





Les conflits fonciers menacent d’embraser Beni-Lubero et en particulier la ville de Butembo. Après le quartier de Vutaryanga en commune de Bulengera c’est le tour du village de Nduko au Sud-Ouest de la ville de Butembo.
Le lundi 18 juillet 2011, les policiers lourdement armés accompagnés des enfants de la rue connue sous l’appellation de SHEGE, ont effectué une descente musculeuse à NDUKO pour y exécuter un jugement de déguerpissement forcé.
La population de Nduko saisie la veille de cette mission imminente de la police a fait une veillée d’armes pour en découdre avec la police et faire échouer l’opération de déguerpissement forcé. Le coup d’envoi de la résistance populaire a été la mise en feu de la résidence du chef terrien local à la base de ce que la population locale appelle monnayage de terrain à l’avantage du plus offrant.
Cela n’a pas suffit ! Rouge de colère, la population de Nduko est descendue dans les rues en direction du Tribunal de Grande Instance de Butembo pour demander à cor et à cri la révision du Jugement de déguerpissement forcé de NDUKO. La police a tenté de disperser la foule des manifestants avec des gaz lacrymogènes mais en vain. Au contraire, la population de Nduko a brûlé des pneus, et barricader les routes et les avenues dans plusieurs coins de la commune KIMEMI.
Devant cette population en furie, la police n’a pas pu exécuter la décision de déguerpissement. Depuis lors, pour ne pas baisser la garde, la population de Nduko passe la nuit à la belle étoile pour qu’elle ne soit pas prise au dépourvu par les démolisseurs de la Police. Nous avons fait un tour à Nduko, et nous avons vu de nos yeux les hommes armés d’armes blanches de toutes sortes surveillant toutes les entrées de la localité de Nduko.
Devant ce bras de fer, le Maire de ville a convoqué urgemment une réunion de sécurité pour trouver une solution. Le conseil de securité de la ville de Butembo a décrété que désormais aucun jugement de déguerpissement ne sera exécuté sans une consultation préalable de l’autorité urbaine.
La réaction du Président du Tribunal de Grande Instance de Butembo ne s’est pas faite attendre. Ce dernier a en effet, répondu comme un berger à la bergère, que la Justice est Indépendante, et que la seule façon de casser un jugement, c’est d’interjeter appel.
Qui a raison entre les deux ?
La bonne nouvelle est qu’on espère que le Maire de Ville va enfin dialoguer avec les organes de la justice de sa juridiction. Les observateurs espèrent que ce même dialogue s’étendra sur les autres organes de securité de la ville, à savoir la Police, l’ANR, l’armée nationale, dont les autorités urbaines, les bourgmestres disent hors micros, n’avoir aucune emprise sur elles car recevant tous les ordres de Goma ou de Kinshasa. Ce fossé entre les autorites urbaines et les organes de la justice et de la securité est le problème numéro un à résoudre pour restaurer la paix devenue une denrée rare dans ce coin martyr du pays.
Revenant sur le conflit foncier dans la région, il sied de rappeler que, jusqu’il n’y a pas très longtemps, pour être propriétaire d’une parcelle, il suffisait de donner la somme d’argent requise au chef terrien ou à un revendeur, recevoir un simple reçu de paiement pour jouir de sa parcelle ainsi dument achetée pendant des longues années. Plusieurs acquéreurs perdaient même le reçu de paiement mais n’avaient pas de problème. Ce qui était important, c’était la reconnaissance du chef terrien. Dans les milieux ruraux, une petite redevance annuelle ou ponctuelle quand le chef terrien est éprouvé ou dans le besoin, suffisait pour garder son lopin de terre comme vassal. Il est vrai qu’un vassal qui ne paie pas sa redevance annuelle, peut perdre la terre lui attribuée en location. Mais ceci n’est pas le cas dans le conflit de Nduko ou celui de Vutaryanga en ville de Butembo.
Depuis un certain temps, tout se modernise dans la ville et dans la région de Beni-Lubero, y compris la loi foncière. La terre qui appartenait jadis aux chefs terriens est selon la loi moderne une propriété de l’Etat (surtout ce qu’on appelle toute terre vacante). Pour être propriétaire d’une parcelle selon la loi moderne, il faut l’intervention du cadastre, de l’urbanisme, etc. Pour sceller son droit à la propriété pendant 25 ans renouvelables, il faut avoir un certificat d’enregistrement.
Profitant de cette modernisation, les chefs terriens qui n’avaient plus de terrain à vendre, exigent aux acheteurs d’il y a dix à vingt ans, des sommes d’argent supplémentaires pour conserver leurs parcelles. Et souvent ces sommes d’argent exigées, sont au-dessus de la bourse des anciens acheteurs. Le simple achat du lopin de terre ne suffit plus, car il faut s’adresser aussi aux services du cadastre pour le mesurage, le bornage, et faire la demande du certificat d’enregistrement, des opérations couteuses pour le commun des mortels.
Aujourd’hui, les demandeurs des terres à Beni-Lubero sont très nombreux mais aussi plus nantis que les premiers acheteurs. Ces riches demandeurs des terres ( et peut-être aussi demandeurs d’asile) collaborent avec la justice locale qui prête les instruments juridiques modernes aux chefs terriens. C’est ainsi que les déguerpissements injustes qui provoquent le courroux de la population victime sont souvent habillés de légalité.
Le problème est que la transition du droit foncier coutumier au droit foncier moderne n’a pas été bien négociée avec toutes les parties au conflit. Il aurait fallu qu’un problème sérieux de ce genre soit débattu en l’assemblée provinciale pour assurer une transition harmonieuse et pacifique vers le droit foncier moderne dans la région. Il y a comme un télescopage de deux droits. La conséquence est que chacune des parties croit avoir le droit de son côté. Il faut qu’on trouve un modus vivendi entre ces deux droits pour épargner la région d’une nouvelle guerre foncière pendant que la guerre des minerais fait encore rage. Les députés, représentants du peuple devraient se pencher sur cette question pour voter des nouvelles lois en cette matière. Les petits ne doivent pas être sacrifiés à l’autel des intérêts égoïstes des nantis qui croient tenir le bon bout du bâton. Les observateurs préviennent que la guerre foncière, si on la laisse se développer, risque d’être plus meurtrière que la guerre des minerais. En effet, dans la société paysanne, il n’y a pas de plus grand mal que d’être déposséder de sa terre, de sa parcelle. Sachant que, en dépit du boum des minerais dans la région, 80% de la population vivent de la terre. Laisser des mains inexpertes toucher à cette terre, c’est embraser la région d’un feu qui sera difficile à éteindre. Aux autorités de se ravisez avant qu’il ne soit trop tard ! Le dialogue entre le les autorités administratives, les chefs coutumiers, la société civile, les organes de la justice et de la police est un pas positif vers la résolution pacifique du conflit foncier dans la région.
Tembos Yotama
Butembo
©Beni-Lubero Online





