





CENTRE D’ETUDES JURIDIQUES APPLIQUEES (CEJA)
Programme d’observation des droits de l’homme
LA PACIFICATION MISE A L’EPREUVE DES FAITS DANS LE SUD DU TERRITOIRE DE LUBERO (Mars 2009)
Enquêtes effectuées par les chercheurs de CEJA avec l’appui financier de NED
Introduction
Les efforts de pacification de la province du Nord-Kivu amorcés par les opérations militaires conjointes rwando-congolaises contre les FDLR sont chaque jour remis en cause par les attaques contre la population civile et le regain d’activités des groupes armés à l’Est de la RDCongo. D’après les conclusions d’une récente mission d’observation du CEJA, les groupes armés étrangers, en particulier les FDLR, aussi bien que les Forces Armées de la RDCongo (FARDC) continuent à y faire régner un climat de terreur et de désolation caractérisé par des attaques contre les populations civiles et des violations des droits de l’homme.
Les opérations militaires conjointes contre les FDLR ont duré trente quatre jours et ont officiellement pris fin le 25 février 2009. A cette date, au cours des cérémonies de départ des militaires rwandais à Goma, le ministre congolais des affaires étrangère a affirmé que les opérations conjointes FARDC-RDF ont atteint leurs objectifs et au delà des attentes. Il en est de même du Président de la République qui, lors des cérémonies d’accueil des léopards locaux à Goma le 10 mars 2009, a déclaré que la RDCongo venait de gagner le pari de la paix à l’est du pays.
Ces affirmations semblent occulter la réalité quotidienne vécue par les populations civiles à l’est de la RDCongo en général et au sud du territoire de Lubero en particulier. En effet, dès le début des opérations conjointes FARDC-RDF, les FDLR ont multiplié des attaques de représailles contre les populations civiles. Les combattants des FDLR ont commis plusieurs violations des droits de l’homme au cours de ces attaques, dont les viols, les vols, les assassinats, la dévastation des champs, les arrestations arbitraires et illégales.
Les Forces Armées de la RDCongo agissent de la même manière que les FDLR. En effet, d’après un notable du sud du territoire de Lubero, « Dans leur façon de se comporter à l’égard des populations civiles, les militaires des FARDC ne sont pas différents des éléments des FDLR. En effet, les militaires congolais se rendent aussi coupables des violations des droits de l’homme sur les populations civiles. »
Lors des enquêtes effectuées par les chercheurs de CEJA, il a été constaté que les Forces Armées de la RDCongo, sous prétexte de pourchasser les FDLR, emportent le peu de biens qui restent aux populations après les pillages opérés par les FDLR. Les troupes des FARDC sont sensées traquer les FDLR avec l’appui de la MONUC. Mais leurs actions et leur comportement vis-à-vis de la population civile compromettent chaque jour davantage les efforts de la pacification de la province du Nord Kivu.
Ce rapport est le résultat des enquêtes effectuées par les chercheurs de CEJA dans le sud du territoire de Lubero du 15 au 29 mars 2009.
Avant de décrire la situation humanitaire dans le sud du territoire de Lubero, il s’avère utile de peintre le tableau sombre des violations des droits de l’homme perpétrées par les FDLR et les FARDC.
I. LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME PERPETREES PAR LES FDLR
Les opérations militaires de l’Armée Patriotique Rwandaise contre le régime du feu Juvénal Habyarimana ont déversé sur le sol congolais des milliers de réfugiés rwandais parmi lesquels figuraient les Interahamwe. Depuis 1994, ces derniers sont opérationnels dans les provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu où ils commettent les abus de droits de l’homme sur les populations civiles. La coalition des armées Rwandaises et congolaises n’a pas pu mettre fin aux activités des FDLR sur le territoire congolais. En effet, les FDLR reprennent les terrains laissés par la coalition FARDC-RDF et se rendent coupables des violations des droits de l’homme sur les populations civiles.
