





KINSHASA – Rien ne va plus entre Brazzaville et Kinshasa ! Un climat de méfiance profonde relative au refus opposé par les autorités brazzavilloises de procéder à l’extradition de l’ex-général Faustin MUNENE et du rebelle UDJANI alias «Etoko» qui ont été condamnés par défaut par la justice militaire congolaise pour avoir été reconnus coupables d’atteinte à la sécurité intérieure, incitation à la rébellion, etc. Des crimes qui leur ont valu des peines d’emprisonnement à perpétuité.
Cette demande d’extradition avait été formulée par Kinshasa dès le jour où les médias périphériques avaient fait état de l’arrestation de ces deux compatriotes l’un à Pointe Noire et l’autre à Impfondo. Et cela, avant le démarrage du procès devant la cour militaire siégeant à Matadi.
Des contacts avaient eu lieu entre les autorités des deux pays, notamment de hauts responsables des services de sécurité tant civile que militaire, un véritable chassé-croisé politique et même diplomatique qui a duré depuis plus d’une année. Des émissaires provenant de certains Etats amis avaient été mis à contribution pour arrondir les angles entre les deux régimes, notamment le Gabon, le Togo, l’Angola, le Cameroun, le Tchad, la France, les Etats Unis d’Amérique, le Vatican, etc.
Le pavé dans la marre de Denis Sassou
Probablement énervé par les thèses de la RDC, le président de la République du Congo-Brazzaville va profiter d’une interview accordée à notre consœur Jeune Afrique pour opposer une fin de non recevoir aux demandes d’extradition formulées par Kinshasa. Denis SASSOU Nguesso va revenir avec amples détails sur les péripéties de l’épisode douloureux de l’accord du retour de feu Pierre MULELE signé entre les deux pays en 1969. Le ministre congolais des Affaires Etrangères de l’époque, Justin-Marie BOMBOKO, avait effectué le déplacement de Brazzaville à bord du bateau présidentiel pour ramener l’ancien chef de la Rébellion muleliste à Kinshasa. Deux jours après, coup de tonnerre : Pierre MULELE avait été torturé à mort et son corps jeté aux orties. Ce fut le début de la crise profonde entre les deux capitales les plus rapprochées du monde.
Les relations diplomatiques furent rompues donnant ainsi droit à des escarmouches et invectives verbales sur les médias entre les deux chefs d’Etat de l’époque, en l’occurrence feu Marien NGOUABI et MOBUTU. Une crise qui perdura à travers des appuis aux trois mouvements de libération de l’Angola, Kinshasa hébergeant l’Unita de SAVIMBI et le FNLA de Roberto HOLDEIN, tandis que Brazzaville était le siège du MPLA d’Agostino NETO. Cela, jusqu’à l’assassinat en 1977 de Marien NGOUABI. De même, tous les exilés de la RDC et en premier lieu, Antoine GIZENGA, MUKULUBUNDU, Nicolas OLENGA, Matthias KEMISHANGA, Raphaël MUSAMPA, Jean-René TSHIMBILA et autres avaient élu domicile à Brazzaville où ils reçurent un appui logistique, politique, diplomatique et financier de la part du pouvoir marxiste du Parti Congolais du Travail. C’est à l’avènement de Denis SASSOUS en 1979 que le dégel se réinstalla entre Kinshasa et Brazzaville caractérisé par quelques incidents, particulièrement au niveau des mouvements des commerçants très fréquents sur le fleuve commun.
Voilà que l’affaire Faustin MUNENE qui est comme par hasard le neveu de feu Pierre MULELE réveille le diable qui dormait de son profond sommeil, obscurcissant ainsi le ciel entre les deux capitales les plus rapprochées du monde qui était serein depuis l’élection de Joseph KABILA.
De petites frictions entre Kinshasa et Brazzaville ont toujours eu lieu. Ce fut le cas après des rencontres sportives, comme en 1984 lors de la phase éliminatoire de football pour le compte de la Coupe d’Afrique des Nations entre les Léopards kinois et les Diables Rouges brazzavillois, lors des Jeux d’Afrique Centrale, lors d’un match de football entre Dragons de Kinshasa et Diables Noirs de Brazzaville pour le compte du championnat africain des clubs champions. IL y en a eu encore pendant la guerre civile entre les éléments de SASOUS Nguesso et ceux de Pascal LISSOUBA en 1997, le régime de l’AFDL, sous la pression de Kigali, ayant pris fait et cause pour LISSOUBA contre SASSOUS accusé d’héberger des éléments des FDLR.
