





CENTRE D’ETUDES JURIDIQUES APPLIQUEES (CEJA)
Programme d’observation de la bonne gouvernance locale
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LE SYSTEME DE L’INVISIBLE AU SEIN DE L’ADMINISTRATION FISCALE : UN DEFI MAJEUR A LA REALISATION DES RECETTES DE L’ETAT
Mars 2009
Cherches effectuées par les membres de CEJA dans le cadre du programme d’observation de la bonne gouvernance locale.
LE SYSTEME DE L’INVISIBLE AU SEIN DE L’ADMINISTRATION FISCALE :
UN DEFI MAJEUR A LA REALISATION DES RECETTES DE L’ETAT
INTRODUCTION
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Les recherches récentes menées par le Centre d’Etudes Juridiques Appliquées (CEJA) sur le niveau d’exécution du budget de la province du Nord-Kivu au premier trimestre 2008, ont révélé une faible réalisation de recettes au niveau des régies financières, par rapport aux prévisions.
Deux types de facteurs sont à la base de cette faible réalisation. D’une part, les facteurs évoqués par la province, notamment : l’inexistence d’entrepôts de l’OFIDA à Beni, Butembo et Goma ; l’absence de contrôle de la zone frontalière de Bunagana, poste occupé depuis plusieurs mois par des groupes armés rebelles ; le manque d’imprimés de valeur dans les secteurs de la DGI et de la DGRAD. D’autre part, cependant, les recherches avaient également relevé des irrégularités et détournements dans la collecte des recettes de l’Etat et leur canalisation vers la caisse du Trésor Public. En conséquence, le taux le plus faible de la période concernée (1er trimestre 2008) est celui de 25% réalisé par la DGI.
La présente recherche consiste en une réflexion autour de ce faible taux de réalisation des recettes. Elle est guidée par deux questions :
– Pour l’exercice 2008, les contribuables s’acquittent-ils de leurs impôts ?
– L’argent recouvré par les agents de la DGI pour cet exercice passe-t-il, dans sa totalité, à la caisse de l’Etat ?
Pour y répondre, nous allons devoir confronter la pratique de l’invisible à la législation en vigueur, comparer ce qui se fait avec ce qui est prévu et dégager l’impact de l’invisible sur la réalisation des recettes de l’Etat grâce au méthodes juridique et comparative.
Les enquêtes menées auprès des opérateurs économiques complétés par des entretiens avec des agents de la DGI ainsi que l’assistance sur terrain à certaines discussions engagées entre agents de la DGI et opérateurs économiques nous permettront de répondre, dans ce rapport aux questions ci-haut posées.
Nous pensons toutefois, que les citoyens, particulièrement les opérateurs économiques payent leurs impôts, cependant une partie importante de recettes échapperait au Trésor public par le système de l’invisible, opérationnel à la DGI.
Les résultats de la présente recherche sont présentés, dans ce rapport qui comprend deux points à savoir : le système de l’invisible au sein de l’administration fiscale (I) et l’impact de l’invisible sur la réalisation de recettes de l’Etat (II).
I. LE SYSTEME DE L’INVISIBLE AU SEIN DE L’ADMINISTRATION FISCALE
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Chaque chercheur doit, en vue de s’imprégner des réalités d’un domaine déterminé, se familiariser avec une terminologie propre à ce domaine. Cette terminologie a généralement des orientations scientifiques. Dans le domaine de la fiscalité, le concept invisible ne s’aligne pourtant pas derrière cette logique. Il a un sens qui échappe à toute personne étrangère au domaine dans lequel il se pratique, peu importe ses connaissances scientifiques.
A. LE SENS DE L’INVISIBLE D’APRES LES OPERATEURS ECONOMIQUES
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Le concept « invisible » est utilisé ici, non pas dans un sens scientifique, mais plutôt un sens purement familier. C’est mieux un langage voilé ou codé. Apparu dans la sphère de l’administration fiscale, ce vocabulaire s’est vite répandu dans le milieu des affaires grâce aux contacts entre agents de la DGI et opérateurs économiques dans le cadre des opérations fiscales. Le terme « invisible » veut tout simplement signifier que le montant payé par le contribuable à titre d’impôt n’est pas orienté en entièreté à la caisse du trésor Public. Une partie échappe à la comptabilité de l’Etat. C’est elle qui constitue l’invisible. Cette fortune qui ne laisse aucune trace ni sur les notes de perception, ni sur les bordereaux de versement, va directement dans les poches des individus, à savoir les agents recouvreurs de la DGI et leur réseau. C’est un mal datant et permanent qui a fini par se normaliser. Les contribuables qui s’acquittent de leur devoir civique, celui de payer l’impôt, comprennent bien le langage des agents fiscaux. Ils n’ont pas d’autres choix, ils payent tout en sachant qu’ils auront des justificatifs pour un montant inférieur à celui qu’ils auront payé.
A la question « combien as-tu payé cette année pour les différents impôts ? » posée par les chercheurs aux opérateurs économiques, tous les enquêtés ont donné une même réponse, selon laquelle le montant à payer se discute, se négocie entre le contribuable et les agents du fisc. L’on comprend pourquoi le compromis est une voie privilégiée ; il permet de se fixer sur la part réservée à l’invisible. Alors que le système est déclaratif et auto liquidatif, les opérateurs économiques ignorent la manière dont sont calculés les différents impôts. Les agents de la DGI en profitent pour les terrifier avec des montants de fiscalité parfois supérieurs au montant du chiffre d’Affaire en vue de les amener à négocier en position de faiblesse afin de les persuader à céder aux compromis qui privilégient l’invisible.
B. MECANISMES DE L’INVISIBLE D’APRES LES AGENTS DE LA DGI
En vue d’approfondir l’appréhension du circuit de l’invisible, des entretiens séparés avec deux agents de la DGI-Butembo ont permis de compléter les informations reçues des opérateurs économiques en la matière pendant la période des nos enquêtes.
Selon les informations recueillies d’eux, l’invisible est une pratique qui ne se limite pas au seul centre de Butembo. Elle est une réalité même à Kinshasa. En outre, les agents de la DGI contactés parlent de la D.G .V, c’est-à-dire Direction de Grand Ventre, pour signifier que la pratique a donné naissance à deux directions parallèles, la DGI et la DGV, qui présentent des intérêts divergents mais utilisent les mêmes agents. Par conséquent, au lieu de travailler pour la maximisation des recettes de l’Etat, les agents du fisc développent des capacités pour dissimuler les recettes du trésor public à transférer à leur propre compte (ventre). L’administration fiscale travaille à contre courant de sa propre mission.
En effet, les agents du fisc, dans leur manière de servir l’Etat, se montrent porteurs de deux casquettes. Dans la mesure où ils travaillent pour que soit alimentée la caisse de l’Etat, c’est sous le port de la casquette DGI. Tandis que lorsque l’Etat se voit appauvri par les mêmes agents qui détournent l’argent recouvré pour le compte de l’Etat et qu’ils utilisent pour leurs intérêts égoïstes (avoir de gros ventres), ils mettent la casquette DGV. Cette dernière casquette reste toujours masquée ou cachée sous la première.
