





On vient de terminer, à Bruxelles, une grande conférence sur la forêt congolaise et l’on annonce pour demain le début d’une Foire économique à Mbandaka, chef-lieu de l’Equateur et principale localité de la cuvette centrale forestière du Congo. Applaudissons au passage cet intérêt pour une province qui aurait pu penser qu’on lui reprocherait encore pendant un siècle ou deux d’avoir vu naître Mobutu, et revenons à la forêt.

Forêt Equatoriale vue du Panoroma de chez Mr. Lotis (route de Beni-Butembo)
Un premier point paraît digne d’attention. Quand on parle de pillage du Congo, le regard se braque presque automatiquement sur les régions minières, et l’on pense diamant, coltan, cobalt ou cuivre…
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La forêt aussi est pillée ! Bien sûr, aucun trafiquant ne se fait jamais attraper, dans un aéroport, avec un arbre dissimulé dans ses bagages, comme cela peut arriver pour les diamants. Mais les camions passant les frontières par de petites pistes de brousse, cela existe, dans des zones mal contrôlées… Toute la question étant qu’au Congo, on peut se demander s’il y a quelque part une zone contrôlée ! On a plutôt l’impression que le contrôle de l’Etat congolais s’arrête à vingt mètres du bureau de Joseph Kabila !
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Et, bien entendu, ce pillage-là est aussi scandaleux que l’autre. Si voler un diamant, c’est mal, il n’y a pas de raison d’approuver le vol d’un arbre ! Mais à côté de cela, ce pillage représente des dangers supplémentaires !
L’exploitation « sauvage » des forêts peut amener la désertification. Cela ne veut pas dire que là où se trouve aujourd’hui la grande forêt équatoriale, il y aurait une sorte de Sahara ! C’est au contraire la pluie qui se chargerait du travail, en « lessivant » les couches arables jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un sol stérile. Pour éviter cela, il faut exploiter la forêt en limitant la pression exercée sur la nature, en choisissant les arbres plutôt qu’en faisant « table rase », et replanter des nouveaux arbres à mesure qu’on en coupe. Tout cela suppose de la part des exploitants forestier une attitude « écologiste » qui est diamétralement à l’opposé d’une recherche du profit maximum en peu de temps, ce qui veut dire qu’elle doit être imposée et encadrée par les pouvoirs publics. On connaît le paysage congolais (je veux dire l’économie, pas les forêts !) les entrepreneurs y sont rapaces, et les pouvoirs publics inexistants. Devinez le résultat !
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A côté de ces considérations qui concernent la forêt comme l’une des richesses naturelles exploitables du Congo, il y a des considérations qui regardent l’ensemble de la planète. On en parle beaucoup depuis qu’Al Gore a eu un Oscar. Il s’agit du rôle de la forêt primaire comme « poumon de la planète ». La Terre en avait deux : la forêt amazonienne et la forêt d’Afrique centrale. Le poumon amazonien est dans un état inquiétant, un brin tuberculeux. Quid de son frère africain ?
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A côté de ces considérations écologiques à l’échelle planétaire, on en fait d’autres qui sont à échelle réduite. La forêt est aussi un réservoir de biodiversité, dont l’inventaire est loin d’être fait. Et l’on peut même aller jusqu’à hisser la question à un niveau philosophique : L’Homme n’aurait-il pas besoin de conserver des espaces de nature vierge, intacte ?
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En un mot comme en cent, là il ne s’agit plus de couper les arbres, mais de conserver la forêt, et l’on n’est plus dans une démarche de production économique, mais au contraire de protection et de conservation, un peu dans la ligne des « réserves naturelles » et des « parcs nationaux ». Cette préoccupation est éminemment louable et urgente MAIS…

Champ de riz et de palmier dans la forêt de Kisima-Vuhunga ( Mutwanga)
Mais faut-il nécessairement que la conservation de la nature, mise en danger par la rapacité du Nord, soit mise en œuvre exclusivement pas le Sud, et à ses frais ?
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Il est bien possible que les Africains chez qui se trouve la grande forêt équatoriale (elle a son centre au Congo, mais s’étend largement sur les pays voisins) se sentent très fiers d’être investis, pour le compte de l’Humanité entière, du rôle respectable de « gardiens de l’écologie et de la biodiversité ». Il est moins sûr qu’ils soient vraiment contents d’assurer cette fonction « à la congolaise », c’est-à-dire d’être des gardiens non rémunérés.
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A partir du moment où l’on proclame que la fonction naturelle de la forêt revêt une importance planétaire et intéresse la survie de l’humanité dans son ensemble, on devrait aussi considérer que la conservation de cette forêt regarde toutes les nations, et pas seulement celles sur le territoire desquelles cette forêt pousse !
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Nous n’avions que deux « poumons », il n’y en a donc pas un troisième, en réserve, à gâcher. L’exemple du Brésil, pourtant plus prospère et mieux organisé que le Congo, a montré qu’en laissant faire les capitalistes sous la surveillance symbolique d’un état faible, on courrait à la catastrophe. Au Congo, entre les rapaces habituels et un état embryonnaire, c’est le cataclysme qui menace.
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Il n’est pas juste qu’après avoir été la source du « maldéveloppement » qui a engendré les problèmes climatiques, le Nord laisse au Sud le soin de payer la note ! Si ce qui est en cause est un patrimoine naturel mondial et une ressource que nous ne pouvons pas gaspiller pour la survie même de toute l’humanité, c’est aussi le monde entier qui doit se liguer pour trouver les moyens de cette conservation.
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Guy De Boeck
Belgie
Beni-Lubero Online





