Julien Paluku Kahongya, est diffusé sur toutes les radios locales de la Province du Nord-Kivu.
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En le scrutant, les observateurs trouvent que le Gouverneur admet qu’il n’y a pas encore de paix au Nord-Kivu, et que la paix tant attendue ne sera restaurée que progressivement. C’est pourquoi, il faut prier pour la restauration progressive de la paix ! Mais pour qu‘il y ait progression, font remarquer les observateurs, il faut qu’il y ait un début de pacification. Selon ces derniers, ce début de paix, même timide ou minuscule, n’est perceptible nulle part dans la Province du Nord-Kivu.
Au contraire, ce qui est visible aujourd’hui dans la Province du Nord-Kivu, comme ailleurs à l’Est de la R.D. Congo, c’est l’invisibilité de l’Etat Congolais qui a abandonné sa population entre les mains des tueurs sans merci qui massacrent les paisibles congolais, incendient leurs maisons d’habitation, attaquent les automobilistes sur toutes les routes du Nord-Kivu, etc. Aussi, faut-il ajouter que tous ces crimes sont commis dans toute impunité et jouissent d’un silence de marbre du gouvernement congolais, de la MONUC, des ONG des droits humains, etc. Quand les civils attaqués demandent secours à la police locale comme c’est le cas actuellement en ville de Butembo, la police refuse d’intervenir…
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Quand on jette un coup d’œil au niveau national, on constate que la souffrance atroce de la population de l’Est de la R.D. Congo ne semble pas constituer une priorité du gouvernement congolais. Les medias du pouvoir comme ceux de l’opposition couvrent très rarement les atrocités dont sont victimes les populations de l’Est. Les députés provinciaux et nationaux n’ont pas toujours réussi à débattre dans leurs hémicycles de la pacification de l’Est. La question orale de l’Honorable Lusenge du Territoire de Lubero, est la première dans ce sens et on se demande qu’elle avait été la réaction du premier ministre et pourquoi les autres élus de Lubero ne se font pas entendre quand leurs électeurs sont pourchassés par des assaillants ou génocidaires. Bref, le manque de débat ouvert sur la résolution du conflit congolais dont l’épicentre se trouve à l’Est du pays, étonne les observateurs.
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Certains disent que ce silence et le profil bas du gouvernement congolais constituent le prix à payer pour la réconciliation du gouvernement avec les rebelles. Mais faut-il laisser les rebelles continuer de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pendant les négociations de paix? Quelle garantie donnent-ils qu’ils veulent la paix et non l’occupation d’un territoire comme les congolais les soupçonnent? L’attitude belliqueuse des rebelles, avant, pendant, et après les négociations et les accords dits de paix, est ce qui entretient le doute et la suspicion du dialogue visiblement à sens unique où la R.D. Congo cède toujours au point que l’on se demande jusqu’où il ira dans ses concessions repetitives aux rebelles. En effet, des dizaines d’accords de paix ont été signés entre la R.D. Congo et ceux qu’on appelle rebelles, sans qu’il y ait un début de paix, une fin des hostilités, une formation d’une armée et d’une police nationale intégrées, etc. Au contraire, l’armée et la police du Nord-Kivu au lieu d’être intégrées deviennent monolithiques.
Les élus provinciaux du Nord-Kivu dont le rôle est de contrôler l’exécutif disent sous le seau de l’anonymat car ils ont peur du chef, qu’ils sont mis à l’écart et empêchés d’exercer leur rôle comme il se doit par un gouvernement parallèle ! Il n’y a donc pas un cadre viable et fiable de concertation et de pacification au Nord-Kivu.
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Le cadre Amani qui avait présidé à la démobilisation des Mai-Mai serait aujourd’hui en panne. Les Mai-Mai démobilisés par Amani ont laissé le terrain libre à d’autres forces plus négatives mais dont la démobilisation et le rapatriement n’est pas à l’ordre du jour.
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Les opérations militaires Kimya I, Kimya II, Umoja Wetu, Kuja ou Rudia…se passent loin de l’œil vigilant des élus locaux et n’ont rien produit sur terrain jusqu’à ce jour!
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Mais selon le régime en place, la paix est déjà retrouvée! De quelle paix s’agit-il donc? Est-ce la paix des cimetières des Nord-Kivutiens qu’on enterre chaque jour et dont on brûle les maisons ?
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Le fait que le Gouverneur de Province, un homme politique de qui on attend une solution politique, préconise la prière, laisse perplexe surtout que le décret de la prière n’est pas accompagné d’un message qui donne l’état des lieux de la pacification du Nord-Kivu, un message qui devrait servir de base à la prière dans les églises, les temples, et les mosquées du Nord-Kivu.
Plus que l’appel à la prière qui est par ailleurs automatique pour les populations qui souffrent, on attend du gouverneur du Nord-Kivu le paiement de la solde des militaires et des autres fonctionnaires de l’Etat, la mobilisation des populations de la province pour participer à la traque des assaillants, le déploiement des vrais militaires et policiers congolais et patriotes pour sécuriser les populations civiles, la création d’un nouveau cadre de concertation permanente entre les forces vives et les cadres politico-militaires de la Province, l’organisation de la solidarité provinciale pour venir en aide aux sinistrés et déplacés victimes de la violence, l’érection d’une court martiale au Nord-Kivu où les malfrats arrêtés seraient jugés avant de répondre de leurs actes, etc.
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Il est vrai que la prière peut changer les cœurs de pierre en cœurs de chair. Mais le danger est que la prière décretée par le pouvoir en place ne tente de conduire les Nord-Kivutiens dans une résignation qui profite au pouvoir en place, remettant à l’au-delà la paix dont ils ont besoin aujourd’hui, et dont ils sont les acteurs principaux. Aide-toi et le ciel t’aidera, dit un adage ! La prière doit accompagner et soutenir l’action des artisans de la paix au Nord-Kivu ! Avant de prier, les populations du Nord-Kivu ont besoin de savoir ce qui manque aujourd’hui aux artisans de paix pour qu’ils ramènent la paix aujourd’hui ? L’évaluation des opérations militaires qu’avait demandé le député National de Beni, l’Honorable Ernest Kyaviro mais une évaluation qui n’a jamais eu lieu est ce qui devrait, par exemple, constituer le message à lire dans les églises pour orienter la prière des fidèles.
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Aussi, comme l’insécurité actuelle au Nord-Kivu n’est ni une volonté divine ni un mauvais sort, une fatalité, mais bien l’œuvre des hommes et des femmes bien connus comme l’a bien dit le député national de Lubero, l’Honorable Lusenge, dans sa question orale au Premier Ministre, la paix au Nord-Kivu passe par l’interpellation de ces auteurs de trouble conformement aux lois de la justice congolaise. Ainsi la pacification du Nord-Kivu est avant une action concertée et rationnelle de la part de tous les congolais sous l’impulsion du Gouvernement pour mettre hors d’état de nuire les ennemis de la paix. La prière viendrait tout simplement soutenir les efforts de pacification bien connus de tous! Malheureusement la pacification de la Province du Nord-Kivu est une affaire privatisée qui n’a pas de feuille de route connue de tous! C’est cette feuille de route qui est attendue du gouverneur de province pour servir de base à la prière.
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