a) Les incendies de maisons et des biens
Les combattants FDLR ont accru des attaques indiscriminées contre la population civile avec l’annonce des opérations conjointes contre eux. Ils procèdent à l’incendie des villages et des biens. Le 12 février 2009, des combattants FDLR ont attaqué la station de radio FM de Kasugho appartenant à la Réserve des gorilles de la Taina, RGT en sigle, une association qui s’occupe des gorilles. Ils ont incendié tous les matériels de diffusion. Au cours de la nuit du 17 février 2009, des combattants FDLR ont attaqué le village de Luofu où ils ont mis le feu à six maisons appartenant aux villageois.
Dans la nuit du 9 au 10 mars 2009, les FDLR ont incendié les maisons de civiles dans les villages de Buleusa, Miriki, Kimaka, Lusogho, Mbughavinywa, Kanyatsi/Tama. Plus de 120 maisons ont été réduites en cendre. D’après les témoignages, les incendies des villages ont généralement lieu lors des affrontements entre les FARDC et les FDLR. Dans leur fuite, les éléments FDLR brûlent les maisons à leur passage.
Outre les incendies ci hauts énumérés, les FDLR brûlent aussi les véhicules après avoir pillé les biens des passagers. De janvier à février 2009, neuf cas de pillage et d’incendie des véhicules ont été identifiés sur le tronçon Butembo-Goma entre Kanyabayonga et Kitsumbiro. par les enquêteurs de CEJA.
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b) Les pillages des biens de la population
Les éléments FDLR pillent les biens de la population, ainsi que les animaux domestiques des paysans. Chaque fois qu’ils effectuent des incursions dans des villages, ils extorquent les ustensiles de cuisine et des biens comme les téléphones, et les bijoux. Ils emportent chèvres, moutons, porcs, poules et cobayes. Le 11 février 2009, par exemple, les FDLR ont chassé les habitants de Masika, Birira et Bitimba de leurs maisons au motif de préparer une attaque contre les FARDC. Après avoir sommé les paysans à s’éloigner de leurs villages, les éléments de FDLR en ont profité pour emporter tout ce qu’ils trouvaient de bons dans les maisons des populations civiles. Cette même situation a été vécue dans l’agglomération de Kaseghe en date du 13 février 2009. Vers minuit, les FDLR y ont attaqué les FARDC et lors des accrochages, les combattants FDLR pillaient les maisons des populations civiles.
Dans la nuit du 12 février 2009, prétextant être à la recherche du nommé K.P., vendeur dans une boutique leur appartenant, les combattants FDLR ont pillé les boutiques concurrentes dans la localité de Kasugho. Selon les déclarations des victimes de pillage, les FDLR ont emporté une somme totale de 5.800$ ainsi que plusieurs marchandises.
Dans la nuit du 15 au 16 mars 2009, le village de Butsorovya a été attaqué par des combattants FDLR qui ont pillé plus trente maisons. Dans la famille de M.K, ils ont emporté une somme de 205$, des habits et des téléphones portables. Quinze ménages de la cellule Mupira à Kirumba ont été victimes d’un pillage similaire de la part des FDLR dans la nuit du 28 février au 1er mars.
Hormis les habitations des civiles, les combattants FDLR attaquent aussi des fermes situées dans le sud du territoire de Lubero. Ils emportent le cheptel des fermes sous le regard impuissant des gardiens et des bouviers. Un notable du village de Mbingi a déclaré aux enquêteurs de CEJA que : « Les FDLR sont plus mauvais que les may may. Ils n’épargnent pas les fermes situées dans cette contrée de Mbingi. Ils emportent les vaches, les chèvres, les moutons,… dont une partie est mangée dans leur camp et une autre déversée sur le marché à Butembo. Il est vraiment étonnant voir les bouchers de Butembo venir acheter les animaux pillés par les FDLR. »
Le 17 février 2009, des miliciens FDLR ont fait irruption dans la ferme de M. K et ils ont pillé une dizaine des vaches et une vingtaine des chèvres et moutons.
c) Attaques contre les écoles et les lieux de culte
Le CEJA a également recueilli des témoignages sur les attaques perpétrées par les FDLR contre les écoles. Le ‘ mars, par exemple, des combattants FDLR ont brûlé le bureau de l’institut Vukala de Luofu où ils ont réduit en cendre tout le matériel didactique et les équipements et matériels de bureau de l’école.
