





La campagne électorale dans un pays est la période des promesses mirobolantes de la part de candidats aux différents postes à pourvoir. Wittgenstein a eu le génie de dire qu’il vaut mieux se taire lorsqu’on n’a rien de sérieux ou de consistant à dire. Un peu dans le même sens, Paul Ricœur estime qu’il vaut mieux ne pas promettre quoi que ce soit à qui que ce soit si on n’a pas l’intention ou les moyens de réaliser sa promesse. Pour Ricœur, en effet, la fidélité à une parole dite ou à une promesse faite est une exigence morale révélatrice de l’estime de soi et du respect envers la personne à qui une promesse est faite.
.Fort malheureusement, la République Démocratique du Congo foisonne de promesses non tenues depuis l’accession du pays à la magistrature suprême jusqu’à nos jours en passant par le régime issu du coup d’Etat militaire du 24 Novembre 1965 par le colonel Mobutu. Je ne cours pas le risque d’être contredit en soutenant que les réalisations des gouvernements qui se sont succèdé au pouvoir à Kinshasa depuis l’indépendance sont très en déça de promesses faites au peuple par leurs différents animateurs. Où se trouve ce pays que les pères de l’indépendance ont promis de rendre “plus beau qu’avant dans la paix”? Sous le régime du tyran Mobutu, on est allé de septennat à septennat sans qu’on voit couler le miel et le lait promis ou s’édifier le paradis terrestre promis le 24 novembre 1965. Les espoirs suscités à l’occasion du renversement de Mobutu le 17 Mai 1997 par l’AFDL chapeautée par Laurent-Desiré Kabila ont été de très courte durée. Le peuple a tôt fait de déchanter. Non seulement jusqu’à ce jour le peuple est resté affamé et maintenu dans le même environnement rude, insalubre et inhospitalier mais il a assisté éberlué au détricotement du pays lequel n’a retrouvé un semblant d’unité que grâce à l’intervention de la communauté internationale. De ce point de vue, après bientôt 46 ans de mensonges où, à mieux dire, de promesses non tenues et de self-service pratiqué sans vergogne par les politiciens, que nous est-il permis d’espérer des échéances électorales dont le déroulement se profilent à l’horizon? Le moment est venu de conjurer le risque d’aller de quinquennat à quinquennat sans que rien ne change.
.A cause de promesses plusieurs fois non tenues, le pays est aujourd’hui ce qu’il est: un pays en état de décomposition ou de déliquescence très avancée. Apres 46 ans de mauvaise gouvernance et de pillage, de défaut d’entretien et du refus de l’excellence de la part des dirigeants, le pays est devenu un “grand chantier” si bien qu’on ne sait exactement par où commencer pour le redresser. Je ne suis pas le premier à décrire le pays en termes de “grand chantier”. Mr Lunda Bululu l’a fait il n’y a pas longtemps dans une interview. Le moins que l’on puisse dire est que le pays a besoin, à sa tête, d’un vrai leader c’est-à-dire un meneur d’hommes doublé d’un constructeur: le double du héros mythique grec Hercule. Gouverner en faisant c’est-à-dire en donnant l’exemple et en posant des actes concrets dictés par les promesses faites pendant la campagne électorale:
.Voilà ce que nous sommes en droit d’attendre de nos gouvernants au lendemain du processus électoral en cours. Au regard du caractère titanesque de ce qui est à réaliser, quatre urgences me paraissent prioritaires, urgences qui, à mon estime, devraient déterminer l’électorat à se positionner par rapport aux candidats après avoir scruté leur passé et après les avoir écoutés pendant la campagne électorale. Ces urgences sont: la restauration de la paix, la mise sur pied d’une armée forte, la reconstruction du pays et l’amélioration des conditions sociales du peuple, etc.
La restauration de la paix.
.Contrairement à ce que prétendent certains politiciens aux affaires, la paix est encore loin d’être un acquis en RDC. En effet, une paix digne de ce nom suppose entre autres, le rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national dont certaines portions restent encore sous le contrôle de dangereux extrémistes endogènes ou exogènes, la sécurité des personnes et de leurs biens. La reconstitution de l’intégrité territoriale et la libre circulation des personnes et des biens sont, parmi tant d’autres, des signes extérieurs du retour de la paix laquelle est une des conditions de possibilité de la reconstruction du pays. Mais étant donné les guerres à répétition auxquelles on a assisté et les velléités expansionnistes de nos voisins de l’Est, le pays a besoin d’être doté d’une armée vaillante et performante.
.La mise sur pied d’une armée nationale efficace et consciente de sa mission
.Point n’est besoin de dire que l’armée a, entre autres, dans ses attributions, la défense et la protection de l’intégrité territoriale. Pour mener à bien la mission qui est la sienne, l’armée se veut efficace. Aussi doit-elle être bien entraînée, bien équipée et bien entretenue. Une armée affamée ne fera montre d’aucune efficacité même si elle bénéficie d’un entraînement approprié et dispose d’un équipement adéquat. Comme à l’époque coloniale, l’Etat congolais doit réapprendre à prendre totalement l’armée en charge pour que les militaires cessent de se livrer, en vue de leur survie, à des actes de prédation et de vandalisme au sein d’une population déjà appauvrie. Le pays a besoin d’une armée protectrice du peuple et amie du peuple. Un Etat qui dresse l’armée contre le peuple qu’elle est plutôt censée protéger et qui, plus est, la rend inefficace faute de pouvoir la prendre efficacement en charge n’a pas de raison d’être. Un tel Etat est à remplacer sans complaisance par un nouvel ordre social. Une armée responsable est nécessaire à la pacification du pays, pacification sans laquelle la reconstruction de celui-ci ne serait qu’une illusion.
