





Après les élections libres, transparentes et démocratiques, qui ont défié tous ceux qui pensaient que la R.D.Congo était malade d’elle-même, la longue transition est censée close. Finie la récréation. L’heure est à la reconstruction. Peut-on parier que le peuple goûtera désormais les fruits de la paix retrouvée que chantait la « Zaïroise » de Mobutu ? Rien n’est moins sûr, disent les prudents. Pourtant tous les candidats l’ont promis au peuple, l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (A.M.P.) la première.
Joseph Kabila vient de remporter les élections présidentielles en R.D. Congo au deuxième tour avec une majorité absolue de 58% des voix. Les premières démocratiques après plus de 40 ans. Il se sait Président de tous les rd. Congolais. Ceux-ci aussi le reconnaissent. Il semble n’avoir qu’une obsession : rétablir la paix et l’unité nationale et faire de la RDC la « Chine de l’Afrique ». Or l’actualité nous rappelle une vérité éternelle. Les hommes ont toujours été des loups. Sur la route et dans le convoi, il y en a toujours qui posent problème, ceux qui posent des questions parfois pour désorienter le cours de l’histoire de la Nation. Opposition républicaine ou République opposée ? Règlements de comptes ou vrais défis ? L’avenir seul nous le dira.
Contre vents et marrées, le jeune Président en sort indemne en succédant à lui-même. Néanmoins il paie cette indemnité avec de nombreux défis qu’il doit affronter avec sérénité s’il ne choisit pas le profil bas. Plus jamais de faux fuyants. Le fantôme 1+4 s’en est allé laissant l’espace à un gouvernement responsable, émanation des institutions démocratiques. Plus que jamais le peuple est sensibilisé à la gestion de la chose publique grâce à l’éducation civique et électorale. Il attend passer au jury ses élus qui lui ont promis monts et merveilles. Ils sont dans l’erreur ceux qui pensent que la bataille démocratique est finie et qu’il ne reste plus qu’à dormir sur ses lauriers.
Ceux qui auraient pensé que les élections étaient tout seront surpris quand le souverain primaire leur demandera de rendre compte de leurs promesses électorales et engagements politiques. Longtemps le peuple a été marginalisé. Certains s’en seraient-ils servis comme marchepieds pour accéder au pouvoir ? Ceux qui l’auraient manipulé seront déçus en découvrant le revers de la médaille. L’époque est bien révolue où l’on pouvait lancer des slogans comme « Nyenye ! » pour clouer le bec aux plus critiques. Encore que la critique doit être rationnelle sinon raisonnée et non pas fantaisiste ni idéologique. S’il en sera ainsi après les élections, nous serons en droit de nous demander : en quoi auraient-elles servi ?
Sommes-nous malades de la mémoire ? Loin de là. La loi sur la nationalité, qui a emmené avec elle le débat sur la congolité, la thèse de la minorité écrasante et non moins terroriste- qui se canonise contestant toute remise en cause et niant des faits historiques pourtant têtus, l’amnistie à accorder aux criminels et pilleurs d’hier quand le sang qu’ils ont fait couler saigne encore et les caisses pillées restent béantes, des accords signés sur base des compromis néanmoins entachés des compromissions, il faut être amnésique pour oublier tout cela. Cependant y revenir met à jour des blessures de toute la société congolaise et soulève une polémique. Faut-il pour autant fermer les yeux, effacer le tableau pour repartir de zéro ? Cela est impossible même si nos musiciens chantent en toutes les langues : « Compteur à zéro ».
Le grand défi du Parlement démocratiquement élu consiste donc dans la lecture de l’Histoire de la Nation en revisitant les lieux de mémoire, ces lieux physiques ou idéologiques dont on ne peut se passer dans la démarche de la réconciliation dans la vérité pour le bien-être de tous les citoyens rd. Congolais. Cela n’ouvre pas la porte à la dérive, à une forme d’exclusion. Au contraire. Chacune des parties prenantes, les complexés tout comme les soi-disant fils du pays, reste à sa place et s’engage, par amour de la patrie notre mère, pour la reconstruction de la Nation. Il est donc du devoir du Parlement élu d’orienter la mémoire collective. C’est aussi son devoir d’honorer les victimes.
Certes, nous n’avons pas un discours historicisant. Pourtant il en faut parfois pour rafraichir la mémoire du Législateur et des décideurs, comprenez ici le pouvoir exécutif. La définition élémentaire de l’histoire ne nous apprend-elle pas que celle-ci étudie le passé pour comprendre le présent afin de préparer l’avenir ? Qu’à cela ne tienne, nous suivons scrupuleusement, selon les opportunités que nous offrent le monde des médias, l’actualité congolaise qui semble bouger dans le bon sens même si certains démons continuent à nous tirer dessus en cachette. Il faut les exorciser « au nom de Jésus !», diraient nos pasteurs et prédicateurs zélés et « inspirés ».
En effet, devant la surinformation caractéristique de notre temps- cela se vérifie aussi dans notre pays qui sort à peine d’une crise généralisée et d’une longue transition-, l’intelligence du choix des sources est une vertu non moins importante. Car l’histoire est une construction ou reconstitution orientée. Elle est toujours problématique. Elle n’est jamais complète pour autant qu’elle reconstitue des faits qui n’existent plus, mais qui n’ont laissé derrière eux que des traces.
Peu importe, revisiter la mémoire nationale peut souder la solidarité identitaire. Cela exige un travail historique sérieux et serein. Ainsi aurait-on échappé au piège de la tyrannie de la mémoire nostalgique sinon de son terrorisme. Il faut resituer les faits historiques tels qu’ils nous sont présentés par l’air du temps dans les médias sensationnels et idéologiques pour comprendre la mémoire et la dépasser. Il appert qu’à l’heure où nous sommes plus que jamais engagés à réécrire complètement l’Histoire de la RDC, nous ne devons pas le faire du point de vue des victimes. Encore que beaucoup de politiciens congolais jouent à la victimisation comme les footballeurs font la simulation au stade pour attirer la sympathie de l’arbitre.
Tout compte fait, la réconciliation dans la vérité ne saurait faire économie de l’histoire qui nous porte et nous façonne. Si la mémoire fanatique divise, l’histoire, elle, rassemble et consolide la cohésion nationale. Ainsi la « r.d.c. »- comme ré de chaussée- pourrait devenir, grâce la réconciliation dans la vérité, une vraie R.D.C. (République Démocratique du Congo). –
P. PALUKU MAYANI Adélard a.a.
Rome
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