La démarcation entre la DGI et la DGV s’observe au niveau des systèmes utilisés. Les opérations pour le compte de la DGI, c’est-à-dire qui alimentent la caisse de l’Etat passent par le système bancaire et sont par conséquent visibles car elles laissent des traces, des preuves et apparaissent dans la comptabilité de l’Etat. Ces opérations paraissent conformes aux modalités prévues pour recouvrer l’argent dû à la caisse de l’Etat. Toute fois, ce sont les recouvreurs qui décident et déterminent, selon leur vouloir, la proportion du montant des recettes allouées à l’Etat. La dernière partie de ce texte va nous le montrer à travers quelques cas concrets.
Par contre, les opérations pour le compte de la DGV passent par le système de l’invisible qui ne laisse nulle trace, aucune preuve d’encaissement du montant payé par le contribuable et considéré comme invisible. Par conséquent, aucune réclamation n’est à craindre faute de preuve. Parfois, pourtant, les appétits gloutons de certains agents du fisc les conduisent à déconsidérer à leur risque, des éléments écrits qui pourtant sont révélateurs de la réalité. C’est souvent le cas lorsqu’un contribuable paie moyennant un chèque. Un tel cas est arrivé, pour ne citer que cet exemple, lorsque deux agents de la DGI ont détourné 600$ sur les 800$ payés par l’ONG VECO RD Congo au titre d’impôt professionnel sur les Rémunérations des Nationaux (IPR/Nat) pour la période allant de juillet 2007 à juin 2008.
Par le chèque nº110158 remis à un agent vérificateur des Impôts de la DGI en date du 17/07/2008, l’ONG VECO RD Congo a payé un montant de 800$ comme IPR/Nat. Le vérificateur des Impôts, après avoir touché le chèque à la banque COOPEC/La Cruche de Butembo, est rentré au bureau de VECO RD Congo pour y contresigner le bordereau de règlement nº 051/08 reconnaissant ledit montant pour redressement IPR/Nat de juillet 2007 à juin 2008. mais le montant versé au Trésor Public est de 200$ USA.
D’après les agents de la DGI, les contribuables sont dans bon nombre de cas promoteurs de la pratique de l’invisible. Deux cas sont fréquents notamment :
– Les fausses déclarations.
En matière d’impôt sur le bénéfice, le système Congolais est déclaratif. Si le contribuable déclare moins que ce qui est constaté lors du contrôle de ses documents comptables, les agents de la DGI procèdent au redressement de l’impôt à payer au 2ième degré. En effet, lors de la déclaration, le contribuable paie au 1er degré quarante cinq dollars (45$) pour les boutiques et quatre-vingt-trois dollars (83$) pour les magasins. Quand le contribuable se trouve dans l’impossibilité de payer ce qui est exigé au deuxième degré, il commence à négocier le montant de l’impôt. Généralement, l’agent fiscal consent moyennant ce qu’il est convenu d’appeler « l’invisible ».
– Cas de non déclaration.
A ce niveau, les agents de la DGI recourent à l’imposition d’office. Comme pour le cas précédant, il peut arriver que le contribuable se trouve aussi dans l’impossibilité de payer ce qui est exigé. Il recourt à la négociation pour essayer de diminuer le montant de l’impôt qu’il est appelé à payer. Au regard des enquêtes effectuées à Butembo, la réaction des agents de fisc est la même.
Cette pratique maffieuse serait considérée comme une forme de marchandage du montant de l’impôt. Selon les agents de la DGI, les opérateurs économiques ignorent les conséquences fiscales de certains faits posés par eux-mêmes. Il s’agit notamment des ventes des biens dont les factures sont libellées « à retirer » alors que la marchandise n’existe pas dans le dépôt du commerçant. Cette pratique ne fait qu’augmenter le volume des affaires réalisées par l’opérateur économique. Ainsi, l’impôt sur le chiffre d’affaires sera très élevé alors que l’opérateur économique est parti s’approvisionner chez son collègue pour désintéresser le client. En contre partie, l’opérateur économique reçoit de son collègue une petite réduction sur le prix de vente qu’il considère comme le gain tiré de cette opération alors que ses livres comptables ont déjà enregistré qu’il a vendu des marchandises au comptant en émettant une facture « à retirer ».
Selon les enquêtes effectuées sur terrain par les chercheurs de CEJA, l’invisible intéresse à la fois les agents de fisc et les opérateurs économiques. L’invisible dont bénéficie l’opérateur économique est proportionnel à ce qui réduit sensiblement sa dette d’impôt. Les chercheurs ont néanmoins constaté dans les cas de l’ONG VECO RDCongo et celui d’un opérateur économique de la ville dont l’arrangement avec les agents de la DGI a eu lieu en date le 22 décembre 2008, que ce sont les agents de fisc qui ont été les premiers à négocier le montant de l’impôt dans le but de percevoir l’invisible.
C. LES DISPOSITIONS LEGALES FACE A LA PRATIQUE DE L’INVISIBLE
1. LE MODE DE PAIEMENT DES DETTES ENVERS L’ETAT ET LE SYSTEME DE L’INVISIBLE
Le paiement des dettes envers l’Etat ne s’effectue pas dans l’anarchie. La législation fiscale en détermine une certaine procédure à suivre qui doit être respectée.
Cette procédure découle des textes ci- après :
– Le décret n° 007/2002 du 2 février 2002 relatif au mode de paiement des dettes envers l’Etat ;
– L’arrêté n°076/CAB/MIN/ECO-FIN et BD/2002 du 11 février 2002 portant mesures d’application du décret 007/2002 ;
– La circulaire ministérielle n° 002/CAB/MIN/ECO-FIN ET BUD/2002 relative au mode de paiement des dettes envers l’Etat.
Aux termes de ces textes le règlement des dettes envers l’Etat est effectué :
• En numéraire et/ ou en scripturale ;
• Auprès des seuls organismes ou agents habilités appelés intervenants ;
• Contre remise des preuves constituées de l’ensemble de documents délivrés par l’intervenant ;
• Suivant une procédure déterminée.
1° Le règlement en numéraire et/ou en scripturale des dettes envers l’Etat.
Le décret 007/2002 du 2 février 2002 relatif au mode de paiement de dettes envers l’Etat rend obligatoire le règlement en numéraire et ou en scripturale tout paiement des impôts et taxes. Cette obligation ressort de son article 1er qui dispose : « le règlement des dettes envers l’Etat, notamment les impôts, droits, taxes, redevances ainsi que les pénalités, amendes, majorations et accroissements y afférents, est obligatoirement effectué au compte du receveur de la régie financière ou de l’entité administrative décentralisée concernée, en numéraire et ou en scripturale, auprès des seuls organismes ou agents habilités, en application du présent décret, à en recevoir le paiement et à en délivrer la preuve, ci- après appelés intervenants ».
De cette disposition il ressort clairement que l’assujetti, pour s’acquitter de ses impôts et taxes, doit verser en espèce le montant dû ou alors présenter un titre reconnu par la banque (intervenant) comme étant représentatif de l’argent liquide. Il est donc exclu du circuit tout paiement en nature.
