





Depuis Kinshasa, 666 organisations de ma société civile ont envoyé le lundi 2 février 2015 une lettre ouverte à monsieur le Président Joseph Kabila dans laquelle ils demandent :
1. La libération sans condition du défenseur des droits humains, Monsieur Christopher NGOY MUTAMBA, Président national de l’ONG « Synergie Congo Culture et Développement » et Coordonnateur de la plateforme « Société civile de la République Démocratique du Congo »;
2. La justice ainsi que la réparation en faveur de toutes les victimes de graves violations des droits humains et autres atteintes survenues au cours du mois de janvier 2015, dans un contexte des revendications citoyennes et en marge du débat démocratique sur la révision du cadre juridique relatif aux élections en RDC ;
3. L’ouverture des poursuites pénales et actions disciplinaires contre des présumés auteurs intellectuels et matériels de tous ces actes jugés criminels.
Christopher Ngoyi Mutamba avait été enlevé à Kinshasa par des gardes présidentiels, dans la nuit du 21 janvier 2015 suite aux manifestations populaires contre la loi Boshab qui contenait des artifices pour que monsieur Joseph Kabila se maintienne au pouvoir au-delà de décembre 2016, date de la fin du deuxième et dernier mandat de monsieur Kabila à la tête de la RD Congo.
Durant plusieurs jours, les services de l’état étaient restés muets sur le lieu de détention de Christopher Ngoyi ainsi que sur les raisons de son enlèvement.
Très maladroitement, le ministre des informations de la RD Congo avait avoué cette détention sur une chaîne française, avant que tout aussi maladroitement les services des renseignements (ANR) ne distillent aussi une information selon laquelle Christopher Mutamba était détenu chez eux.
ci-dessous, cette lettre.
Bruxelles, le 2 février 2015
Cheik FITA
DOCUMENT
LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT JOSEPH KABILA,
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)
Concerne : La libération du défenseur des droits humains CHRISTOPHER NGOY MUTAMBA et la justice en faveur des victimes des manifestations de janvier 2015.
Kinshasa, le 02 février 2015.
Monsieur le Président de la République,
Les 666 signataires du présent mémorandum, ONG membres de la Campagne pour la démocratie et de l’Etat de Droit en République Démocratique du Congo (RDC), avec le soutien de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDHI, vous adressent la présente lettre ouverte pour demander :
4. La libération sans condition du défenseur des droits humains, Monsieur Christopher NGOY MUTAMBA, Président national de l’ONG « Synergie Congo Culture et Développement » et Coordonnateur de la plateforme « Société civile de la République Démocratique du Congo »;
5. La justice ainsi que la réparation en faveur de toutes les victimes de graves violations des droits humains et autres atteintes survenues au cours du mois de janvier 2015, dans un contexte des revendications citoyennes et en marge du débat démocratique sur la révision du cadre juridique relatif aux élections en RDC ;
6. L’ouverture des poursuites pénales et actions disciplinaires contre des présumés auteurs intellectuels et matériels de tous ces actes jugés criminels, notamment :
(i) des massacres des civils à Kinshasa et Goma et dans l’ensemble du pays ;
(ii) des atteintes à l’intégrité physique des personnes ;
(iii) de la torture ;
(iv) des arrestations arbitraires ;
(v) des détentions illégales ;
(vi) des enlèvements ;
(vii) des disparitions forcées ;
(viii) de l’usage abusif des armes et munitions de guerre contre la population civile non-armée ;
(ix) de l’usage disproportionné de la force contre des manifestations pacifiques ;
(x) du déploiement des chars de combats et armes lourdes des forces armées de la République contre la population, à l’intérieur du pays.
Monsieur le Président,
Tous ces actes jugés criminels ont été perpétrés dans un contexte politiquement mouvementé notamment à Kinshasa, Goma et Bukavu. Et, afin de les étouffer, a la veille de toute manifestation pacifique, des éléments de la Police Nationale Congolaise (PNC), de la Garde Républicaine (GR) et des Forces Armées de la RDC (FARDC) étaient déployées avec chars de combats, armes et minutions de guerre.
En effet, le projet de révision constitutionnelle abandonné, suite à la pression du peuple, le Secrétaire Général du Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Développement (PPRD), votre parti politique, initia un projet de révision de la loi électorale qui justifia une session extraordinaire du parlement, du 15 décembre au 26 janvier 2016. Les parlementaires de l’opposition avaient exprimé leur désapprobation contre ce nouveau projet qu’ils qualifiaient de « glissement du calendrier électoral ». Au-delà de l’hémicycle, autant que c’était pour la révision de la Constitution, la réforme électorale envisagée avait engendré de vives controverses de toute la nation congolaise.
