





Les Opérations de traque de Rebelles Ougandais ADF-NALU en Territoire de Beni risquent de ressembler à celles contre les FDLR en Territoire de Lubero en ceci qu’elles font plus de mal que de bien aux civils congolais. Le grief de toujours contre ces opérations militaires est l’absence d’un plan de sécurisation des civils congolais et de collaboration avec les forces vives locales. C’est ainsi que les erreurs décriées lors des opérations contre les FDLR se répètent en Territoire de Beni lors des opérations contre les ADF-NALU. Les coins du territoire de Beni qui étaient relativement paisibles avant les Opérations Ruwenzori et où l’on n’avait jamais vu des ADF-NALU sont aujourd’hui dans la tourmente et vidés de leurs habitants. D’où la suspicion permanente que les opérations auraient comme mobile caché le déplacement des populations locales de leurs terres qui devraient passer aux retournés du Rwanda et de l’Ouganda.

Déplacés au Site d’OICHA (Chef-lieu du Territoire de Beni)
En effet, depuis 4 mois, les habitants du Territoire de Beni étaient témoins des colonnes des clandestins armés qui entraient au Congo à partir de l’Ouganda au vu et au su des autorités militaires congolaises de la frontière. Les zones dans la tourmente aujourd’hui sont aussi celles où se dirigeaient ces clandestins armés ( Mwighalika, Kamango, Mutwanga, Eringeti, Kokola, etc.). Selon les témoignages troublants de la part des déplacés, il n’y aurait jamais eu des combats rangés entre Fardc et ADF-NALU. Les Fardc débarquent dans un village ou une localité où il n’y a pas des ADF-NALU, tirent à l’air, pillent les maisons, tuent dans la foulée des civils qui essaient de résister, et quittent le village. Après une petite accalmie de quelques heures, les habitants du village qui s’étaient réfugiés en brousse, reviennent dans leurs maisons en ruines. Un ou deux jours après, ils voient des hommes en armes qui se disent ADF-NALU débarquer au village pour une opération de représailles contre les habitants du village accusés d’avoir livrer des informations aux FARDC. A leur tour, les ADF-NALU pillent le village, tuent certains de ses habitants et envoient les autres sur le chemin de l’exode.
On constate que c’est cette même stratégie qui était utilisée en Territoire de Lubero, à savoir la double attaque et le double pillage d’un village, respectivement par les FARDC et les FDLR, deux forces qui se disent ennemies mais qui ne se sont jamais affrontées jusqu’à la victoire de l’une sur l’autre. Le résultat de cette tactique c’est le maintien de la région sous une insécurité permanente malgré une forte présence militaire des Fardc et des casques bleus de la MONUSCO. Pour les populations congolaises victimes de cette insécurité permanente, après avoir constaté que le village ne contient pas des ADF-NALU ou des FDLR, il suffirait d’établir un cordon militaire autour du village et poursuivre la traque des ADF-NALU recherchés et les poursuivre jusque dans leur dernier retranchement. Malheureusement on assiste à un phénomène contraire que les civils congolais ne comprennent pas !
Une autre ressemblance troublante c’est celle de l’assimilation des ADF-NALU aux congolais comme c’était déjà le cas avec les FDLR. On attend ainsi parler des alliances d’affaires entre Congolais et ADF-NALU, des mariages, etc. La suite est connue : victimiser les populations civiles locales en leur disant que pour mettre fin à la violence elles doivent cesser toute collaboration avec les ADF-NALU. Le comble que la majorité des populations civiles congolaises de la région n’ont jamais vu un ADF-NALU. Elles en attendent parler seulement.
Poursuivant cette thèse de collaboration avec l’ennemi, des arrestations sont faites par ci par là. Quelques aveux difficiles à vérifier par des sources indépendantes sont obtenus par ci par là. Mais là aussi on constate que les victimes de ces arrestations sont ceux qui font un business convoité par les forces d’occupation rwando-ougandaise depuis 1996, notamment les minerais et le bois.
Si à Lubero (Manguredjipa, Biambwe, etc.) les victimes de la collaboration avec les FDLR étaient les détenteurs des permis d’exploitation de l’or et du coltan ; à Beni les collabos arrêtés sont les détenteurs des permis d’exploitation du bois. A l’heure qu’il est les exploitants de l’or de Manguredjipa et des environs qui ont remplacé ceux accusés de collabos seraient des rwandais ou leurs hommes de paille. Va-t-on assister à la même chose en territoire de Beni dans le domaine de l’industrie du bois après les opérations contre les ADF-NALU ? Attendons voir !
Pendant que cette guerre économique d’occupation se fraie son petit chemin, le déplacement des populations continuent de faire des victimes abandonnées à leur triste sort. Parmi les aides octroyées selon les medias du pouvoir à la Province du Nord-Kivu, on continue de voir le réductionnisme du conflit de la région aux violences sexuelles. Aucun donateur ne veut mettre fin à l’insécurité entretenue par les hommes armés et encore moins venir en aide aux milliers des déplacés. Il est certain que parler des violences sexuelles que nous déplorons tous, permet aux donateurs qui sont aussi les parrains de l’occupation de ne pas aborder la question des armées de la région qui sont subventionnées par leurs pays d’origine. Les violences sexuelles permettent ainsi de présenter le conflit de la région comme une question de perversion de la culture locale, au Congo « cœur des ténèbres » où le masochisme des hommes, l’exploitation de la femme par l’homme reste viscéral. L’industrie des armes qui alimente le conflit et qui constitue la seule force des occupants est ainsi protégée contre toute mise en cause dans le conflit armé congolais présenté faussement comme un conflit culturel, ethnique, etc.
Le bilan des opérations Rwenzori en Territoire de Beni se présente comme suit, si l’on en croit le Comité d’Accueil des Déplacés (CAD) d’Oïcha.
Jusqu’au matin de lundi 19 juillet 2010, on dénombrait 14.561 ménages de déplacées soit 72.661 personnes pour la seule Collectivité de Beni-Mbau (au nord du Territoire).
Sur l’ axe Eringeti, les déplacés sont visibles :
– A Oïcha (Chef-lieu du Territoire de Beni), 13.648 ménages soit 68.888 personnes déplacées;
– A Mbau (Chef-lieu du Secteur de Beni-Mbau), 681 ménages, soit 2623 personnes ;
– A Mavivi, 232 ménages soit 1.150 personnes.
Les récents recensements qui prennent en compte les mouvements des ménages jusqu’au matin de mercredi font état de 811 ménages à Mbau, soit 4.800 personnes et plus de 70.000 déplacés à Oïcha. A cela il faut ajouter les déplacés accueillis chez leurs proches dans les villes de Beni et Butembo, dans les cités de Kyondo et Bulongo, etc.
Le total s’élève ainsi à plus de 100 000 déplacés du Territoire de Beni abandonnés à leur triste sort. Aucun programme du gouvernement congolais pour leur venir en aide. Et pourtant les déplacés qui sont congolais accusent des besoins de nourriture, abris, soins de première nécessité, sécurité, etc.
Même les Pygmées déclarent que leur forêt est insécurisée depuis le déclanchement de ces opérations dont ils ignorent les tenants et les aboutissants.