D’après les informations révélées par les opérateurs économiques, il est fréquent de voir certains agents de la DGI se faire payer moyennant des articles en nature certaines valeurs en compensation du montant de l’impôt. Cette pratique qui viole les textes réglementaires ne se maintient qu’au service de la DGV à travers l’invisible.
Il convient de noter que disposer des liquidités ne suffit pas pour que le contribuable puisse se rassurer d’avoir compris le mode de paiement des dettes envers l’Etat. Encore faudrait-il savoir quel agent est compétent pour recevoir l’argent de l’Etat.
2° Les intervenants dans l’encaissement des paiements en règlement des dettes envers l’Etat.
Il est important de savoir que le simple fait d’être agent de l’administration fiscale ou publique ne confère à personne qualité pour percevoir l’argent de l’Etat. Cette qualité est reconnue à certains organismes et agents, les seuls habilités à recevoir le paiement pour le compte de l’Etat.
En vertu des textes réglementaires en vigueur, ont qualité d’intervenants dans l’encaissement des paiements en règlement des dettes envers l’Etat :
1. Les banques, la caisse générale d’épargne du Congo (CADECO) et les autres institutions financières agréées ;
2. les attachés financiers des représentations diplomatiques de la République Démocratique du Congo à l’étranger ;
3. exceptionnellement et sur autorisation du ministère ayant les finances dans ses attributions, les receveurs de douanes ou les comptables publics des recettes affectés aux régies financières et aux entités administratives décentralisées (EAD) dans les localités où les institutions financières agréées ne sont pas représentées.
L’on comprend par là que la pratique de l’invisible résulte du non respect des textes légaux par l’administration. D’après ces textes le mécanisme pour canaliser l’argent vers la caisse de l’Etat comprend des étapes bien structurées.
D’abord le paiement s’effectue au compte du receveur de la régie financière ou de l’entité administrative décentralisée concernée, auprès de l’intervenant (la banque). Ensuite, l’intervenant reverse dans le délai prévu, tous les encaissements enregistrés par lui, au compte du trésor public auprès de la Banque Centrale du Congo.
Il n’est donc pas concevable que, dans une ville comme celle de Butembo où les institutions financières sont réellement représentées, le paiement des impôts puisse s’effectuer auprès des agents de la DGI qui ne sont pas des intervenants en matière d’encaissement des recettes provenant de l’impôt. Ceux- ci doivent cesser de jouer un rôle qui n’est pas le leur.
Il s’avère très important de préciser, avant de clore ce point que les institutions financières agréées autres que les banques et la CADECO ne sont pas autorisées à procéder à l’encaissement des paiements effectués aux comptes des receveurs des régies financières en règlement des dettes envers le trésor Public. Elles ne se limitent qu’à la perception des recettes pour compte des entités administratives décentralisées pour autant qu’elles y soient autorisées par le ministre ayant les finances dans ses attributions.
Il convient de noter que la compétence des intervenants ne se limite pas uniquement à la perception du paiement des impôts. Ils ont également qualité pour délivrer la preuve de paiement présentée dans le point ci- dessous.
3° La preuve de paiement des dettes envers l’Etat
Il est bien connu qu’il revient au débiteur de le démontrer quand il a été libéré de son obligation. Dans cette logique, le débiteur de l’Etat appelé contribuable ou assujetti devra se rassurer, lorsqu’il vient de s’acquitter de sa dette fiscale, qu’il dispose des preuves acceptables qui le libèrent de son obligation.
Aux termes de l’article 2 de l’arrêté ministériel n°076/CAB/MIN/ECO-FIN ET BUD/2002 portant mesures d’application du décret 007/2002 du 2 février 2002, la preuve de paiement des dettes envers l’Etat est constituée de :
– Le bordereau de versement et l’attestation de paiement, pour le règlement en espèce ;
– L’avis de débit et l’attestation de paiement, pour le règlement par voie scripturale lié soit à un ordre de paiement ou un bordereau de remise de titre ;
– La note de perception ou de versement émargée par l’intervenant.
NB : Pour avoir le caractère libératoire, ces imprimés doivent être repris sur le relevé journalier des encaissements des recettes publiques établi par les intervenants.
A Butembo, les opérateurs économiques ont révélé aux chercheurs qu’ils ont remis aux agents de la DGI des sommes importantes à titre d’impôt sans aucune preuve de paiement. La grande partie de cet argent est constituée de la différence entre la somme remise et le chiffre porté sur le document délivré. Toutefois quelques cas rencontrés n’ont aucun document pour toute la somme versée. La seule preuve qui leur reste c’est l’agent du fisc qui reconnaît avoir été servi par la maison commerciale. Il couvre toujours sa victime lors du passage des autres agents de contrôle. Qu’adviendrait- il s’il arrivait à être muté du milieu ?
Les contribuables doivent cesser d’être négligents. La valeur de la preuve vaut ce que la législation lui reconnaît. La pratique de l’invisible prive donc les contribuables de leur droit légitime de disposer des preuves valables de paiement effectué par eux.
Cette pratique laisse croire faussement à ces contribuables qu’ils ont eu l’avantage d’un quelconque allègement du montant à verser au fisc. La violation de la procédure joue un rôle capital pour l’invisible. Raison pour la quelle les contribuables ont intérêt à s’imprégner des notions de base en matière de procédure.
4° la procédure de paiement des dettes envers l’Etat
Elle est déterminée par la circulaire ministérielle n° 002/CAB/ECO-FIN ET BUD/2002 relative au mode de paiement des dettes envers l’Etat.
– Le contribuable, le redevable légal ou l’assujetti se présente auprès des services d’assiette des régies financières ou entités administratives décentralisées pour obtenir la note de perception ou de versement déterminant le montant des droits à payer. La note de perception ou de versement doit être exprimée aussi bien en monnaie de transaction qu’en franc congolais.
– Il se présente muni de cette note de perception ou de versement auprès de l’intervenant pour s’acquitter de ses obligations. A cet effet, l’intervenant porte sur la note de perception ou de versement les mentions relatives aux fonds reçus du contribuable, redevable légal ou assujetti, en paiement des impôts, droits, taxes et redevances en faveur de l’Etat.
En ce qui concerne la DGI, les contribuables ne doivent pas attendre sur place les agents. Le système étant déclaratif et auto liquidatif, ils doivent préalablement introduire auprès du receveur des impôts, dans le délai, une déclaration reprenant le montant à payer. Ceci vaut d’ailleurs un moyen à leur disposition pour échapper aux méfaits du système de l’invisible. Les agents du fisc doivent œuvrer pour que les contribuables puissent se familiariser complètement à la procédure. La pratique de l’invisible maintien les citoyens dans l’ignorance de la procédure ou dans la négligence.
2. INFRACTIONS DONT PEUVENT SE RENDRE COUPABLES CEUX QUI RECOURENT AU SYSTEME DE L’INVISIBLE
Avant de toucher la question relative aux infractions dont peuvent se rendre coupables ceux qui recourent au système de l’invisible, ce qui précède a suffisamment démontré que ces agents de l’Etat ne font pas leur travail en conformité avec les exigences de leur fonction. Ils violent le code de bonne conduite des agents de l’Etat. Ils méritent par conséquent des sanctions disciplinaires qui relèvent de leur hiérarchie à moins que celle-ci ne soit complice.
