





Les États sont dépourvus d’états d’âmes et de bons sentiments. (NDLR : Ils n’ont que des intérêts)
Le scandale de la COFACE
Lorsqu’une société française passe un contrat avec un État, elle peut décider de se prémunir d’un éventuel défaut de paiement. Pour cela, elle peut demander une garantie de la part d’une agence de crédit public à l’exportation ; si l’État est insolvable, l’agence remboursera l’entreprise française.
Ces agences de crédit public à l’exportation ont été mises en place pour encourager les exportations réalisées par les entreprises des pays du Nord.
En France, la COFACE détient le monopole de cette activité. Elle est en grande partie financée par l’APD française, dans le cadre des opérations sur la dette. Son budget est de l’ordre de 9 milliards d’euros par an.
Schéma de fonctionnement de la COFACE
1. Une entreprise française passe un contrat avec un État étranger (BTP, vente d’armes, etc…)
2. L’entreprise française fait garantir ce contrat par la COFACE : si l’État étranger est insolvable, la COFACE honorera les remboursements.
3. La COFACE puise l’essentiel de ses ressources dans l’aide publique française au développement.
La COFACE a souvent garanti des contrats passés avec des États dont la capacité de remboursement était réputée comme quasi nulle. Nombreuses sont les entreprises française ayant signé de juteux contrats pour construire des infrastructures dans de tels pays, quelle que soit leur utilité.
Si l’on ajoute à cela les surfacturations des projets, nous avons là un mécanisme de détournement d’argent public exemplaire. Comme le souligne Thierry BRUN (Politis), les budgets de la COFACE sont obscures : « L’État français, qui engage chaque année environ 9,2 milliards d’euros d’argent public au travers de la COFACE [dont une grande partie de l’APD], a ainsi payé plus de 15 milliards d’euros en 20 ans pour couvrir les déficits de cette agence, sans que personne n’ait vérifié l’efficacité des contrats passés ».
Le parlement français n’a d’ailleurs jamais eu de réel contrôle sur la nature des contrats couverts par la COFACE ni sur le montant exact des « renflouements » opérés par l’État.
Notons enfin qu’un tiers des contrats garantis par la COFACE concerneraient des exportations d’armements.
Comme le résume François-Xavier VERSCHAVE dans La Françafrique (1998), « en pratique toute réduction de dette est aussitôt compensée par de nouveaux crédits ou garanties à l’exportation. 60% des nouveaux transferts se font au titre de l’aide publique au développement. Une partie sert à rembourser d’autres prêts, une autre gonfle les comptes, en francs suisses ou en dollars, des tyrans locaux. Une autre encore finance des projets coûteux, qui servent essentiellement les intérêts commerciaux des généreux donateurs et de leurs intermédiaires du Sud ».
Une aide détournée ?
Tout le monde sait que les partis politiques sont financés par des détournements de trafics via l’Afrique. L’Afrique sert à blanchir l’argent des partis politiques. C’est scandaleux parce qu’en pervertissant les élites, on fiche en l’air le développement de l’Afrique.
Nous avons vu combien le devenir officiel de l’APD française est à la fois obscure, incontrôlable et largement contestable. Mais de nombreuses critiques vont plus loin, particulièrement en ce qui concerne l’aide envoyée en Afrique.
Celle-ci peut, en effet, être perçue comme un instrument de la FrançAfrique. L’expression FrançAfrique désigne la part immergée de l’iceberg des relations franco-africaines.
En 1960, l’Histoire acculait De GAULLE à accorder l’indépendance aux colonies d’Afrique Noire. La France, « meilleure amie de l’Afrique et du développement », se flattait de « protéger » cette nouvelle légalité internationale proclamée.
Mais, dans le même temps, De GAULLE chargeait son éminence grise Jacques FOCCART d’organiser le maintien de la dépendance, avec la complicité de chefs d’État « amis de la France », soigneusement sélectionnés (jusque dans les services secrets français, comme Omar BONGO au Gabon).
Cette confiscation des indépendances nécessitait un contrôle « soft » et « hard ».
