





Protestations, boycotts, dénonciations, précédent la tenue de la conférence dite de paix et de développement du Kivu, prévue pour ce dimanche 6 janvier 2008 à Goma. Cette désapprobation qui émane globalement de la société civile est à apprécier à sa juste valeur car elle exprime les préoccupations profondes des populations autochtones du Kivu qui considèrent Nkunda comme un "diable". De ce fait, il ne mérite pas d’être considéré comme un "invité spécial" à cette conférence après avoir fait tuer et jeter sur des routes des milliers des compatriotes.
En même temps, il serait irréaliste de ne pas profiter de cette occasion pour lui dire certaines vérités sur ses exigences, quel que soit le résultat de la rencontre. Rappelons qu’il vaut mieux une mauvaise rencontre pour la paix que rien du tout. Il ne serait pas mal venu de lui rappeler que s’il était un vrai congolais, il ne prétendrait pas mener une guerre au nom d’une ethnie dite des tutsi congolais qu’il estime menacés par les FDLR et par ailleurs discriminés par les congolais. Les représentants de la société civile devront lui dire que cette revendication n’est pas sincère de sa part car elle est celle du régime de Kigali qui l’a brandie, depuis 1997 pour occuper le Kivu.
Autrement dit, il ne serait plus un secret pour personne que Nkunda est le bras armé de Kagamé au Kivu pour non seulement poursuivre les hutu et exploiter au passage, les ressources naturelles de la RDC. Ses motivations déclarées ne se justifient pas à première vue au regard de la mosaïque d’ethnies que compose le peuple congolais, dont la plupart sont pacifiques et qui n’ont jamais été autant servies en postes de responsabilités comme les tutsi. On ne parlera jamais assez de Bisengimana, le tout puissant directeur de cabinet de Mobutu qui avait rang de premier ministre et qui a fait le lit des Nkunda et autres Ruberwa dans ses tentatives d’octroyer la nationalité collective en 1972, aux sujets rwandophones (tutsi) de l’époque, fussent-ils réfugiés rwandais.
Ce qui démontre davantage que la " congolité" de Nkunda pose problème et celui de son ethnie, est qu’il revendique un territoire propre, c’est-à-dire, un territoire qui n’a jamais existé et qui n’a jamais été occupé par cette population en cours de création, les " banyamulenge". Un congolais digne de ce nom, ne peut pas prendre les armes pour demander son village, son territoire d’origine. Il serait facile de demander Minembwe mains armées avant de se conformer à la législation congolaise relative à la citoyenneté, bien que peu appliquée.
Bien plus, alors qu’il prétend lutter contre les hutu rwandais, Nkundabatware demanderait dans l’une de ses revendications, l’octroi d’une partie du Nord-Kivu aux congolais d’origine rwandaise, à savoir, le Masisi aux hutu rwandais et le Rutshuru aux tutsi rwandais, ces réfugiés dont il parle et qui doivent rentrer en RDC. Versant dans la diversion, il exigerait par ailleurs le retour de Jean Pierre Bemba de son exil au Portugal dont on s’explique difficilement le rapport avec son projet.
Il y a donc de la matière et il ne serait pas moins avantageux d’en discuter franchement en profitant de cette trêve fragile qui intervient après une déroute des Fardc, il faut le reconnaître tout en le déplorant, sur le front de Mushake. Les bilans macabres qui circulent dans certains milieux et sur les sites de responsables politiques opposés au régime de Kinshasa, n’hésitent pas de parler d’au moins 6 000 morts et de 2 500 blessés dans les rangs de des Fardc. Bilan non confirmé par des sources indépendantes.