En parcourant le code pénal congolais surtout les infractions portant atteinte à la confiance due à l’administration, il est prévisible que la pratique de l’invisible soit une porte ouverte à la commission de l’une ou l’autre des infractions ci-après :
– Concussion,
– Corruption,
– Détournement de biens de l’Etat,
– Faux en écriture,
Il y a infraction de concussion lorsque les éléments suivants sont réunis.
(i) Un fonctionnaire, toute personne chargée d’un service public, ou toute personne représentant les intérêts de l’Etat (ii) ordonne de percevoir, exige ou reçoit, (iii) ce qui n’est pas dû ou ce qui excède ce qui était dû pour des taxes, contributions (impôts), salaires ou tout autre avantage, (iv) alors que cette personne savait qu’elle n’avait pas le droit d’exiger ces sommes.
Sanction :
– Six mois à cinq ans de servitude pénale,
– Confiscation de la rétribution perçue injustement ou de son équivalent,
La corruption de fonctionnaires exige quant à elle la réunion des éléments suivants :
(i) Il s’agit de tout fonctionnaire, de toute personne chargée d’un service public ou représentant les intérêts de l’Etat, (ii) qui aurait accepté des offres ou des promesses, ou qui aura reçu des cadeaux, (iii) pour faire un acte de sa fonction, même juste, (iv) alors que cet acte ne donne pas droit à un salaire (acte gratuit)
Sanction :
– Six mois à deux ans de servitude pénale et amende
– Confiscation de la somme perçue illégalement ou son équivalent.
Pour le détournement des biens de l’Etat, les conditions suivantes doivent être réunies :
(i) L’auteur de l’infraction est un agent de l’Etat, fonctionnaire ou officier public ; (ii) L’objet de l’infraction consiste dans le fait d’utiliser à son profit, l’argent ou les biens de l’Etat que le fonctionnaire avait entre les mains en raison de sa charge.
Sanction
– Selon l’importance des sommes détournées : de 1 à 20 ans SP
– La confiscation générale des biens peut être prononcée par le tribunal.
Enfin pour qu’il y ait infraction de faux en écriture, les deux éléments suivants doivent être réunis :
(i) Il y a altération de la vérité d’un écrit, par exemple en modifiant les chiffres d’une somme due, en changeant les noms des bénéficiaires, etc., (ii) Cette altération est réalisée dans le dessein de nuire ou elle est susceptible de causer du tort à autrui.
En guise de sanction, il est prévu six mois à cinq ans de servitude pénale et/ou amende.
Les manœuvres de l’agent qui se donne à la pratique de l’invisible l’exposent à la commission des infractions ci haut décrites. De ce fait, il risque de courir les sanctions prévues par la loi.
Il sied de mentionner que l’agent de l’Etat qui recourt à l’invisible pour gonfler ses poches s’expose aux sanctions administratives qui n’excluent pas des poursuites judiciaires. En d’autres termes, un agent qui se serait rendu coupable des infractions liées à la pratique du système de l’invisible se verra poursuivi par la justice même si sa hiérarchie a pris de mesures disciplinaires à son égard.
II. L’IMPACT DE L’INVISIBLE SUR LA REALISATION DES RECETTES DE L’ETAT
II.1. L’INVISIBLE ET LA NOTION DU CONTRAT DE BONNE GOUVERNANCE
Depuis les élections de 2006, par la volonté du peuple, la République Démocratique du Congo (RDC) s’est doté des institutions démocratiquement établies. Parmi les préoccupations majeures qui ont présidé à l’organisation de ces institutions, l’instauration d’un Etat de droit ainsi que la garantie de la bonne gouvernance sont retenues. C’est dans cette optique que s’est opéré un changement qui se veut concret dans la gestion des affaires publiques. Dès lors les gouvernants nationaux et provinciaux concluent avec le souverain primaire c’est-à-dire le peuple détenteur du pouvoir et qui les a délégués, un contrat de bonne gouvernance. En effet, les articles 90 al. 3 et 4, 198 al. 7 et 8 et 175 alinéa 1er de la loi fondamentale subordonnent l’investiture du gouvernement, au niveau central comme au niveau provincial, à l’approbation de son programme par le peuple représenté par ses élus qui siègent dans les assemblées nationale et provinciales. Ces derniers doivent également, pour chaque exercice, voter le budget initialement élaboré par l’Exécutif. Cet ensemble d’opérations, renferme l’idée de la rencontre des deux volontés dans la conclusion du contrat de bonne gouvernance. Ainsi, comme dans tout contrat, les deux parties (le gouvernement et le peuple) ont, chacune, des droits et des devoirs qu’elles sont appelées à exécuter de bonne foi. Les articles 11 jusque 67 de la constitution du 18 février 2006 définissent ces droits et devoirs des citoyens et de l’Etat.
D’une part, l’Etat est débiteur de tout ce qu’il promet de réaliser dans le programme élaboré par lui-même et accepté par le peuple. Le contraire serait duper les citoyens, ce qui constituerait une violation du contrat par lequel les deux parties sont liées.
D’autre part, le peuple, créancier des prévisions de l’Etat, doit lui-même s’acquitter de ses devoirs civiques parmi lesquels le payement des impôts et taxes. Manquer à ce devoir civique serait priver l’Etat des ressources budgétisées en vue de financer les dépenses prévues dans son programme.
En effet, la seule bonne volonté du gouvernement ne peut traduire en réalisation les prévisions de son programme. L’Etat a donc besoin des moyens dont les impôts et taxes constituent la source principale. La maximisation de recettes et la lutte contre le détournement du denier public constitue une voie obligée pour toutes les autorités qui désirent matérialiser leur plan d’action.
C’est peut-être pour cette raison que le gouvernement provincial du Nord-Kivu, dans son plan d’actions prioritaires qui renferme des projets concrets regroupés en 5 piliers, présente la bonne gouvernance comme le tout premier pilier. Il est donc clair que toutes les régies financières (DGI, OFIDA, DGRAD…) doivent prendre conscience du rôle déterminant qui est le leur, dans la mobilisation des recettes et leur canalisation vers la caisse de l’Etat. La politique de l’invisible pratiqué à la DGI est sans doute hostile au rôle des régies financières identifiées ci-haut. Elle est un danger à l’exécution du contrat de bonne gouvernance conclu entre le gouvernement et le peuple et constitue un moyen sur pour le rendre irréaliste. Le tableau de répartition de l’impôt entre le Trésor public et l’invisible, élaboré sûr base des données recueillies auprès des contribuables lors des enquêtes menées par le CEJA les mois de septembre à Décembre 2008 donne des détails sur cette situation.