– contrôle « soft » : par la corruption des décideurs locaux, la co-organisation des scrutins truqués, l’achat de la solidarité de la classe politique française.
– contrôle « hard » : par le financement des polices politiques, des gardes dictatoriales, des milices ou des mercenaires ; l’implication dans les coups d’État ou les guerres civiles.
Ce contrôle des pays « indépendants » ne pouvait se financer que secrètement, via les paradis fiscaux. Ces derniers permettent en effet de réaliser tout type de montages financiers, en toute opacité : détournement de l’aide publique au développement, pillage des ressources, trafics d’armes, blanchiment d’argent, etc….
Dans ce contexte, l’APD française en Afrique, loin d’oeuvrer pour le développement, a en réalité plusieurs fonctions :
– Maintenir au pouvoir les régimes « amis » de la France, et si possible étendre leur influence.
– Favoriser le détournement des ressources africaines. Chaque exploitation lucrative de matières premières (pétrole, uranium, manganèse, bois exotiques, or, cobalt, diamants, cacao, café, pétrole, banane, coton, etc.) est accompagnée d’un mécanisme « d’aide » qui permet de mieux exploiter la rente (investissements pour améliorer la production, corruption des élites locales, travaux permettant un meilleur accès à ces ressources, etc.).
– Faciliter la vente d’un certain nombre de productions françaises réalisées par quelques grandes entreprises avec des marges confortables, parfois inouïes, avec une éventuelle redistribution aux partis politiques français.
Les « éléphants blancs »
Nombre de « grands projets » réalisés dans le cadre de l’aide au développement ont été critiqués pour leur inutilité ou leur mauvaise réalisation. Ils ont souvent été ironiquement baptisés les « éléphants blancs ».
Dans une étude réalisée en 1985, les auteurs de Besoin d’Afrique (Fayard, 1992) notaient que « sur 343 projets de grande envergure, 195 fonctionnaient mal et 79 étaient purement et simplement arrêtés […] Une grande partie de ces »échecs » ne sont pas dus à des erreurs d’appréciation. Ils correspondent aux intérêts bien compris de quelques firmes qui investissent avec la garantie financière de l’État français ».
« Si l’Afrique n’est plus un partenaire commercial privilégié (la zone franc représente 3% des échanges extérieurs de la France), elle est le terrain de quelques monopoles lucratifs réservés à une poignée de privilégiés.
Ainsi BOLLORÉ l’une des grandes multinationales en Afrique, qui opère dans le secteur du tabac, du transit, du transport et de l’agro-industrie est en première ligne lorsque la CFD [prédécesseur de l’Agence Française de Développement] donne quelques dizaines de millions de francs à Madagascar pour relancer le secteur du tabac.
Toujours avec l’argent public, Alcatel a pu installer des centraux téléphoniques en Ouganda, alors que le réseau ne fonctionne pas.
Et Thomson a pu livrer à Libreville et Kinshasa des « cités informatiques » ultramodernes, condamnées à rester dans leurs emballages !
Quant à Bouygues, il réalise le tiers de son chiffre d’affaires BTP en Afrique dans des projets somptuaires, tels le complexe universitaire de Yamoussoukro ou la mosquée de Casablanca… »
Extraits de L’aide publique au développement, Anne-Sophie BOISGALLAIS et François-Xavier VERSCHAVE, éd Syros, 1994
Au final, seule une faible partie de l’APD vise véritablement à réduire l’extrême misère des populations du Sud. Et si certains coopérants et ONG de développement subventionnés par l’APD font du bon travail, à faible coût, cette facette « vertueuse » de l’aide au développement légitime tout le reste.
En réalité, cette aide est littéralement sabotée. Malgré les dépenses gigantesques officiellement consacrées aux États d’Afrique Francophone, la situation politique et économique de ces pays, après quatre décennies de « coopération », est révélatrice ; on devine que la rente a très peu profité aux populations. Pire, leurs dettes sont gigantesques.
Les observateurs critiques des relations franco-africaines parlent de plus en plus de Mafiafrique ; ce terme désigne la connexion entre les agents et les flux financiers occultes des grandes puissances, sous la houlette des principaux services secrets.