.La reconstruction du pays
.Etant donné l’état de destruction très avancée dans lequel se trouve la RDC, il est impérieux que soient viabilisées ses infrastructures économiques (voies de communication routières, ferroviaires, fluviales et aériennes, mines, industries, banques, commerce, artisanat …), sociales (écoles, hôpitaux…) et administratives (réfection des bâtiments publics abritant les bureaux de l’Etat, leur équipement, modernisation de l’administration…). Reconstruire le pays c’est, à mon avis, en faire un espace existentiel où il fasse beau vivre et travailler et où on ne soit pas tenté, d’une part, de se servir (= piller le trésor public) au lieu de servir et, d’autre part, d’assurer sa survie aux dépens et au détriment des autres et de l’Etat lui-même.
.L’amélioration progressive des conditions sociales
.Les conditions dans lesquelles vit le gros de la population congolaise laissent très à désirer. En RDC, on trouve encore des gens ayant un net à payer mensuel équivalent à 10 dollars américains. Ces 10 dollars sont du reste irrégulièrement versés à qui de droit. Tout le monde sait que personne ne peut nouer les deux bouts du mois avec 10 dollars même si ceux-ci sont régulièrement versés. Aussi, aux fins de soulager un tant soit peu les souffrances humiliantes du peuple, il ne serait pas déraisonnable d’exiger que les élus de demain inscrivent dans leur campagne électorale la gratuité de l’enseignement et des soins médicaux. La gratuite de ces deux secteurs devrait être decretée comme premier pas en direction de l’amélioration des conditions sociales des congolais. Il devrait en être ainsi dans un premier temps c’est-à-dire en attendant que la situation s’améliore et que chacun soit à même de vivre décemment de son travail ou de son salaire. Il est grand temps que les hommes politiques renoncent à faire montre d’inhumanité et de sadisme à l’égard de leurs propres compatriotes. Nous avons tous un droit inaliénable à la vie. Pas à n’importe quelle vie mais à une vie décente: celle qui respecte notre dignité d’hommes.
.Une chose est de promettre, une autre est de réaliser sa promesse. Comment discerner parmi les candidats ceux qui sont disposés à accompagner le dire par le faire c’est-à-dire à transformer en actes libérateurs et émancipatoires les promesses de la campagne électorale? Autrement dit, comment distinguer les “vendeurs d’illusions” de “candidats sérieux” c’est-à-dire soucieux de réaliser leurs promesses électorales et disposés à se laisser contrôler par le demos (=le peuple) à qui appartient de droit le kratos (=le pouvoir)? Comment savoir qui sont les candidats ayant à coeur les quatre urgences susmentionnées auxquelles tous promettront certainement de faire face? Comment détecter, sans courir le risque de se tromper, les candidats pour qui DIRE C’EST FAIRE, ainsi que le veut le philosophe Austin?
.Toutes ces questions suggèrent que la rechute dans le non-sens antérieur reste possible. Toutefois, le peuple dispose de deux atouts majeurs. Le premier c’est celui consistant à profiter des élections en perspective pour débarrasser la scène politique de tous ceux-là dont la place se trouve ailleurs à cause de l’étrangeté de leur comportement face aux enjeux en présence. Le second atout, moins évident que le premier, c’est celui consistant pour le peuple à prendre très au sérieux la dénomination du pays –une République Démocratique- en restituant à ladite dénomination son contenu sémantique.
.Cette dénomination indique clairement que le pays une “res publica” c’est-à-dire une “chose publique” dont les richesses doivent, par conséquent, profiter à tous ses habitants qui en sont indistinctement les propriétaires. Aussi appartient-il au “demos” c’est-à-dire au peuple d’user de son “kratos” c’est-à-dire de son pouvoir pour exercer sur ceux qui, par procuration, le gèrent à sa place une surveillance serrée, soutenue et intransigeante. J’ai lu il y a deux jours ces propos fort provocateurs et édifiants sur un monument américain: “Dieu n’accorde la liberté qu’à ceux qui l’aiment (=la liberté) et qui sont prêts à la défendre”. Bien que don du ciel, la liberté ne tombe pas du ciel. C’est une tâche à réaliser.
.Les candidats à élire ou à maintenir au pouvoir sont ceux qui sont amoureux du pays et de son peuple et non forcément ceux-là que la communauté internationale espère voir gagner les élections en perspective. Les électeurs ne doivent pas céder au chantage dans la mesure où ce n’est pas la communauté internationale qui ira aux urnes à leur place.
Père Léopold KAMUNDU, O.Praem.
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