Politique de deux poids, deux mesures
Aussi curieux que cela puisse paraître, le refus opposé par Kigali de procéder à l’extradition de Laurent NKUNDA Mihigo n‘a jamais été suivi par le rappel de l’ambassadeur de la RDC à Kigali. Pourtant, les éléments du C.N.D.P. ont commis des crimes de guerre et contre l’humanité, notamment, des viols massifs, des massacres, des pillages, des destructions méchantes, des déplacements forcés des populations sans oublier l’humiliation du régime au pouvoir à Kinshasa au lendemain de la débâcle des troupes des FARDC en novembre 2007 à Mushake dans le Masisi.
Outre l’ex-général de brigade L. Nkunda, le Rwanda continue à héberger une dizaine d’anciens officiers du Rassemblement Congolais pour la Démocratie impliqués dans des cas de massacres, de pillage des ressources naturelles, des viols, des destructions méchantes, bref des crimes de guerre et contre l’humanité. Parmi eux, les ex-colonels Jules MUTEBUSI, GISHONDO, RUHORIMBERE, etc. Kinshasa n’a jamais évoqué ces cas et n’a jamais rappelé son ambassadeur à Kigali.
Les Kivutiens n’oublieront pas de sitôt tous les crimes de guerre et contre l’humanité commis par L. NKUNDA, MUTEBUTSI, GISHONDO et RUHORIMBERE. L’on cherche à savoir où se trouverait le champ de bataille où les troupes de Faustin MUNENE auraient commis des crimes similaires pour que le refus de son extradition opposé par Brazzaville serve de motif à Kinshasa pour rappeler son ambassadeur.
Opérations militaires conjointes en 2009
Il apparaît de plus en plus que les demandes d’extradition formulées par Kinshasa se font du bout des lèvres quand il s’agit du Rwanda. Au moment où les négociations entre le gouvernement de Kinshasa et le mouvement politico-militaires de L. NKUNDA avaient pris une vitesse de croisière, l’on apprit que Kinshasa et Kigali venaient de conclure un accord pour lancer des opérations militaires conjointes pour traquer les Interahamwe. Un prétexte que le Rwanda a toujours brandi pour justifier les incursions de ses troupes armées régulières sur le territoire congolais. C’en était trop pour certains fils du Kivu qui l’exprimèrent par la bouche de Vital KAMERHE. Qui fut l’objet d’une campagne de dénigrement systématique pendant trois mois sur les ondes des médias officiels par des responsables du régime avant de se voir contraint à la démission à la rentrée parlementaire de mars 2009.
Principes du droit humanitaire et Convention de Genève
A toutes les demandes d’extradition de L. NKUNDA formulées par Kinshasa, le régime du Front Patriotique Rwandais organise une parodie de procès pour tirer les choses en longueur en multipliant des procédures dilatoires. Car, Kigali sait pertinemment que le Traité d’extradition conclu entre les présidents MOBUTU, HABYARIMANA et BAGAZA ne concerne que les crimes et délits de droit commun. De même, la Convention de Genève proscrit l’extradition de toute personne qui se proclame exilé dans un pays tiers pour des raisons politiques. On comprend donc qu’en concluant ce Traité, les trois présidents s’étaient prémunis contre toute éventualité d’un coup d’Etat dans leurs pays respectifs.
C’est en application de cette Convention de Genève que feu L. Désiré KABILA, Nicolas OLENGHA, Antoine GIZENGA, Matthias KEMISHANGA, Jean-René TSHIMBILA, Raphaël MUSAMPA et bien d’autres exilés dans des pays voisins n’avaient pas été extradés vers le Congo et cela au grand dam du maréchal MOBUTU. Voilà pourquoi les relations entre le régime de feu Julius NYERERE et celui du maréchal MOBUTU étaient souvent houleuses et crasseuses. Las de réclamer l’extradition de L. Désiré KABILA surtout au lendemain des troubles dans la ville de MOBA, Kinshasa entreprit des démarches pour signer une paix des braves en échange du retour de tous les exilés au pays de leurs ancêtres.
Selon le livre d’Honoré NGBANDA, alors conseiller spécial de MOBUTU en matières de sécurité, L. Désiré KABILA souscrit à cette offre à condition de le laisser s’installer dans sa ville natale de Moba. Tout le dispositif sécuritaire avait été mis en place pour assurer le retour du chef de la rébellion dans le territoire de Fizi-Braka. C’est à cause de certaines circonstances malheureuses que le géniteur de l’actuel président de la République rata son retour au pays de ses ancêtres. Christophe NGBENYE retourna à Kinshasa SOUMIALOT s’installa comme fermier dans le Bas-Congo où il mourut il y a trois ans Casimir MBAGIRA fut nommé ambassadeur au Caire. Nicolas OLENGA opposa une fin de non recevoir avant de mourir dans des circonstances louches pendant la Conférence Nationale Souveraine en 1991.
© Le Phare, Kinshasa, 28.03.11