Il sied de mentionner que les FDLR profanent aussi les lieux saints. Le dimanche 15 février, ils ont fait incursion dans une chapelle catholique de Kitsuku, paroisse de Mbingi, dans laquelle les chrétiens étaient réunis pour le culte dominical. Après avoir proféré des menaces au célébrant, ils ont fermé les portes de la chapelle. Ils ont maîtrisé toute l’assemblée et ont systématiquement fouillé tous les participants au culte. Ils ont emporté tout ce qu’ils trouvaient de bon sur les chrétiens (téléphones, argents, bijoux, chaînettes,…). Avant de s’évader dans la nature, ils ont ravi l’offrande du jour ainsi que les instruments de sonorisation qu’utilisait la chorale.
d) Les prises d’otage
Les FDLR procèdent aussi aux enlèvements des gardiens et de bouviers de fermes qu’ils prennent en otage. En date du 11 mars 2009, ils ont capturé quatre bouviers des fermes localisées aux environs du village de Mbingi. Ils les ont amenés dans leur camp de Miveya à quelques 15 km à l’ouest du village de Mbingi. Il s’agit de Kayenga Musavuli, Mumbere Sikalya, Kavusa Dimanche, Talyangoko. Selon une personne rescapée du camp de Miveya, les FDLR y détiennent plus de dix personnes en otage. Ils y subissent des tortures et y sont détenus en étant liés. Pour leur libération, les ravisseurs exigent par personne détenue une rançon de 5 vaches, une somme de 200$ ainsi qu’un panneau solaire. Certains des otages ont été libérés à cause de leur état de santé qui devenait de plus en plus précaire et ils étaient obligés de payer chacun un montant de 500$. Tel est le cas de Monsieur Kabuyaya Mutimavisa que les enquêteurs de CEJA ont rencontré à Lubero où il suivait les soins. Selon ce malade, « nous avons été attrapés par les FDLR qui ont fait irruption dans notre ferme. Ils étaient très nombreux et armés jusqu’aux dents. Ils nous ont maîtrisés et ligotés au bras. Ils sont partis avec nous jusqu’à leur camp de Miveya. C’est là qu’ils ont érigé leur quartier général. A notre arrivée, nous avions été sérieusement torturés et avons passé trois jours en ayant les bras fortement liés à tel enseigne que les cordes perforaient la peau du corps. Quand ils ont vu que mon état de santé s’empirait, ils m’ont libéré moyennant une rançon de 500$ »
e) Dévastation des champs des paysans
Les éléments FDLR se nourrissent des produits vivriers récoltés dans les champs des paysans. Les champs des populations civiles situés dans la contrée de Miveya ont été les plus dévastés par ces assaillants. En fait, nombreux ménages de Mbingi, Kaseghe et même de Kirumba cultivent des champs à Miveya. Actuellement le manioc, le haricot, le maïs sont déjà mûrs et près à la récolte, mais les FDLR empêchent aux paysans de récolter les produits de leurs champs et de jouir du produit de leur labeur, une situation qui risque de provoquer une insécurité alimentaire à Mbingi, Kirumba, Mambasa,…
f) Les exécutions extrajudiciaires
Le 17 mars 2009, le chef de la localité de Kanyatsi/Biramba, nommé Kambale Lukusi, a été tué à l’arme blanche par les FDLR qui l’avaient enlevé de son domicile le jour précédant. Il a été. Son corps a été retrouvé égorgé et poignardé au cœur aux environs de 10 heures. Il en a été de même du chef de localité de Kanyatsi/Tama du nom de Kambale Bakwamene. Il a été aussi tué par les FDLR en date du 18 mars 2009.