Des Pygmées déplacés cantonnés à l’Ecole Primaire d’Application /OICHA
En vérité, la zone traverse une insécurité très grandissante causée par les forces combattantes.
Les déplacés, toutes catégories confondues, rapportent ça et là des enlèvements, des disparitions, des exécutions sommaires, des pillages des biens, etc. perpétrés par des Fardc et ceux qui se disent ADF-NALU.
Les nuits de lundi et mardi 13 juillet, la localité de KOKOLA a été systématiquement pillée par les FARDC., avant d’être attaquée par les ADF-NALU le soir de mercredi 17-07-2010. Au cours du pillage, le Centre de Santé de la place a été mis à sac, les boutiques, kiosques et habitations des habitants aujourd’hui déplacés à Oïcha ont été complètement dévalisés par les troupes de l’armée régulière.
Pour ce qui est des enlèvements, la Sociétés Civile Territoire de Beni compte une dizaine des Civils portés disparus à coté de ceux exécutés sommairement soit par les Fardc soit par les ADF-NALU. Comme il n’y a pas d’enquête indépendante, il est difficile d’établir les responsabilités. Cependant dans ce registre, certaines sources indépendantes attribuent quelques cas d’enlèvements ou d’exécution des civils aux éléments de l’armée régulière. Parmi les personnes enlevées ou portées disparus, citons :
– Mr Kambale KYAMBUNDA Roger, Cultivateur de la localité de MAKEMBI, a plus au moins 5 km d’Eringeti au nord d’Oïcha. Il serait arrêté par les FARDC le 5 juillet courant, lorsqu’il se rendait dans son champ pour y récupérer des vivres pour ses enfants. Dès lors sa famille n’a plus de ses nouvelles.
– Mme KAHAMBU Adolphine, habitant de Kikanda/Cité d’OICHA et Mr KANZIRA sont portés disparus depuis le 14 juillet à partir de la localité de KOKOLA où ils sont allés dans leurs champ pour s’approvisionner. On ignore qui entre FARDC et ADF-NALU est coupable de leur disparition.
– 5 autres Civils seraient déclarés enlevés en localité de TENAMBO, localité proche d’OICHA où ils sont résident. Ils auraient été cueillis dans leurs champs respectifs entre samedi et dimanche 18 juillet courant. Leurs familles sont inconsolables !
Contactée par notre rédaction, la Société Civile Territoire de Beni s’est dit très préoccupée par cette situation confuse. Elle en alerte de nouveau l’opinion tant nationale qu’internationale pour qu’une solution soit trouvée urgemment pour éviter une catastrophe humanitaire. L’absence de l’implication du gouvernement congolais ainsi que celle de la MONUSCO dont le mandat est la protection des civils congolais est inquiétante.
Les forces vives locales, les chefs des confessions religieuses, les chefs coutumiers, les autorités administratives et politiques, etc. devraient toutes affaires cessantes, organiser une rencontre pour trouver des pistes des solutions au problème du déplacement forcé des populations congolaises et adopter une stratégie commune de mettre le gouvernement congolais dont le silence est inquiétant, devant ses responsabilités.
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Obède Bahati
Oïcha/Beni
©Beni-Lubero Online





