Après le massacre du 3 mai 2016 à Minibo et Mutsonge, près d’Eringeti, tout le monde s’interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour stopper cette campagne de massacre qui ensanglantent les Territoires de Beni et de Lubero depuis au moins octobre 2014. C’est ainsi que le samedi 14 mai, la coordination des sociétés civiles des Territoires de Beni et de Lubero a adressé une lettre ouverte au président Kabila pour lui demander de faire cesser les massacres. Mais pour ceux qui suivent l’affaire de ce génocide des Nande, la demande de la société civile à Kabila ne fera qu’accentuer les massacres et en ce sens est une grave erreur.
En effet, les deux dernières fois que le président Kabila s’est rendu à Beni soi-disant pour régler la crise, on a enregistré une recrudescence spectaculaire des massacres, y compris au moment-même où il se trouvait encore dans la ville. Pour rappel, trois semaines après le début des massacres, le président Kabila s’est rendu à Beni où il est arrivé le 29 octobre 2014. La nuit de son arrivée, quatorze personnes ont été massacrées dans la localité de Kampi ya Chui . Le 2 novembre suivant, au lendemain de son départ, huit personnes ont été tuées dans le quartier Bel-Air en périphérie-est de Beni.
Les massacres vont se poursuivre après son départ à un rythme soutenu. Il est revenu à Beni un an plus tard, et s’est même rendu à Oicha le 19 décembre 2015 . La même semaine un massacre spectaculaire s’est produit à Beni-Mavivi : 20 personnes égorgées le soir de Noël , le 24 décembre 2015. Deux semaines plus tard va se produire le terrible massacre de Miriki du 7 janvier 2016 en Territoire de Lubero. Autrement dit, non seulement Joseph Kabila n’apporte aucune amélioration à la situation sécuritaire en Territoires de Beni et de Lubero, mais, pire, son passage dans le Bunande est à chaque fois « célébré » par des massacres. Dès lors, solliciter son implication dans la recherche de la solution à cette crise revient à méconnaître les dessous des cartes, que Père Vincent Machozi
nous a pourtant révélés dans son dernier article aux allures de testament, et que les membres de la Société civile auraient dû lire avant de rédiger leur lettre ouverte.
En gros, Kabila, en Territoires de Beni et de Lubero n’est absolument pas la solution, pire, c’est lui le problème. Il ne faut surtout pas qu’il intervienne à nouveau sur ce dossier, surtout pas ! Certains diront « mais c’est lui le président ! ». Oui, mais il faut rappeler qu’en deux reprises au moins, de graves crises ont été réglées au Congo sans associer Kabila à la conduite des opérations. En 2003, lorsque des troupes européennes interviennent en Ituri (Opération Artemis), les opérations sont menées exclusivement par elles, les forces françaises principalement. L’Etat congolais avait été complètement mis à l’écart de la conduite des opérations. En 3 mois, Bunia et l’Ituri étaient pacifiés, et ça dure depuis. En 2013, la campagne contre le M23 a été menée sous le commandement du général brésilien Carlos Dos Santos Cruz, Commandant de la MONUSCO et du diplomate allemand Martin Kobler. Sur le terrain, les opérations furent menées par des unités des armées tanzaniennes, sud-africaines et des patriotes congolais comme le colonel Mamadou Ndala que la population de Goma avait empêché d’être rappelé à Kinshasa, un stratagème du régime qui essayait de saboter les opérations des FARDC. Stratagème heureusement déjoué grâce à la vigilance de la population. En moins de 4 mois, le M23 était vaincu.
A Beni, il faut exactement procéder de la même façon : demander l’intervention d’une force étrangère et écarter autant que possible, l’Etat congolais (trop complice) de la conduite des opérations sur terrain. Désormais la coordination des sociétés civiles des Territoires de Beni et de Lubero devrait en faire le cœur de ses actions, sans tâtonnements et hésitation. La FIB est déjà sur place à Beni et a le mandat d’intervenir avec ou sans l’accord de l’Etat congolais, mais elle est gênée par l’omniprésence de certaines unités FARDC qui sont plus facteur de désordre que de rétablissement de la paix. Tant que les gens n’auront pas compris cette difficile vérité, attendons-nous, hélas, à de nouvelles tragédies.
Boniface Musavuli
©Beni-Lubero Online.