Ces actes d’assassinat des chefs coutumiers par les éléments FDLR dans la collectivité de Mbingi ont créé la panique chez les paysans. Ces derniers croient que les FDLR visent à fragiliser le pouvoir coutumier local pour s’emparer des terres des paysans.
Il s’avère utile de mentionner qu’en date du 19 février 2009, les éléments FDLR ont abattu à bout portant une femme répondant au nom de M.M et son fils de 9 mois. Les FDLR qui ont fait irruption dans sa maison à l’absence de son mari du nom de KY.KY ont exigé à la victime de leur préparer de la nourriture. Après avoir mangé, les assaillants ont emporté huit chèvres et des habits de cette famille avant de tirer sur la pauvre femme. La cartouche l’a percée à la poitrine et a atteint l’enfant qu’elle portait au dos.
Même s’il a été convenu que les FARDC appuyées par la MONUC vont continuer à traquer les éléments FDLR, il est constaté sur terrain que les forces régulières de la RDCongo se rendent aussi coupables des violations de droits de l’homme.
II. LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME PERPETREES PAR LES FARDC
Au lieu de poursuivre leurs missions de protection des civils, les militaires des FA RDC commettent des exactions sur les mêmes populations civiles.
Un des chefs coutumiers de Kanyabayonga a décrit la situation vécue dans cette contrée en ces termes, « Les exactions de toute sorte sont vécues à Kanyabayonga, Kirumba et Kayna. Celles ci sont l’œuvre des FARDC qui généralement commettent des abus des droits de l’homme après avoir été attaquées par les éléments FDLR. »
Selon ce même notable, « Les cités de Kanyabayonga, Kayna et Kirumba et leurs environs respectifs sont gardés par la 2ième brigade rapidement mixée. La moitié des troupes de cette brigade est constituée par les militaires de la 9ième brigade intégrée à laquelle l’on a ajouté les anciens militaires rebelles du CNDP ».
Les troupes de cette brigade sont aussi auteurs de cas de vols à main armée, des viols, des arrestations arbitraires, des assassinats, de vols de récoltes, ainsi que des pratiques d’esclavage contre les populations civiles.
a) Les vols à main armée
Les populations de cités de Kanyabayonga, Kayna, Kirumba se disent fatiguées de cas de vols à main armée perpétrés par les militaires des FARDC. Aucune nuit ne se passe sans qu’on ne signale un cas de vol.
Les militaires des FARDC pillent des dizaines de maisons dans des quartiers lorsqu’ils y fonts des incursions. Dans la nuit du 1er au 2 mars 2009, les militaires des FARDC ont systématiquement pillé douze maisons situées dans la cellule Bukyembi en cité de Kirumba. Ils ont emporté les habits, les ustensiles de cuisine, les téléphones, la nourriture crue (cossettes de manioc, haricot,…) et une somme totale de quarante huit dollars américains. La même situation a été vécue dans la cellule Kanyatsi dans la nuit du 4 au 5 mars 2009. Les militaires FARDC ont extorqué les biens et l’argent dans sept ménages aux environs d’une heure de matin. Au cours de cette même nuit, deux familles ont été visitées par les hommes armés et en tenue militaires. Ils ont ravi à ces familles des houes, des habits et des livres de la liturgie catholique.
En date un 11 mars 2009, les militaires FARD Congo ont fait irruption dans les maisons de M. T.K et de M. K.S. en cité de Kirumba. Les assaillants s’en étaient allés après leur avoir respectivement ravi les sommes de 60$ et 20$.
