





C’est incroyable mais vrai ! Est-il interdit aux femmes barbues de garder leur barbe le jour du mariage? La tradition beniluberoise est muette à ce sujet. Mais ce silence de la tradition n’a pas empêcher les « wazee wa kanisa » (les vieux ou sages de l’église) de la paroisse protestante francophone de Butembo d’obliger, contre sa volonté, une mariée à couper sa barbe avant son mariage, une obligation qui a failli gâcher la fête qui était pourtant préparée depuis une longue date. La barbe de cette jeune dame qui n’est pas celle d’Aaron fait parler d’elle au quartier Matanda de Butembo, elle qui, si on peut lui reconnaitre une incidence esthétique, n’a cependant aucune incidence coutumière, théologique, canonique sur le mariage pour que les « wazee wa kanisa » la réglementent à la manière des ayatollahs ou des Mullahs. Ce duel inhabituel n’a pas manqué de retenir l’attention des bubolais et bubolaises qui continuent de s’interroger sur les en-dessous de la barbe de la mariée. En effet, il faut dire que le sujet de la barbe des femmes est rarement à la une à Butembo. Cependant on trouve dans la tradition beniluberoise des propos de méfiance vis-à-vis des femmes barbues comme des hommes imberbes. Mais cette méfiance n’est pas pour autant une interdiction pour une femme de porter une barbe car ce n’est pas elle mais plutôt la nature qui décide. Ainsi pour échapper à la moquerie sociale, certaines femmes barbues se raseraient chaque jour pour tenter d’afficher un visage de femme sans barbe. Les hommes imberbes au contraire subissent socialement moins de reproche que les femmes, même si certaines personnes disent que les hommes imberbes souffriraient en silence de ne pas être en mesure d’en avoir ou de parler de barbe chez le coiffeur du coin, de peur de se faire remarquer. Dans tous les cas, il n’est pas interdit aux femmes de porter une barbe. Certaines en ont et en sont très fières même si certaines mauvaises langues voient en elles des hommes ratés.
La fierté de porter la barbe était la caractéristique de la fille protestante de Butembo dont nous taisons le nom pour des raisons déontologiques. Cette fille a grandi avec une ferme conviction que sa petite barbiche était un don de Dieu car elle est la seule dans sa famille à en avoir et que la couper serait un péché mortel. Elevée dans le rigorisme moral de ceux qu’on appelle habituellement les protestants de Katwa, cette dame à la barbe qui était aussi jolie, n’avait jamais voulu couper sa barbe malgré les conseils de ses paires, Pour cette dame de fer, Dieu avait une raison de la créer de manière spéciale avec une barbe. Certaines amies voulaient lui faire peur en lui disant qu’à cause de cette barbe, elle ne trouverait pas de mari. Mais pour elle, le fait de ne pas avoir de mari n’est pas un problème si telle est la volonté de Dieu. C’est ainsi qu’elle allait jusqu’à affirmer que couper sa barbe serait un péché mortel.
Arrivé à l’âge du mariage, notre amie barbue a rencontré au contraire plusieurs amants qui lui demandaient sa main. Elle en a accepté un qui n’avait pas non plus de problème avec sa barbe au centre de sa controverse avec les "wazee wa kanisa". Ces derniers ont en effet maintenu la pression sur la fille pour que sa barbe soit coupée avant le mariage qui a eu lieu le samedi passé 14 juillet 2007 à la paroisse protestante Francophone de Matanda, en ville de Butembo.
Faisant fi de tous les conseils dont elle n’avait que faire, la fiancée avait décidé de se préparer au jour – j de sa vie en faisant tailler sa barbe, don de Dieu son créateur, dans un des salons renommés de la place. Les wazee wa kanisa de leur côté, n’ont pas voulu s’avouer vaincu. Ils l’ont attendu au tournant, c’est-à-dire le jour de son mariage pour lui rappeler don devoir d’obéissance envers l’Eglise. La mariée s’est ainsi retrouvée devant le dilemme de suivre sa conscience ou suivre l’appel des « wazee wa kanisa ». L’occasion était bien trouvée pour la faire fléchir. Tout était prêt. Les amis étaient arrivés de partout pour être témoins de cette union par le mariage. Evaluant la gravite de son refus de se marier pour pouvoir garder son don de Dieu, la mariée avait lâché prise pour obtempéré à la décision des « wazee wa kanisa ». Elle avait finalement accepté de se faire couper sa barbe bien taillée et bien maquillée dans un salon de coiffure de la place a quelques heures seulement de la cérémonie religieuse du mariage. Le bras de fer avait duré plus de 24 heures pendant lesquelles des médiations par personnes interposées et par téléphone ont tenté de convaincre la mariée. Le coût de la médiation téléphonique s’élèverait à 500 Unités d’appels téléphoniques locaux.
Les témoins de cette controverse autour du port de la barbe par la femme le jour de son mariage, continuent à s’interroger sur le pourquoi de l’acharnement de « wazee wa kanisa » pour une histoire qui n’a rien à voir avec le sens profond du mariage qui est un engagement réciproque entre un homme et une femme de vivre dans l’amour et le respect mutuel jusqu’à ce que la mort les séparent. . Pourquoi la barbe de la mariée a –t-elle failli gâcher la fête ? Sachant que chasser la barbe est une peine perdue car elle revient le lendemain, tout le monde attend savoir ce que feront les « wazee wa kanisa » demain de la barbe de Madame X.
Chantal Katindila
Butembo
Beni-Lubero Online