II.2 TABLEAU DE REPARTITION DE L’IMPOT ENTRE LE TRESOR PUBLIC ET L’INVISIBLE
Pendant les enquêtes menées par le CEJA de septembre à décembre 2008, les contribuables contactés ont fourni aux chercheurs du CEJA des données concernant les montants payés, les mécanismes utilisés et la part de l’invisible dans ce qu’ils ont payé. Durant les travaux de recherche, les enquêteurs de CEJA ont par ailleurs assisté sur terrain à un marchandage de l’impôt entre les contribuables et agents de la DGI à l’insu de ces derniers.
1° La Détermination du montant de l’impôt
La façon dont le montant de l’impôt est déterminé n’a pas figuré parmi les questions adressées aux contribuables contactés. Cependant, à une question aussi facile comme « combien avez-vous payé à titre d’impôt pendant cet exercice ? », tous n’ont pas su répondre sans pour autant revenir à la manière dont ce qu’ils payent est déterminé. Leur réaction est la même à savoir : « le montant est négocié entre le service fiscal et le contribuable »
2° Les mécanismes utilisés
• Le système bancaire
Pour certains impôts, les contribuables versent le montant dû au Trésor Public à la banque.
• La remise du montant entre les mains des agents fiscaux.
Certains impôts (confère tableau nº1) passent nécessairement par les mains des agents du fisc. A leur tour ils versent à la banque l’argent dû au Trésor Public, ils peuvent ou ne pas remettre par la suite les pièces justificatives au contribuable. Et souvent s’ils ramènent les pièces justificatives, le montant versé en banque est insignifiant par rapport à ce qu’ils ont perçu des mains du contribuable.
• La combinaison de deux mécanismes
Dans certaines autres situations, les agents de la DGI indiquent au contribuable le montant qu’il doit verser en banque ainsi que la différence à payer entre leurs mains.
3° Répartition du montant perçu de l’impôt entre le Trésor Public et l’invisible
Les enquêtes de terrain ont permis de recueillir des informations sur la répartition faite du montant payé par les contribuables.
Les chercheurs de CEJA ont mené des enquêtes dans les quatre communes de la ville de Butembo auprès des opérateurs économiques oeuvrant dans les secteurs de Magasins, boutiques, friperie, alimentations. La répartition en nombre par secteur n’a pas été pré-établie. Elle s’est réalisée selon la disposition des opérateurs économiques d’un secteur donné à livrer les informations. Ainsi, sur trente-cinq personnes qui ont collaboré à la récolte des données : cinq (5) étaient des domaines de magasins, vingt (20) pour les boutiques, trois (3) pour les friperies et sept (7) pour les alimentations.
A part les données recueillies auprès des opérateurs économiques, les chercheurs ont observé et suivi sur terrain des tractations entre les agents de la DGI et un opérateur économique. Cette réalité vécue ne s’était pas éloigné de ce qu’avaient déjà déclaré les opérateurs économiques contactés.
D’une manière générale, les opérateurs économiques savent que la clé de répartition appliquée par les agents de la DGI prévoit pour le trésor public un tiers (1/3) du montant perçu et deux tiers (2/3) pour l’invisible. Mais tout peut varier selon les discussions entre les deux parties.
Le tableau ci-après a été établi à partir des résultats des enquêtes du CEJA. Il porte sur les impôts payés pendant l’exercice 2008.
Pour les impôts qui sont payés mensuellement comme l’IPR, le tableau reprend le total des mois payés jusqu’au moment des enquêtes.
Tableau nº1
Contribuable Intitulé de l’impôt Impôt versé sur compte bancaire du Trésor Public Impôt payé entre les mains des agents de la DGI Montant sur pièces justificatives Montant du compte invisible
(Le tableau ne peut être afficher du à un problème technique)
COMMENTAIRE
Les données reprises dans ce tableau sont les résultats d’une enquête effectuée auprès de 35 contribuables. Ces derniers ont énuméré les différents impôts qu’ils ont effectivement payés. Dans l’ensemble six catégories d’impôts ont été repérées à savoir :
1. L’impôt professionnel sur la rémunération des nationaux (IPR/N) et l’impôt professionnel sur la rémunération des employeurs (IPR/expl)
2. Le précompte BIC (PREC. BIC)
3. L’impôt sur les bénéfices et profits (IBP)
4. L’impôt sur les Revenus locatif (IRL)
5. L’impôt Foncier (I.F)
6. L’impôt sur chiffre d’Affaire (ICA)
En ville de Butembo, la fixation de l’IPR se heurte aux difficultés liées à la détermination de salaire des travailleurs. Plusieurs opérateurs économiques qui utilisent des membres de leurs familles ou même des personnes étrangères à leurs familles ne leur donnent pas de salaire supérieur à dix dollars. Ainsi, pour adapter la situation à cette réalité, dans la plupart de cas, l’IPR est fixé forfaitairement à 2,5$ par mois et par employé (IPR/N) et 5$ par mois pour l’employeur. C’est ce montant qui est multiplié par le nombre de mois payés par le contribuable pour aboutir aux chiffres de l’IPR repris dans le tableau nº1. Donc pour un contribuable qui a payé jusqu’à Décembre 2008, l’IPR/N = 2,5$ x 12 soit 30$ et l’IPR/ Expl 5$ x 12 soit 60$, ce qui donne un total de 90$.
Les différentes colonnes de ce tableau montrent les différents mécanismes intervenus dans le payement de l’impôt.
– Le système bancaire intervient surtout en cas des IPR et PREC. BIC. C’est ce qui ressort de la colonne 3 du tableau,
– La remise du montant de l’impôt entre les mains des agents fiscaux est observé dans la colonne 4 du tableau en cas de payement des :
• IBP : Contribuables (02, 03, 17, 19, 23)
• Ouverture dossier fiscal (06, 10)
• PREC. BIC : contribuables (09)
• IPR (14).
– La combinaison de deux mécanismes : une partie par voie bancaire et remise d’une autre partie entre les mains des agents fiscaux. Ces colonnes 3 et 4 présentent les cas suivants :
• IBP : Contribuables (01, 05, 07, 08, 10, 12, 13, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 24-35)
• PREC. BIC : ‘’ (10,11)
• IRL : ‘’ (15)
• I.F : ‘’ (15)
Il ressort de la lecture attentive du tableau n°1 de ce rapport le constat des faits ci- après :
1°. Tous les montants repris dans la colonne 3 proviennent des impôts réglés par le système bancaire. Sur base des notes de perception établies par le service fiscal, les contribuables versent l’argent dû à l’Etat au compte du Trésor Public. Cette opération permet non seulement à l’Etat d’encaisser le montant réel payé par le contribuable à titre d’impôt, mais également à ce dernier de disposer des pièces justifiant qu’il s’est acquitté de la dette fiscale (Note de perception, bordereau de versement etc.). C’est le moyen de paiement le mieux indiqué, le plus sûr, hormis certains cas de magouille possible qui consisterait dans l’octroi de fausses notes de perception avec numéro erroné du compte du trésor public. Curieusement, l’on observe, on dirait une catégorisation des impôts réglés par voie bancaire. Ce sont surtout ceux dont le montant est moins important et particulièrement les impôts professionnels sur les rémunérations (IPR) dont le montant est forfaitairement fixé pour 2,5$ par employé et 5$ par exploitant individuel pour un mois. Le précompte Bic est aussi l’un de ces impôts, les autres catégories d’impôts sont payées auprès des agents recouvreurs.