Dans ce dispositif, les paradis fiscaux jouent un rôle pivot. « En France, les rétro-commissions et les »porteurs de valises à billets » enrôlent dans ce processus prédateur un nombre suffisant de cadres et responsables d’entreprises, de politiciens, d’intermédiaires, de membres et correspondants des services spéciaux; comme commence à le découvrir le grand public dans le cadre des nombreuses affaires liées à Elf, Falcone, Glencore, etc…
Les circuits de captation des rentes sont organisés en réseaux internationaux, souvent nés des circonstances : des officiers et agents des services de renseignement ont pantouflé dans les grands groupes français, des ex-cadres pétroliers servent dans les ambassades, d’anciens politiciens français encadrent aujourd’hui des sociétés privées présentes en Afrique. D’innombrables intermédiaires commerciaux et financiers français, russes, israéliens, libanais, américains ou sud-africains proposent clefs en main des montages de plus en plus sophistiqués, mêlant les flux physiques et financiers, spéculant sur les dettes des États, plaçant les sommes perçues ou confiées au Luxembourg, au Liechtenstein, à Andorre, etc… «
Le volume financier de l’aide publique au développement semble dérisoire pour compenser les dynamiques inégalitaires de l’économie mondiale.
De plus, la destination officielle de l’aide publique française au développement est opaque, incontrôlée, pétrie de contradictions. Les accusations de détournement dont elle fait l’objet sont multiples et argumentées. Les principales activités financées semblent très éloignées des besoins prioritaires des populations.
Enfin, le manque de succès de l’aide au développement nous est généralement présenté comme la preuve que les pays du Sud sont des »puits sans fond » qui engouffrent indéfiniment l’aide occidentale.
En réalité, l’aide occidentale est un moteur de profit politique et économique pour les puissances occidentales.
Dans ces conditions, l’aide publique au développement agit comme le révélateur d’une situation politique inacceptable et d’un contexte mondial désastreux. Cette situation pose également la question de la nature de notre actuel régime politique : sommes-nous en démocratie en France ?
Témoignage d’une militante d’une association de solidarité internationale
Quand je suis rentrée dans mon association de solidarité internationale, je me voyais déjà avec une pelle et des seaux creuser des puits au fin fond du désert. Je croyais que les pays occidentaux aidaient les pays du Sud, que pauvreté et misère diminuaient de plus en plus, que les guerres étaient la cause de dictatures locales.
En trois ans, ma vision a totalement changé. J’ai bien été forcée de constater qu’une cause majeure de la misère des pays du Sud est le système économique occidental qui pompe la richesse de ces pays, notamment par le biais de la dette et des plans d’ajustements structurels.
Les rapports du PNUD, pourtant réputés consensuels, prouvent que pauvreté et misère augmentent, que les inégalités s’accroissent. Il suffit d’ailleurs de voir la progression du sida, malaria, analphabétisme…
J’ai aussi compris que la cause des guerres africaines est à chercher du côté des réseaux politico-mafieux européens et américains, des multinationales comme Elf, de la DGSE, des vendeurs d’armes, des sociétés de mercenaires occidentaux.
J’ai découvert que le président français et toute sa clique sont impliqués dans toutes ces affaires horribles (Rwanda, Burkina, Côte d’Ivoire, Congo Brazzaville etc…), comme l’ont été M. MITTERRAND et son fils vendeur d’armes, comme le sont M. PASQUA et son fils qui est également un vendeur d’armes.
J’ai découvert qu’il y a à l’Elysée une cellule africaine qui en sous-main court-circuite le Ministère des Affaires Etrangères.
J’ai découvert que l’aide publique française au développement est massivement détournée. Jamais je n’aurais imaginé découvrir autant de cynisme et de mépris pour l’humain chez nos gouvernants. Aujourd’hui je sais que la vraie lutte est à mener ici, au niveau politique, mais je ne sais pas vraiment comment faire.
