





Quelques jours après le départ du président Tshisekedi des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, sous état de siège, les attaques ont repris. Trois bombes artisanales ont explosé à Beni tuant une personne et en blessant deux autres. Dans la nuit du 30 juin 2021, anniversaire de l’indépendance, des assaillants ont investi le quartier Rwangoma au sud-est de la ville de Beni, tué 12 personnes et enlevé plusieurs autres, dont des enfants. A Komanda, en Ituri, des attaques répétées ont provoqué l’exode des milliers d’habitants dont les biens abandonnés ont été emportés par des assaillants. Pire, plus d’une semaine après ces attaques, les corps des victimes n’étaient toujours pas ramassés et pourrissaient au sol.
Toutes ces attaques ont été attribuées aux ADF, par les FARDC, comme d’habitude. Pour autant, quelques éléments nouveaux sont apparus. Depuis plusieurs semaines, les langues se délient pour pointer du doigt les nouveaux arrivants rwandais qui se font appeler « Banyabwisha » et qui mènent des attaques dans les secteurs de Chabi, Boga et Komanda en complicité avec le groupe ADF de Seka Baluku qui est, à son tour, protégé par des officiers FARDC. La crise est ainsi en train de montrer son vrai visage : celui d’une guerre contre les autochtones dans des espaces où de nouveaux arrivants sont en train d’être implantés.
Parmi les aspects inquiétants qui annoncent des lendemains difficiles, il y a le fait que Félix Tshisekedi n’a pas la maîtrise des unités de l’armée déployées dans les territoires de l’est, malgré la mise en place de l’état de siège. Selon les informations qui nous parviennent du terrain, les soldats nouvellement arrivés manquent de moyen. Les fonds promis par le gouvernement n’arrivent toujours pas à destination, et lorsqu’ils arrivent, c’est au compte-goutte. Nos sources nous renseignent, ainsi, que l’attaque de Rwangoma serait l’œuvre de l’armée pour envoyer un message à Tshisekedi. Si la question des moyens n’est pas réglée, et si la mafia interne dans les FARDC n’est pas combattue, plusieurs attaques – qui seront attribuées aux ADF, comme d’habitude – sont à craindre.
L’autre inquiétude se situe au niveau international. Depuis le rapprochement entre le président français Emmanuel Macron, et le président rwandais Paul Kagame, un projet de déploiement de l’armée rwandaise au Mozambique a été mis en place. L’objectif est de sécuriser les intérêts pétroliers de la France dans la région de Cabo Delgado confrontée aux attaques de l’organisation islamiste Ansar al Sunna. Sachant que derrière le phénomène « banyabwisha », se cache en réalité une mission d’implantation durable de l’armée rwandaise en Ituri, et que ces « Banyabwisha » travaillent avec les ADF, selon un communiqué du gouvernement congolais, la présence de l’armée rwandaise au Mozambique risque d’accélérer les interconnexions entre le groupe islamiste du Mozambique et le groupe ADF de Seka Baluku qui s’est implanté en Ituri.
Au final, il apparaît que les commanditaires des attaques à répétition dans les territoires sous état de siège tiennent à signifier au pouvoir de Tshisekedi qu’il ne contrôle pas la situation et qu’ils peuvent agir où ils veulent quand ils veulent. C’est aussi l’occasion de rappeler que l’état de siège n’a pas été décrété pour assurer la sécurité dans les deux provinces mais pour réprimer la population civile et l’empêcher de se révolter contre les massacres. Le cas du député de l’Ituri, Jean-Bosco Assamba, en est une des illustrations. Il a été jeté en prison pour avoir dit que « le président trompe beaucoup ; ce qu’il dit, il ne le fait pas ».
Pendant ce temps, les forces qui organisent les massacres gardent toujours leur liberté d’agir, en toute impunité, comme cela a été noté dans le rapport du groupe d’experts de l’ONU.
Hilaire Ndalo
©Beni-Lubero Online.





