





A l’ouest du Territoire de Beni, plusieurs futurs électeurs parcourent plus de 40 km pour trouver un centre d’enrôlement. Ce triste constat est relatif à la situation qui prévaut sur l’axe Beni-Kantine, où il n’y a que quelques Centres d’enrôlement pour une population estimée à plus de 100 000 habitants. Contrairement aux élections de 2006, seuls quelques villages de cette partie du pays ont été sélectionnés comme centres d’enrôlement.
La localité de Kantine, un centre commercial à l’Ouest du Territoire de Beni et desservant une partie de la Province Orientale, abrite un seul centre d’enrôlement. Là, des populations de Madiwe, Ngubo, Masyolo, Kiboto, Gite, Mandelya, Kibabasi, Nganda Sina Kiti et ailleurs se bousculent devant deux petits ordinateurs de la CENI installés à Kantine pour obtenir une carte d’électeur. Ils sont alors plus de 50 mille qui doivent parcourir plus que 40 kilomètres pour atteindre le Centre d’enrôlement de Kantine. Selon Monsieur Muhindo Kitakya, commerçant au Marché de Kantine, nombreux déménagent carrément et viennent s’installer dans le Village de Kantine en attendant leur tour de se faire enrôler. Pour éviter les bousculades, d’autres encore vont ailleurs sur l’axe Mabalako-Beni pour la même cause. S’enrôler devient ainsi un projet d’une à deux semaines pour chaque électeur. En effet, il faut un jour pour parcourir les 40 km à pieds. Avec les longues queues qui se forment avant 6h du matin devant le centre d’enrôlement, ajouter à cela la vétusté des kits électoraux et les pannes qui arrêtent de fois l’enrôlement pendant un ou deux jours, se faire enrôler à l’ouest du Territoire du Beni relève d’un véritable parcours de combattant.
Une vue d’un village de Madiwe-Masyolo
Selon Obède Kasereka, chauffeur de Taxi au village de Kantine, la plupart des gens se bousculent aux portillons des centres d’enrôlement pour obtenir des cartes d’identité et éviter des tracasseries des agents de l’ordre. Ainsi, pour Kasereka, il y en a très peu qui croient en l’organisation des élections. Et même si les élections avaient lieu dans les mêmes conditions, c’est-à-dire, l’éloignement des bureaux de vote des électeurs, Kasereka doute que les gens parcourent avec la même détermination, les 40 Km. Comme les élections se font en un seul jour, s’il y a autant de bureaux de vote que de centres d’enroulement actuels, tous les électeurs de Kantine qui seraient enrôlés en trois mois ne pourront pas voter. Il faudrait alors trois mois de vote comme on aura eu trois mois d’enrôlement. Cette inquiétude de Kasereka est partagée par plusieurs personnes que nous avons rencontrées.
Les agents de la CENI déployés à Kantine font un énorme travail pour répondre à la forte demande d’enrôlement. Ils n’ont pas le temps de se reposer devant une longue queue d’attente qu’ils sont obligés de casser à la tombée de la nuit. Pour la population, la solution serait de multiplier les centres en attendant que l’hypothétique mobilité des équipes d’enrôlement soit une réalité. D’ores et déjà, Monsieur Katembo NZAMBA, Chef de Localité Kibabasi, voisine à Kantine, craint pour un découragement des électeurs. Les plus indifférents, ce sont les populations pygmées. La communauté de Masanzi, constituée de quelques 30 majeurs pygmées ont la mal chance d’être à environs 30 kilomètres à l’ouest du Centre de Visiki. De surcroît, ils sont marginalisés quand ils y arrivent, nous a confié Monsieur Paul Wavo, rencontré au poste de péage route de Usine-Visiki sur l’axe Maboya-Kantine. Jusqu’à notre passage, aucun d’entre eux ne s’était enregistré. Les pygmées de Masanzi risquent ainsi de ne pas participer aux élections prochaines.
Au regard de l’enrôlement tel que fait dans la localité de Kantine, les observateurs pensent qu’il faut une plus grande implication des acteurs politiques toutes les tendances confondues dans le processus électoral pour que les prochaines échéances électorales soient vraiment démocratiques et transparentes. Le peuple congolais est prêt comme toujours à exercer son devoir de citoyen mais le pouvoir organisateur des élections accuse plusieurs défaillances qui risquent d’empiéter sur les résultats escomptés. Les politiciens qui se battent à Kinshasa sur la constitutionalité du calendrier électoral, le mode de scrutin devraient aussi se pencher sur la façon dont l’enrôlement se déroule dans leurs bases électorales, l’implantation des bureaux de vote, etc. En effet, il apparait déjà que, si les bureaux de vote de novembre 2011 sont aussi éloignés des électeurs comme les centres d’enrôlement d’aujourd’hui, plusieurs électeurs enrôlés seront exclus du vote. Mais avec l’adoption de la majorité simple comme mode de scrutin, cet écueil n’empêcherait pas la République de se doter d’un Président de la République et des députés élus à la majorité simple des votants.[NDRL : L’éloignement ou la rareté des bureaux de vote, plus l’insécurité sur les routes et les sentiers du Nord-Kivu, vont de pair avec l’adoption de la majorité simple comme mode de scrutin. Cette stratégie d’éloignement et de tracasserie policière aux alentours du bureau de vote était souvent utilisée aux USA pour empêcher les Noirs américains de peser lourd dans l’élection d’un candidat d’une circonscription électorale: Tavis Smiley (editor), The covenant with Black America, Third world Press, Chicago, 2006, p. 125]
Deogratias SIKU
Kantine
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