





Le titre de notre dépêche indique bien l’ambivalence du bienfait de la Nationale nº 4 Beni-Kisangani ré-ouverte au trafic qui à la fois est bonne nouvelle et mauvaise nouvelle.
Bonne nouvelle pour les camionneurs et pour les populations de ce coin de la république qui peuvent désormais, rapidement et à peu de frais, faire des navettes familiales ou d’affaires entre Beni-Mambasa-Komanda- Niania – Bunia- Kisangani en camions au lieu et place de l’avion des avions Antonov russes. Les enfants d’Isiro et de Dungu peuvent désormais goûter à la pomme de terre et aux poireaux de Masereka ! Depuis quelques temps, les parkings des villes de Beni et Butembo sont bondés des voyageurs et des camions en partance pour d’autres cités et villes de la Province orientale. Avec soixante dollars américains (60 US$), on peut se payer une place à bord d’un de ces gros camions et se rendre à Kisangani. Butembo-Bunia 20US$ et 25 US$ Express. La Durée du voyage reste tout de même d’un jour et demi entre Butembo et Bunia, pour ne donner qu’un exemple. Pendant longtemps, a confié Bi Souza, commerçante qui fait Beni-Kisangani, à Benilubero.com, « le transport aérien était le seul moyen de transport pour se rendre dans la province orientale. Maintenant nous avons le choix » .

Parking de BUNIA à Butembo (Photo BLO)
Mauvaise nouvelle pour les compagnies d’aviation qui commencent à perdre leur clientèle. En effet, les clients préfèrent les camions aux avions qui coûtent excessivement chers. « Depuis l’ouverture de la route Beni-Kisangani, je trouve mon chiffre d’affaires réduit sensiblement à la baisse. A l’allure où vont les choses, nous serons obligés d’acheter des gros véhicules et de clouer au sol nos avions » s’est exclamé Mr Kavatsi, opérateur économique, PDG d’une société d’aviation en ville de Butembo.
D’après le camionneur Musafiri qui s’est confié à benilubero.com, « le problème qui reste sur cette nationale no 4 ce sont les péages qui restent excessifs : 48 US$ à l’aller comme au retour, et les coupeurs de route ». En effet d’après plusieurs témoignages, seulement certains camions sont pillés. Il semble que c’est comme cela que les choses se passent en Ouganda où plusieurs commerçants congolais ont déjà perdu leurs biens ou leurs vies. La consigne du pillage de certains camions partirait de l’hôtel où le client au gros colis a logé, de la carrière où des voyageurs auraient acheté de l’or ou du diamant, etc. au point qu’on s’étonne que les coupeurs de route qui tirent sur les pneus du camion avant de dépouiller ses voyageurs de tous leurs biens, savent exactement où se trouve le plus grand colis d’or ou de diamant, où la personne qui voyage avec beaucoup de cash sur lui. C’est ainsi que, comme consigne, les voyageurs essaient de ne pas parler de leur prochain voyage pour éviter un pillage sur la route. D’autres continuent de voyager en avion pour éviter des surprises de ce genre. Ces derniers font un pari dangereux, disant qu’il y a plus de probabilité d’être pillé sur la route que pour un Antonov russe de s’écraser en forêt !
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Comme les routes de l’empire romain qui rapportaient plus à Rome qu’aux terres conquises, la route Beni-Kisangani rapporte plus aux occupants qu’aux congolais qui en ramassent des miettes comme le prix du poireau et du chou qui a baissé sensiblement à Isiro et à Kisangani…
Les occupants que les congolais devraient semble-t-il apprendre à appeler partenaires économiques, auraient déjà commence à évacuer par la route les produits dont le transport leur coûtaient cher en avion. Il y a quelques semaines, deux camions venant d’Etaitu chargés de coltan en destination de Kigali auraient été arrêtés à Butembo par la police ! Aussitôt arrêtés, des ordres seraient venus de Goma pour exiger la libération immédiate et sans condition de ces deux véhicules chargés de coltan. Depuis lors, la police de roulage n’ose plus arrêter ces camionneurs du roi qui relient Beni-Lubero à Goma-Kigali et à Kampala.
A cause du pillage systématique des ressources naturelles que la réfection de cette route favorise, on peut dire qu’elle est une mauvaise nouvelle pour la R.D. Congo.
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Plusieurs rapports disent la même chose des autoroutes du Katanga qui servent à la contrebande des minerais vers la Zambie et l’Afrique du Sud. Il en est de même de la polémique sur le Pont qui devra relier Kinshasa à Brazzaville. L’appréhension des congolais est que cette autoroute profiterait au port de Pointe-Noire du Congo-Brazza et desservirait les ports de Matadi et de Boma en Province du Bas-Congo. Dans son allocution à Londres il y a une semaine, le Président du Rwanda, Paul Kagame a dit qu’il est prêt à aider la R.D. Congo qui n’a pas d’infrastructures et d’industries à faire le premier traitement de ses minerais au Rwanda. Une usine d’exploitation du gaz méthane du Lac Kivu est déjà construite du côté rwandais du Lac Kivu… Cette situation fait apparaître le Congo comme un grand chantier des routes qui le traversent mais dont les terminus sont tous dans les pays voisins.
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Est-ce là le risque du développement de la R.D.Congo avec les capitaux et les gestionnaires (mercenaires) étrangers? Peut-être! On comprend bien que celui qui finance ces routes voudrait bien en tirer profit. Mais le cas de l’est de la R.D. Congo dépasse cette notion de profit que mérite tout investisseur. L’investisseur de l’Est de la R.D. Congo, voudrait selon toute vraisemblance un profit total, à savoir, vider la région de sa population, régner sur la région en monarque absolu, et exploiter lui-même ses minerais.
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C’est pour cela que les congolais avertis refusent ce modèle de développement qui est tout sauf du gagnant-gagnant ! C’est du capitalisme sauvage ! Les historiens disent que ce modèle du tout ou rien, est bien connu des anglo-saxons, bailleurs des rwandais et des ougandais. En effet, disent-ils, les anglo-saxons ont bâti leurs grands empires économiques aux USA comme en Australie sur le génocide des indiens et des aborigènes ! Si c’est cela que les anglo-saxons veulent faire de la partie orientale de la R.D. Congo, les congolais qui échapperont au génocide en cours devraient donc se préparer à vivre dans des réserves à côté des autoroutes modernes, avec des coupons pour la soupe comme les indigènes indiens des USA et de l’Australie. Il est peut-être trop tôt pour sonner l’alarme d’un dépiècement de la R.D. Congo aux profits du capitalisme néolibéral. Mais qui peut s’assurer que ce modèle de développement qui aujourd’hui fait fi du génocide des congolais changera demain pour le bien de tous les congolais?
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Kakule Mathe
Butembo
Beni-Lubero Online