20 L’Impôt sur les bénéfices et profits (IBP) dont le montant est beaucoup plus consistant est quant à lui payé, pour la plupart de cas entre les mains des agents de la D.G .I. S’agissant de cet impôt, certains agents de l’Etat affectés à l’administration fiscale tendent à se substituer en patron de l’Etat. Ils s’approprient la bonne partie des recettes de l’Etat. Le tableau nº1 montre bien qu’à part quelque cas (contribuable 12 et 13), ce sont les agents du fisc qui s’accaparent de la part du lion de l’IBP, pour alimenter leur compte invisible et laissent les miettes au compte de l’Etat. Il en est de même pour l’IRL et l’IF. Il y a lieu de calculer la proportion de ces impôts, pour chaque contribuable de l’échantillon de notre recherche, qui a alimenté la caisse du trésor public.
Tableau nº2 :
CONTRIBUABLE I.B.P/ IRL IF TRESOR PUBLIC INVISIBLE MONTANT %
01 145$ 45$ 31% 100$ 69%
02 500$ 0$ 0 % 500$ 100%
03 400$ 50$ 12 ,5% 350$ 87,5%
04 400$ 200$ 50% 200$ 50%
05 2500$ 500$ 20% 2000$ 80%
06 0$ 0$ 0% 0$ 0%
07 300$ 100$ 33 ,33% 200$ 66 ,67%
08 500$ 100$ 20% 400$ 80%
09 0$ – – – –
10 300$ 100$ 33,33% 200$ 66 ,67%
11 0$ – – – –
12 8500$ 6000$ 70,59% 2500$ 29 ,41%
13 1116$ 916$ 82 ,08% 200$ 17 ,92%
14 0 – – – –
15 2.080$ 550$ 26,44% 1.530$ 73,56%
16 450$ 150$ 33,33% 300$ 66,67%
17 65$ 0 0% 65$ 100%
18 300$ 100$ 33,33% 200$ 66,67%
19 1.450$ 150$ 10,34% 1.300$ 89,66%
20 3.000$ 1.000$ 33,67% 2.000$ 66,67%
21 350$ 150$ 42,86% 200$ 57,14%
22 800$ 300$ 37,5% 500$ 62,5%
23 300$ 100$ 33,33% 200$ 66,67%
24 250$ 100$ 40% 150$ 60%
25 450$ 150$ 33,33% 300$ 66,67%
26 600$ 200$ 33,33% 400$ 66,67%
27 1300$ 500$ 38,46% 800$ 61,54%
28 400$ 150$ 37,5% 250$ 62,5%
29 300$ 100$ 33,33% 200$ 66,67%
30 600$ 200$ 33,33% 400$ 66,67%
31 350$ 100$ 28,57% 250$ 71,43%
32 500$ 150$ 30% 350$ 70%
33 1.850$ 600$ 32,43% 1.250$ 67,57%
34 320$ 120$ 37,5% 200$ 62,5%
35 350$ 150$ 42,86% 200$ 57,14%
TOTAUX 30.726 13.031$ 42,41% 17695$ 57,59%
Source : analyse des résultats d’enquêtes
3° La quasi-totalité du montant exigé pour l’ouverture du dossier fiscal est destinée, pour les cas rencontrés, à l’invisible (contribuables 6 et 10). Cette imposition présente, du point de vue source légale, des zones d’ombre qu’il convient d’éclairer. Pour le centre des Impôts de Butembo, contacté par les chercheurs du CEJA, cette pratique trouve sa source dans les usages et coutumes de la DGI.
Or, en matière de fiscalité en RDC, il est prévu à l’article 174 de la constitution du 18 février 2006 qu’il ne peut être établi d’impôt que par la loi. En plus, au regard du principe de la gratuité du service public, l’ouverture d’un dossier fiscal doit-elle être subordonnée à une quelconque imposition ?
Au regard des analyses de la présente recherche, le paiement qui intervient pour l’ouverture du dossier fiscal serait dépourvu de source légale.
4° La population qui constitue notre échantillon compte trente-cinq personnes, tous opérateurs économiques répartis dans les quatre communes de la Ville de Butembo. Chacun est conscient et veut s’acquitter en bon citoyen de son devoir civique de l’impôt. Le tableau n°1 fait état des sommes payées par eux à titre d’impôt. Seulement il règne beaucoup d’ambiguïté en la matière. Le manque de culture fiscale dans le chef des contribuables, décrié souvent par l’administration fiscale, n’est qu’un alibi qualifiant à tort d’inciviques les citoyens congolais. Ceux- ci tombent sans cesse victimes de ce que l’on qualifierait « d’harcèlement fiscal » de la part des agents de la DGI , qui, au lieu de s’adonner à une éducation civique et fiscale avec suivi, créent dans la conscience de la population (contribuables) la peur de l’impôt. En effet, dans le but de persuader les contribuables à se courber aux négociations à la faveur de l’invisible les agents de la DGI trompent les assujettis dans l’estimation du montant à payer selon la législation fiscale. Ils ont l’habitude de communiquer un montant très impressionnant et soumettent leurs victimes à une tracasserie démoralisante. Par la suite, ils proposent eux-mêmes un arrangement avec l’opérateur économique, soit en disant salutaire. Cet arrangement ouvre court à une négociation de marchandage du taux de l’impôt à payer. Les agents de l’administration fiscale trouvent dans ces négociations l’opportunité de convaincre le contribuable d’une partie de l’argent de l’impôt qui ne sera pas couvert par des pièces justificatives.
Il parait pourtant évident que la partie qui accuse une grave crise du sens civique c’est bien l’agent de l’Etat affecté à l’administration fiscale. C’est lui qui devait éduquer et former les citoyens en matière fiscale et les amener à s’adapter au système fiscal Congolais qui est déclaratif et auto liquidatif. Malheureusement il semble préférer exploiter leur ignorance pour les dérouter continuellement et s’enrichir illicitement sur leurs dos.
Il est vrai la DGI anime régulièrement des programmes à la radio, une initiative à encourager. Cependant, à ces programmes il faudra ajouter des sessions de formation par secteur qui ont l’avantage de pouvoir faire l’objet de suivi, ce qui n’est pas le cas pour les émissions à la radio, encore que ce qui est dit à la radio diffère de ce que les agents font sur terrain.
5° Le montant total des impôts repris dans le tableau nº 1 s’est élevé à 25.716$ soit les totaux des colonnes 3 et 4.
La part de l’impôt qui a été orienté dans la caisse de trésor public est de 12.321 (total de la colonne 3) et celle de l’invisible est de 13.395$ (total colonne 4). En terme de pourcentage la situation se présente comme suit :
Tableau nº3
Intitulé Impôt recouvré
Part du Trésor Public Part de l’invisible
Montant 35 696$ 16.651 $ 19045$
Pourcentage 100% 46,65% 53,35%
Source : analyse des résultats d’enquêtes
Cette représentation montre clairement l’impact négatif de l’invisible sur la réalisation des recettes de l’Etat et par conséquent sur la réalisation de son budget.