La localité de Kanyatsi/Tama a été pillée par les FARD Congo en date du 13 mars 2009. Au même moment qu’une partie des assaillants tiraient des coups de balles en l’air, d’autres procédaient à la fouille des cases des paysans. Ils emportaient tout ce qu’ils trouvaient bon dans les ménages visités. Actuellement, les paysans de cette localité ne savent plus à quel saint se vouer.
Dans la nuit du 23 au 24 février 2009, le quartier Mikundi de la cité de Kayna a été mis en sax par les hommes armés et vêtus en tenu militaire. Ils n’avaient rien épargné. Ils ont emporté les habits, les téléphones, les vivres crus,… Un passant (habit militaire) portant les mentions PM a été retrouvé dans l’une des parcelles pillées. Il y a lieu d’affirmer que les auteurs de ces pillages sont des militaires des forces armées de la RDCongo.
La même situation a été vécue dans la cellule Mukunungu/Kilalo dans la nuit du 23 au 24 février 2009. Plus de quarante maisons ont été victimes de vols à main armée. Les assaillants munis d’arme faisaient passer les canons de fusils à travers les fenêtres et exigeaient qu’on leur ouvre la porte. Plusieurs biens comme les habits, les téléphones, la nourriture crue ont été emportés par les malfrats. Cette même nuit, les militaires ont inquiété onze ménages dans la cellule Lukuka en cité de Kirumba. Ils étaient en quête de l’argent, de la nourriture crue.
La nuit du 22 au 23 février 2009 n’a pas été calme en cellule Kaghote à Kirumba. En fait, les hommes en tenue militaire et bien armés ont inquiété neuf ménages desquels ils ont emporté une somme de 200$ et beaucoup d’autres biens. Il en a été de même pour les habitants du village de Kanyandahi situé à 12 km de la cité de Kayna. En fait, dans la nuit du 13 au 14 mars 2009, cinq cases et un dépôt de vivres crus ont été mis en sac par les militaires des Forces armées de la RDCongo. D’après les informations recueillies sur terrain par les enquêteurs de CEJA, ils ont pu réunir une somme de 300$ et beaucoup d’autres biens dont la nourriture ont été emportés par ces inciviques. Un passant bleu a été retrouvé dans le dépôt pillé.
Dans la nuit du 25 au 26 mars 2009, la famille de M. K.E a été visitée par des militaires bien armés. Ces derniers ont tiré des balles en l’air lors de leur arrivée dans la parcelle de la victime. Ils ont su ravir à cette famille une somme de 384$, les habits, les téléphones des parents, … Les enquêteurs de CEJA ont retrouvé sept douilles de cartouche dans la parcelle.
b) Les viols et violences sexuelles
Les militaires de la 2ième brigade rapidement mixée ternissent l’image des Forces armées de la RDCongo en se rendant coupables d’abus de viol et de violences sexuelles à l’égard des femmes et des jeunes filles.
La contrée de Vusesha située à quelques 2 km de la cité de Kirumba est réputée par le nombre de cas de viol qui y sont enregistrés. Selon les déclarations d’un chef coutumier du lieu, « Nous enregistrons en moyenne 17 cas de viol par mois. A Vusesha, ces abus sont l’œuvre des militaires qui chassent les femmes de leurs champs en vue de récolter calmement produits de champs. En moyenne, une femme est violé chaque deux jour ».
Pour essayer de se protéger, les femmes se rendent au champ en groupe et travaillent leurs champs en groupe et en tour de rôle car nombreux cas de viol sont commis sur les femmes rencontrées au champ. Tel est le cas de trois femmes répondant respectivement au nom de K.S, M.M et J.W ont été violées en date du 25 mars 2009 par des militaires de la 2ième brigade rapidement mixée. Le CEJA détient l’identité de ces militaires qui en date du 26 mars 2009 étaient détenus au camp militaire du colonel Mudahunga. Au cours du mois de février 2009, 23 cas de viol ont été enregistrés dans l’agglomération de Kamandi. Parmi les victimes l’on comptait 8 hommes qui ont subi la bestialité de la part des éléments des forces armées de la RDCongo.