Des organisations signataires de la présente lettre ouverte avaient reçu des informations selon lesquelles, la classe politique au pouvoir soutenait la révision de la Constitution et de la loi électorale, dans le seul but de vous permettre de vous représenter en 2016, pour un mandat au-delà des limitations constitutionnelles. Le projet de loi électoral conditionnait la tenue des élections présidentielles et législatives nationales à l’ajustement des données démographiques résultant de l’ « hypothétique » identification de la population.
Par ailleurs, se positionnaient contre ce projet, tous les partis politiques d’opposition, la société civile, certains de vos partis alliés, ainsi que, de manière très virulente et ouverte, des personnalités politiques comme Francis KALOMBO député du PPRD, Jean-Claude MUYAMBO président de la SCODE[1], et KATUMBI CHAPWE Moïse, Gouverneur de la province du Katanga.
A cet effet, au mois de décembre 2014, le Gouverneur du Katanga avait, par une formule imagée empruntée au football, fait une déclaration politique qui révélait son ambition de briguer le mandat présidentiel, en 2016, et la lassitude du peuple à supporter le rallongement de votre mandat. Il revient aux ONG que cette position de KATUMBI avait amené, d’une part, des leaders politiques à lui exprimer leur soutien et de l’autre, à ce que vous convoquiez urgemment votre famille politique, dans la province du Katanga, ainsi que le gouvernement central, à prendre des mesures immédiates contre des fonctionnaires de l’Etat et/ou des politiciens favorables à KATUMBI.
Dans la même perspective, le gouvernement avait instruit des entreprises de téléphonie cellulaire d’interrompre, illégalement, l’accès de toute la population de la RDC au service d’Internet et la communication par « sms ». Cette décision, politiquement motivée, visait notamment à (i) couper toute communication entre ONG et partis politiques d’opposition ; (ii) empêcher aux groupes de pressions d’accéder à l’information sur la situation de l’ensemble du pays ; et, (iii) les empêcher de rechercher et transmettre des informations d’un lieu à un autre.
Les ONG signataires dénoncent l’usage excessif de la force par la PNC, la GR et les FARDC qui avait causé la mort de plusieurs dizaines de personnes. Le bilan provisoire de Kinshasa est de 11 morts, selon le porte-parole du gouvernement ; de 38 morts, selon l’ONG Human Rights Watch basée à Kinshasa et de plus de 40 morts, selon les ONG congolaises affiliées à la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH). Le bilan provisoire de Goma est de trois morts, d’après le Gouverneur du Nord-Kivu, Monsieur Julien PALUKU, alors que les ONG font état de 4 morts suite aux tirs à balles réelles.
De même, les ONG condamnent des arrestations arbitraires et détentions illégales de plusieurs centaines des personnes dont Mme Pascaline KUDURA, l’honorable Vano KIBOKO KALEMBE, le Bâtonnier Jean-Claude MUYAMBO KYASSA, et le défenseur des droits humains, monsieur NGOY MUTAMBA Christopher. Autant qu’elles dénoncent des cas de torture et atteinte à l’intégrité physique des dizaines des personnes ; des centaines de personnes tabassées, blessées par balle et asphyxiées au gaz lacrymogène.
En conclusion, les 666 ONG organisations, signataires de la présente, demandent la libération immédiate du défenseur des droits de l’Homme, Monsieur Christopher NGOY MUTAMBA, ainsi que toute autre personne arrêtée pour avoir exprimé son droit de manifester son opinion politique. Elles fondent leur action sur les dispositions de l’article 64, alinéa 1 de la Constitution de la République qui stipule que « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la (présente) Constitution…».
Dans cette perspective, les ONG réaffirment leur engagement à contribuer efficacement à l’instauration d’un Etat de droit et l’enracinement de la démocratie. Aussi vous demandent-elles de soutenir leur action, afin d’empêcher toute tentative de dérive dictatoriale et préserver les acquis démocratiques cristallisés dans la Constitution. Par ailleurs, elles vous invitent à vous saisir de la dénonciation de ces violations des droits humains et instruire les instances compétentes à approfondir les enquêtes, afin de rendre justice en faveur des victimes. Votre soutien peut aussi permettre aux ONG de recourir au mécanisme de complémentarité judiciaire existant, notamment, dans le cadre de la Commission africaine des droits de l’Homme, et le Statut de la Cour pénale internationales qui enquêtent déjà sur d’autres cas de violations graves des droits de l’Homme commis dans le pays.
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