Les recherches sur la réalité fiscale en ville de Butembo ont révélé en décembre 2007 que seulement 36,59% des recettes réalisées par les régies financières parviennent au trésor public. Si en décembre 2008 la part de recettes destinée au Trésor public monte à 46,65% cela prouve que les efforts déployés par tous ceux qui militent pour la bonne gouvernance ne sont pas restés sans produire des effets. A leur actif, il faut porter les 10,06% de différence entre les deux résultats qui consiste en une amélioration, minime soit-elle, des recettes orientées vers la caisse de l’Etat.
Cependant, l’invisible reste toujours un grand défi en ce sens que moins de 50% de recettes réalisées par les régies financières entre dans la caisse de l’Etat. Les décideurs ne doivent plus continuer à rester insensible à cette réalité.
Pour revenir à l’exécution du budget provincial du Nord-Kivu au premier trimestre, il convient de rappeler que les prévisions de recettes annuelles de la DGI s’élèvent à 9.700.282.250 FC, soit en moyenne 2.425.070.551 FC le trimestre. Les réalisations s’étaient élevées à 605.525.325,08FC soit 25% des prévisions.
Il faut comprendre par là que, si le comportement de tous les centres d’impôt est le même au sein de la province vis-à-vis de l’invisible, ceci revient à dire que les recettes réelles de la DGI restent inconnues. En effet, ce qui est considéré comme réalisation en termes de recettes à travers les différents rapports de cette régie financière ne traduit pas la réalité. Elle porte, d’après les résultats de la présente recherche, sur environ 46,65% en laissant sous l’ombre une importante partie évaluable à 53,35% constituant l’invisible.
Ainsi donc, si d’après les données à la disposition de l’exécutif provincial, la DGI a réalisé 605.525.325,08FC au premier trimestre 2008 , ce montant est parvenu au trésor public après avoir retenu l’invisible. Le montant réellement recouvré est inconnu. Sachant que la part du trésor public est estimée à 46,65%, il y a lieu de calculer ce qui aurait été le montant d’impôt réellement payé par les contribuables.
Par la règle de trois simple, les calculs se présentent comme suit :
46,65% 605.525.325,08FC
1% 605.525.325,08FC
46,65
100% 1.298.017.845,53FC.
Le montant de l’invisible est de 1.298.017.845,83FC-605.525.325,08FC= 692.492.520,75FC (soit 53,35%).
Or, au budget 2008, les prévisions de recettes de la DGI s’élèvent à 9.700.282.250FC, soit en moyenne 2.425.070.551 FC le trimestre.
Donc, n’eût été l’invisible, les réalisations de la DGI (1.298.017.845,83FC) au premier trimestre représenteraient 53,52% des prévisions au lieu de 25% (605.525.325,08FC) révélées par les données de recherches au sujet de l’exécution du budget de la province du Nord Kivu au premier trimestre 2008.
Il faut cependant se garder de toute extrapolation car nos investigations concernent uniquement le centre d’impôt de Butembo. Ce dernier a dû réaliser pour la période (premier trimestre 2008) une somme de 87.503.519,83 FC (soit 14,45%) du total réalisé par la DGI au niveau de la province.
Au regard des résultats de nos études, ladite somme n’est qu’une partie représentant 46,65% de ce qui a été recouvré. Donc le total recouvré par laDGI/Butembo auquel l’on déduit l’invisible donne la somme versée au Trésor public qui est de 87.503.519,83FC.
Sachant que la part du Trésor public est d’environ 46,65%, il est possible de calculer le montant qui aurait été recouvré ainsi que la part de l’invisible.
En appliquant la règle de trois simples, le montant qui serait versé au Trésor public est de 187.574.533,40FC.
Tenant compte de la pratique de l’invisible, celle ci s’élèverait à 100.071.013,53FC (soit 187.574.533,40FC-87.503.519,83FC).
D’après les données fournies par l’exécutif provincial, les recettes des régies par secteur au premier trimestre étaient de 439.970.424,50FC pour Goma, 78.051.380,75FC pour Beni et 87.503.519,83FC pour Butembo soit un total de 605.525.325,08FC.
N’eût été la pratique du système de l’invisible à la DGI/Butembo, les recettes de ce ressort fiscal seraient de 187.574.533,40FC. Ainsi, au lieu de 605.525.325,08FC, le total réalisé par la DGI provinciale serait de 705.596.338,65FC réparti comme suit :
– DGI/Goma : 439.970.424,50FC
– DGI/Beni : 78.051.380,75FC
– DGI/Butembo : 187.574.533,40FC, soit 26,58% du total provincial.
En bref les opérations réalisées au premier trimestre 2008 par le centre des impôts de Butembo seraient les suivantes au regard de nos enquêtes :
Tableau nº4
DESTINATION MONTANT EN FC MONTANT EN DOLARS (1$ = 550 Fc)
TRESOR PUBLIC (46,65%) 87.503.519 ,83 159.097 ,31$
INVISIBLE (53,35%) 100.071.013,57 181.947,30$
MONTANT RECOUVRE 187.574.533,40 341.044,61$
Source : Analyse des résultats de nos enquêtes.
L’on peut se poser la question de savoir qu’est-ce qui se passe au niveau des autres centres impôts au Nord-Kivu si Butembo peut à lui seul, priver le Trésor public de 181.947,30$ en un trimestre.
Pour y répondre, il faudrait étendre les enquêtes sur toute l’étendue de la province. Si non trois situations sont possibles : soit la même logique, soit l’invisible va au delà de 53,35% dans certains coins et en dessous dans d’autres. Donc, si la province veut bien réaliser son programme d’action, elle doit se pencher sur la question de l’invisible et relever le défi.
6° Un incident vécu par les chercheurs pendant la période des enquêtes mérite d’être signalé. Le 22 décembre 2008 vers 11h, deux agents respectables de la DGI ont contacté un opérateur économique en prétendant être envoyés par leur bureau. Ils ont demandé « d’arranger » la situation de l’IBP pour l’exercice prochain. Sans calcul, ils lui ont signifié qu’on procède « comme d’habitude ». Comme dans toute négociation, le contribuable a donné sa position en répliquant qu’il pouvait donner en tout et pour tout une somme de trois cent dollars (300$) y compris donc l’invisible. Mais les agents recouvreurs exigeaient que les trois cent dollars soient versés comme invisible entre leurs mains ou au bureau et qu’en plus la somme de cent cinquante dollars (150$) serait versée en une date ultéreure en banque pour le trésor public. Cela n’a fait que confirmer les informations recueillies sur terrain. Il faut souligner que cette sollicitation aux approches des fêtes de Noël et de nouvel an concernait les opérations du recouvrement prévu en 2009. Même si les chercheurs n’ont pas pu suivre les autres étapes de cette négociation, ils ont recueilli des éléments importants pour vérifier les données en leur possession. Cette circonstance n’a fait qu’appuyer la saturation dans la récolte des données présentées dans ce rapport.