Dans mon association de solidarité internationale, c’est un peu comme si nous épongions la fuite d’un barrage avec un coton-tige sans chercher à arrêter ceux qui sont en train de le détruire avec des bulldozers. Le pire, c’est que ce sont souvent ces derniers qui nous distribuent les cotons tiges…
Extrait de La Françafrique, François Xavier VERSCHAVE, Stock, 1998
Il ne choque personne qu’avec l’argent de l’APD on offre un Mystère 20 au richissime BONGO, puis que l’on rénove luxueusement son DC 8 personnel, qu’on achète un autre Mystère 20 au président centrafricain KOLINGBA ou, pour quelques 100 millions de francs, un Falcon 50 au général HABYARIMANA ; l’équivalent du budget annuel de coopération civile franco-rwandaise (avant 1994).
Nous mesurons l’étendue de la corruption qui gangrène le système français de coopération. Mais l’aide n’est pas seulement gaspillée : elle conforte le pouvoir de clans dictatoriaux, totalitaires ou pseudo-démocratiques, tout en discréditant l’État, le bien commun, le service public.
En France, elle finance largement les écuries politiques, en direct ou par le biais de rentes diverses du pétrole, d’autres matières premières, des importations, etc.
Nous découvrons que ces milliards dévoyés se mêlent aux flots de la corruption hexagonale : l’argent razzié sur les HLM d’Ile-de-France, par exemple, rejoint d’étranges trafics ivoiriens (armes et bananes). Tout cela a stimulé chez les ténors de la classe politiques des besoins colossaux. […]
Prenons le dictateur très riche d’un pays pauvre ou très pauvre, comme le fut par exemple Moussa
TRAORÉ au Mali.
Personne ne s’étonne que le pays n’arrive ni à boucler son budget, ni à régler ses dettes d’autant moins que l’État est pillé par le clan au pouvoir. En temps ordinaire, le chef d’État africain tire la sonnette à Paris : pour se faire mieux entendre, il ajoute parfois quelque chantage, dont les moyens ne manquent pas.
Preuves compromettantes des partages de gâteaux précédents, ou de contributions variées aux campagnes électorales du « parent » français.
Cassettes vidéo témoignant débats torrides ou de postures délicates, montrant des remises de diamants et d’autres cadeaux précieux. Un conseiller ministériel très bien placé me signalait le cas de l’assassinat d’un ressortissant français, avec le message à la clé : « si l’aide n’est pas versée, il y en aura un autre ». On verse. Mais il n’est pas besoin d’insister beaucoup, car la suite est bien connue : sitôt la somme versée, une grande partie ou même la totalité remplit des valises de billets CFA, emmenées par avion à Genève ou dans une autre place financière ; les billets neufs sont convertis en francs français, le magot est partagé avec le décideur politique parisien et s’en va dans des coffres sûrs ou des paradis fiscaux.
Comment capter les ressources africaines ?
Recette en 8 leçons :
1. D’abord, faire en sorte qu’un militaire prenne le pouvoir dans un pays d’Afrique francophone.
2. Le soutenir militairement et le renforcer en plaçant sa famille et ses proches à tous les postes clés des institutions étatiques et des projets financés par les bailleurs de fonds.
3. Encadrer et contrôler son action en plaçant, discrètement, près du pouvoir, des conseillers militaires et diplomatiques français, sans oublier une bonne dose de services secrets.
4. De là, organiser des pseudo-élections pour obtenir le statut de « démocratie » et la reconnaissance internationale. A présent, le pillage des ressources peut commencer.
5. Confier l’exploitation du pétrole, du bois ou des minerais à des firmes internationales ou à de grandes banques. Pour cela, laisser des intermédiaires financiers négocier, auprès du gouvernement, l’achat de permis d’exploitation des ressources du pays sur plusieurs décennies.
6. « Arroser » par la même occasion le clan présidentiel, qui à son tour remerciera généreusement ses amis français et étrangers, rétribuera sa garde présidentielle et distribuera les miettes à la population.
7. Enfin, pour couronner le tout, saisir toutes les occasions de parler dans les médias de la nécessité du développement, d’exprimer sa compassion pour « les pauvres Africains ».
8. Si besoin est, utiliser une infime partie des fonds détournés pour soutenir une association humanitaire.
Le tour est joué, vous voilà futur millionnaire !
Patrick Eric Mampouya
©Beni-Lubero Online