c) L’esclavage
Les populations sont soumises à des formes diverses d’esclavage. Elles sont utilisées par des militaires pour transporter les objets pillés ou leurs biens lorsqu’ils se déplacent d’un camp à un autre. Ces cas sont fréquents dans les tronçons Kamandi-Kirumba, Kamandi-Kanyabayonga, Luofu-Kirumba,…
En guise d’exemple, M. K.V qui dans la nuit du 12 au 13 février 2009 a été arrêté par les militaires qui venaient de piller le village de Kasugho. Du ménage de K.K, fermier à Kasugho, ils ont emporté une somme de 95$, une paire de botte ne caoutchouc, les habits, les téléphones, 4 poules, et 2 chèvres ainsi qu’un petit groupe électrogène de marque tiger. Les pilleurs en tenue militaire et armés des fusils ont exigé la victime a transporté le groupe électrogène, les poules ainsi que la paire de bottes. Toute la nuit, il a conduit les chèvres pillées à destination d’un camp militaire où elles ont été égorgées pour servir de nourriture aux occupants du camp.
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d) Les assassinats
Les populations civiles sont aussi victimes des assassinats de la part des forces armées de la RDCongo. A Kasiki, les deux hommes répondant au nom de J.B et G.M ont été tués par balle en date du 11 mars 2009. Leurs corps criblés de balles ont été respectivement retrouvés en pleine route à Kasiki et Kiyiri.
Au cour du même jour, et aux environs de 16 heures, trois personnes répondant au nom de S.M, M.V, M.A ont été criblés de balles tirées par les militaires des Forces armées da la RDCongo qui pillaient la localité de Mbughavinywa. Un jeune garçon répondant au nom de J.M.B., âgé de 23 ans a rencontré les militaires en mi chemin quand il quittait Luofu pour se rendre à Kirumba. Les militaires l’ont ravi sa chemise et l’ont ligoté et obligé de rebrousser le chemin. Lors de ce retour forcé à Luofu, la victime a été fouillée et les militaires lui ont extorqué une somme de 160$ et l’ont criblé des balles à la jambe droite. La victime a rendu l’âme onze jours après à l’hôpital de Kayna où il suivait les soins.
e) La dévastation des champs des paysans
A l’instar des FDLR, les militaires des forces armées de la RDCongo récoltent les produits vivriers déjà mûrs. Ils sillonnent les champs situés aux alentours de leurs camps militaires. Les populations sont chassées de leurs champs par les militaires lorsqu’elles veulent s’approvisionner en produits vivriers. En date du 25 mars 2009, les militaires des Forces armées de la RDCongo de la brigade rapidement mixée ont récolté le manioc, le haricot dans les champs des paysans situés à Kyahulwa, à quelques 2 km de Kirumba. En pleine journée, les malfrats ont fait fuir les paysans de leurs champs en tirant des balles en l’air. Les paysans rencontrés en cours de route par ces dévastateurs de champs ont été sommé à transporter les cossettes de manioc, les haricots jusqu’au camp militaire de Kirumba. La même situation s’est aussi reproduite en date du 28 mars 2009 dans cette contrée. Les paysans ont rencontré les militaires entrain de récolter leurs produits vivriers. Les paysans ont été obligés de rebrousser le chemin de peur d’être utilisés comme transporteurs de produits récoltés.
f) Les tracasseries militaires
Les éléments de la 2ième brigade rapidement mixée se rendent aussi coupables des tracasseries routières. Ils se tiennent dans les rues moins fréquentées des cités de Kanyabayonga, Kayna et Kirumba pour y procéder à l’extorsion des l’argent, montres, téléphones,… Ces abus s’amplifient généralement le jour de marché. En guise d’illustration, le 24 février 2009, monsieur K.K a été victime de tracasserie des militaires dont l’identité a été révélée aux enquêteurs de CEJA. Ils lui ont extorqué la somme de 15$ et 300FC après l’avoir torturé.