RECOMMANDATIONS ET SUGGESTIONS
En vue de garantir une bonne gestion, une destination sûre des recettes de l’Etat au Trésor public et assurer la maximisation des recettes nécessaires pour l’action de l’Etat, voici quelques recommandations et suggestions.
1° Mettre en oeuvre tous les mécanismes de contrôle prévus par la constitution en vue d’éviter les irrégularités et en établir les responsabilités ;
2° Appliquer sans complaisance les sanctions administratives et judiciaires à l’endroit de tous les fautifs.
3° le mot d’ordre « tolérance Zéro à l’impunité » prôné par les autorités doit cesser d’être un slogan. L’impunité doit être abolie.
4° une formation professionnelle et une éducation civique doivent être organisées à l’intention des agents de l’administration fiscale.
5° À part les émissions organisées par la DGI, une formation et une éducation fiscale devraient être organisées avec suivi à l’endroit de la population selon les secteurs économiques de leurs activités, ceci pour les aider à remplir les documents commerciaux exigés et à calculer les taux des différents impôts conformément à la législation en vigueur en RDC.
6° Dans chaque ville et chaque territoire, les numéros de compte et les institutions financières où l’on doit verser l’argent dû à l’Etat devraient être officiellement portés à la connaissance des contribuables en vue d’éviter des comptes erronés.
7° La constitution des comités locaux de bonne gouvernance devrait se faire dans chaque commune. Au sein de chaque comité serait représenté : l’administration fiscale, le délégué de la commune, la société civile, la justice, les services étatiques, et les opérateurs économiques (contribuables), et les responsables religieux.
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CONCLUSION
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La pratique de l’invisible est une réalité en matière d’impôt à la D.G .I. et prive le trésor public des recettes très importantes. Son impact sur la réalisation du budget de l’Etat en général et de la province en particulier a été démontré dans ce travail. Les enquêtes ont révélés que plus de 50% de recettes de l’Etat échappent au trésor public par ce système.
Au niveau national et provincial, le gouvernement, les parlements et même la société civile devraient mettre en œuvre des mécanismes efficaces pour arrêter cette hémorragie qui parait chronique au sein de l’administration fiscale. Les recommandations et suggestions y relatifs ont été données dans ce travail.
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Brève présentation du CEJA.
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– Dénomination : Centre d’Etudes Juridiques Appliquées, C.E.J.A., en sigle.
– Siège : ville de Butembo, commune Kimemi, avenue Lubero n°4
* Adresse officielle :
Université Catholique du Graben
Avenue des Ecoles, Site de l’ITAV
B.P. 29 Butembo / Nord – Kivu
* Bureau et Service de documentation :
Centre commercial de Butembo,
Avenue Lubero, n°4
* Adresses de contact :
• Butembo :
E-mail: cejabut@yahoo.fr
Tél: 0024398395137
0024398299140
• U.S.A.:
E-mail : Kambpas@verizon.net
Tel : 0012027215600
– Statuts: approuvés et notariés
– Régime juridique : Association sans but lucratif et dotée d’une personnalité juridique.
Objectifs :
Promouvoir la culture de Droit comme fondement de bonne gouvernance en République Démocratique du Congo ;
Servir de cadre à la pratique clinique du droit pour les étudiants ;
Contribuer à l’analyse de la situation politique et des droits de l’Homme et à la diffusion de toutes les informations indispensables à la culture politique, à une meilleure connaissance (des réalités) de la loi et des mécanismes de recours juridiques appropriés aux niveaux local, national et international.
Contribuer à la résolution des conflits dans l’Afrique des Grands Lacs et sensibiliser la population à la non-violence, à la tolérance et la cohabitation pacifique ;
Eduquer aux droits de l’Homme et à la culture de la paix, assurer la diffusion d’instruments des droits de l’Homme et appuyer les initiatives de protection des droits de l’Homme.
Commissions au sein du CEJA
Assistance Juridique Permanente,
La commission d’assistance juridique permanente est subdivisée en deux chambres. La première, dénommée chambre de réconciliation, s’occupe du règlement à l’amiable des litiges civils par voie de conciliation ou de médiation. La seconde, en partenariat avec le cabinet conseil fournit l’assistance judiciaire en faveur des victimes des violations de droits de l’homme. Elle ne traite que des dossiers pénaux. Cette assistance est gratuite. Le CEJA honore toutes les charges relatives à la procédure et ainsi que les notes d’honoraire des avocats.
Observatoire Social : Monitoring de droits de l’homme,
L’observatoire social s’occupe du monitoring des abus des droits de l’homme. A travers ses activités, le Centre documente et dénonce les violations des droits de l’homme son rayon d’action à travers des rapports qu’il publie et expédie à ses partenaires locaux, nationaux, internationaux ainsi qu’aux autorités politiques, administratives et militaires des deux territoires de Beni et de Lubero.
Vulgarisation du droit par ;
Cette commission vise à faire descendre le droit des facultés, des connaisseurs jusqu’aux masses paysannes qui en ont directement besoin. Pour y parvenir elle anime :
1. Emission à la Radio Moto Butembo-Beni (RMBB) et à la Radio Télévision du Graben de Butembo ;
2. Conférences, ateliers et séminaires de formation,
3. Service de Documentation doté d’une bibliothèque spécialisée en Droit positif congolais.
Publications et recherches ;
Le centre publie deux revues dont la première dénommée Racines et la seconde Horizons. Racines est une revue de vulgarisation qui présente au public l’essentiel sur la situation des droits de l’homme dans le rayon d’action du Centre. Horizons quant à elle constitue un espace d’expression scientifique pour les assistants, Chefs des travaux et Professeurs de l’Université Catholique du Graben et ceux des autres universités de la République Démocratique du Congo.La revue Horizons publie aussi les articles des chercheurs indépendants qui s’intéressent aux activités du CEJA.
Outre ces deux revues, le Centre publie un feuillet mensuel dénommé monitoring des procès. Ce feuillet présente au public les résultats de l’observation des procès par les chercheurs du Centre. Par le monitoring des procès, le CEJA voudrait dans le mesure du possible garantir le respect des droits des justiciables devant les cours et tribunaux du grand nord de la province du Nord Kivu et de pousser les juges et les procureurs à plus d’impartialité et de professionnalisme dans l’exercice de leurs fonctions.
Le CEJA anime 14 organisations de base disséminées dans les territoires de Beni et de Lubero. Celles-ci constituent des centres relais du CEJA. A partir d’elles, le CEJA a des informations sur la situation des droits de l’homme de leurs contrées respectives.
Le Centre a initié à partir de cette année 2005 le programme « Femmes, Enfants et personnes vulnérables », qui actuellement focalise son attention sur les viols et violences sexuelles dont sont victimes les femmes et les jeunes filles de deux territoires de Beni et de Lubero.
Dès la dernière moitié du mois d’octobre 2007, le CEJA exécute un nouveau programme dénommé « Bonne gouvernance locale ». Ce dernier vise à animer des observatoires de suivi des affectations budgétaires.
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Transmis à Beni-Lubero Online par Florent Kasula
UCG-Butembo