III. LA SITUATION HUMANITAIRE DANS LE SUD DU TERRITOIRE DE LUBERO
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La situation humanitaire dans le sud de Lubero est alarmante. En fait, la population locale est empêchée de récolter les produits mûrs de ses champs. La plupart des champs de paysans de Mbingi, Kaseghe, Kirumba et ses environs sont situés à Miveya. Miveya, située à une dizaine de km du village de Mbingi est une vaste contrée très fertile qui actuellement est occupée par les éléments FDLR.
Nul n’ignore que la population du sud du territoire de Lubero vit de l’agriculture. La dévastation des champs des paysans par les FDLR et les forces armées de la RDCongo risque de vouer les populations de cette partie du territoire national à la misère. L’on craint qu’une insécurité alimentaire ne s’installe dans le milieu suite à l’insécurité créée par les forces militaires ci haut citées.
En date du 26 mars 2009, la cité de Kanyabayonga hébergeait des déplacés dont le nombre s’élevait à 345 ménages venant de Miriki, Lusamambo, Kanyatsi, Kasika.
Les déplacés sont logés dans des familles d’accueil. La nourriture devient de plus en plus rare dans cette contrée de Kanyabayonga, Kirumba et Kayna. Il en est de même de l’eau potable. Les ONG internationales essaient de fournir de l’eau potable aux populations de la cité de Kanyabayonga. La quantité d’eau offerte est encore insuffisante car les déplacés sont très nombreux et se bousculent devant la borne fontaine pour en avoir.
Comme décrit dans les lignes qui précèdent, les incendies des maisons ont poussé les populations à passer la nuit à la belle étoile. Pendant cette saison pluvieuse, les sans abris sont exposés aux maladies respiratoires. Aucune organisation non gouvernementale n’est venu en aide aux sans abris en leur fournissant des tentes. Les populations de sud du territoire de Lubero.
Néanmoins, les victimes de viol sont prises en charge médicale par les organismes comme Heal Africa, Croix rouge internationale,…
IV. LA REACTION DES AUTORITES LOCALES
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Les autorités administratives du sud du territoire de Lubero ne savent pas à quel saint se vouer. Malgré les rapports qu’elles transmettent à leur hiérarchie, aucune mesure n’a jamais été prise par les destinataires de différents rapports.
Il règne une impunité totale dans cette contrée où les hommes en arme se rendent coupables des violations des droits de l’homme. Les trois militaires auteurs de viol sur trois femmes ont été remis à leur chef du nom de colonel Mudahunga. Jusqu’en date du 27 mars de cette année en cours, aucune démarche n’a jamais été déclenchée pour traduire ces militaires en justice. Il en est de même des militaires qui volent les biens de la population et les produits vivriers des champs de paysans. Les responsables militaires justifient ce comportement de leurs compagnons d’arme par le non paiement des salaires. En fait, il semblerait que les militaires qui sont dans le sud du territoire viennent d’enregistrer trois mois d’impayé de salaires. Abandonnés à leur triste sort, ils se débrouillent tant bien que mal pour manger, se vêtir,…Au lieu de réclamer leur droit, ils s’apprennent à la population civile.
La passivité des autorités militaires suscite des questions troublantes sur la maîtrise des éléments sous leur contrôle. En fait, l’armée est un des corps dont la discipline et l’obéissance au chef sont de mise.
Pour essayer de soulager les souffrances des victimes de pillage, les chefs de cités essaient de récupérer certains biens volés par les militaires. Dans le bureau de l’un des autorités administratives du milieu, les enquêteurs de CEJA ont pu voir les biens qu’il restitue aux propriétaires dès qu’ils viennent avec des preuves que les biens leur appartenaient.
V. RECOMMANDATIONS
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A l’heure actuelle, le processus de pacification de l’est de la RDCongo est mis à l’épreuve par les FDLR et les forces armées de la RDCongo. En fait, les deux forces sont auteurs de violations de droits de l’homme sur les populations civiles. Les agissements des FDLR et des Forces armées de la RDCongo hypothèquent la paix dans le sud du territoire de Lubero. Les cités et les villages du sud du territoire de Lubero vivent une situation de guerre où la population civile constituerait la cible de ces deux forces.
Les abus dont les populations civiles sont victimes constitueraient une forme de pression sur les autorités pour que celles ci payent le salaire des militaires, a déclaré un militaire rencontré lors des enquêtes. Cette façon de réclamer est dénouée de tout fondement. En fait, il serait mieux que les militaires mènent des actions légalement reconnues pour exprimer leur mécontentement face à cette situation de non paiement de salaire.
Aussi, faut-il mentionner qu’il est anormal d’annoncer le retour de la paix dans le sud du territoire de Lubero alors que les populations civiles vivent le calvaire. Même si certaines langues considèrent les souffrances actuelles de la population dans le sud du territoire de Lubero comme « les effets collatéraux » des opérations conjointes FARDC et RDF, il y a lieu de se poser des questions sur l’efficacité de ces opérations militaires. A l’heure actuelle, il serait naïf de croire que dans un espace d’un mois, l’on peut mettre fin au phénomène FDLR dans le Kivu.
Le CEJA estime que l’éradication des groupes armés étrangers sur le sol congolais doit passer par
– Le paiement des salaires réguliers et décents aux militaires des Forces armées de la RDCongo,
– La bonne préparation des opérations d’identification et de localisation des FDLR,
– L’équipement de l’armée congolaise en arme et munition pour lui permettre d’anéantir la force de nuisance des FDLR,
– La promesse de gratifier les militaires des FARDC qui grâce à leur engagement dans la traque des FDLR mettront fin à leur présence au Congo,
La situation des droits de l’homme dans le sud du territoire de Luberon inquiète plus d’une personne. Dans le souci de créer un climat de paix où les droits de l’homme seront respectés, le CEJA formule les recommandations ci-après :
a) Au gouvernement.
– Payer des salaires réguliers et décents aux militaires des Forces armées de la RDCongo ;
– Former une armée réellement républicaine capable de protéger les populations civiles et leurs biens et d’assurer l’intégrité du territoire national,
– Initier des poursuites judiciaires à l’endroit des militaires qui se seraient rendus coupables des violations de droits de l’homme,
– Organiser des inspections de casernes de militaires en vue de se rendre compte de leur comportement à l’égard de la population civile ;
b) A la cour d’ordre militaire.
– Organiser des chambres foraines à Kanyabayonga pour lutter contre l’impunité qui a longtemps sévi dans cette contrée,
c) Aux organisations de droits de l’homme.
– Documenter et dénoncer les abus des droits de l’homme commis sur les populations civiles dans le sud du territoire de Lubero,
– Faciliter à la cour d’ordre militaire de tenir des chambres foraines à Kanyabayonga où se retrouve un bon nombre des cas d’abus de droits de l’homme dont les auteurs sont les militaires des FARDC,
d) A la communauté internationale.
– Amener le régime de Kigali à organiser un dialogue inter-rwandais dont l’issu serait le retour pacifique des FDLR et d’autres réfugiés au Rwanda.
Fait à Butembo, le 30 mars 2009
Le CEJA
Quelques images
Les douilles retrouvées dans une des maisons pillées à Kanyabayonga
Les vélos et autres biens récupérés par le chef de cité de Kanyabayonga
Les déplacés de Kanyabayonga entrain de se disputer de l’eau
Cet homme a été enlevé par les FDLR et ces bras ont été torturés, il suie les soins à Lubero
Les décombres du bureau de la chefferie de Mbingi détruite lors des affrontements entre les FARDC et les FDLR.
Mis en ligne par Beni-Lubero Online