Si l’avantage de cette réunion pourrait être celui de mettre face à face les bourreaux et les victimes, il serait intéressant d’y inviter aussi les commanditaires ou leurs représentants, nous citons les représentants du gouvernement de Kigali et dans une moindre mesure ceux de Kampala, ceux de Kinshasa ayant déjà fait le déplacement. Car, si les rencontres diplomatiques de Nkurdoto (Tanzanie) et dernièrement celle d’Addis-Abeba, tenues sous l’égide de la fameuse "tripartite plus" pilotée par les Usa et l’Onu, ne semblent avoir rien donné, c’est aussi parce que les congolais y sont toujours allés en position de faiblesse et n’ont jamais eu le courage de dénoncer quoi que ce soit. Le Rwanda s’y présente toujours comme cible potentielle des interahamwe hébergés par le gouvernement congolais. Un autre élément non moins important est que Kampala et Kigali exercent une sorte de condescendance vis-à-vis des dirigeants congolais dans la mesure où certains responsables politiques congolais et non les moindres, ont d’abord eu la bénédiction de ces deux capitales avant d’obtenir le pouvoir au Congo. On peut nous rétorquer de faire une analyse rétrospective de la situation, la réalité le démontre chaque jour. Tel est le cas du dossier de l’exploitation du pétrole découvert dans la province orientale de la RDC, dans lequel Kampala s’est imposée en proposant une exploitation conjointe au gouvernement congolais et en imposant les partenaires extérieurs de son choix à ce projet. Le fameux bureau Congo implanté à Kigali décide de qui peut ou non investir en RDC, tant que le Rwanda y entretient de l’insécurité et y organise un important trafic d’armes, un marché qu’il contrôle volontiers, l’embargo sur la RDC pour l’acquisition des armes n’ayant pas été totalement levé.
Face à cette situation d’instabilité qui dure depuis bientôt 10 ans, Kabila doit dire la vérité aux Congolais et surtout aux Kivutiens aux risques de le qualifier de complice. Et cette conférence de Goma nous paraît comme une opportunité à ne pas rater pour qu’il s’explique sur le non exécution du mandat d’arrêt contre Nkunda qui est resté lettre morte, les ratés de la guerre du Kivu. Il doit répondre à la question de savoir pourquoi les Fardc n’ont jamais réussi à chasser Nkunda et ses tueurs, pourquoi à chaque fois que les forces gouvernementales sont sur le point d’acculer Nkunda dans ses derniers retranchements, il remplace les commandants les plus déterminés et ordonne des replis. Le dernier exemple en date c’est le front de Mushake où les positions précédentes gagnées de haute lutte par les Fardc ont été reprises par les forces du CNDP après une consigne de repli qui serait donnée par un certain Tango Fort, chef d’Etat-major de l’armée de terre de la RDC. Les populations de Bukavu et de Goma n’ont pas non plus oublié les relèvements précipités du général Mbuza Mabe dont le courage dans la lutte contre Nkunda a fait la différence dans toutes les expéditions du Kivu.
En outre, le président Kabila ne doit pas oublier qu’il doit beaucoup au peuple du Kivu qui l’a élu massivement sur le thème de la paix et qu’aujourd’hui la paix n’a jamais été autant menacée qu’avant les élections. Et cette conférence sur la paix n’est pas un cadeau qu’il offre à la population du Kivu comme l’a laissé entendre son ministre de l’intérieur, Denis Kalume Numbi. Phrase maladroite et irresponsable qui ne pouvait pas se dire, surtout en temps de guerre, de la part d’un responsable de la sécurité intérieure. La paix c’est un droit qui doit être assuré aux citoyens par les animateurs des institutions. Si personne ne connaît très bien le contenu de cinq chantiers de Kabila, on peut aisément s’imaginer qu’il ne pourra jamais les exécuter sans une paix durable, si ce n’est, pour un dirigeant responsable, le chantier le plus important.
Quant aux congolais en général et aux Kivutiens en particulier, et surtout ceux qui vont participer à cette conférence, ils doivent assumer leurs responsabilités. Ils doivent tenir compte de tous ces mémorandums de protestation. Néanmoins, si tous ceux qui contestent l’opportunité de ces assises pouvaient s’unir, mobiliser la population de Goma et au besoin encercler les lieux, pour maintenir la pression sur cette conférence pour que les protagonistes en sortent avec le ferme engagement de signer la paix tout de suite, leur position serait noble.
Meilleures seraient encore des propositions concrètes susceptibles de contraindre Nkundabatware à déposer les armes ou à l’arrêter carrément. Mais l’évidence est qu’il est armé, qu’il vient de gagner une victoire à Mushake. Une certaine presse a même écrit qu’il serait désormais fréquentable, que ce rebelle qui a évolué à Kitchanga serait politiquement et tactiquement plus habile que Kabila Joseph. Ce qui ne signifie pas qu’il est invincible.
De là, trois attitudes à adopter. Soit on se joint à la lutte armée organisée par le gouvernement, soit on estime qu’il y a suffisamment de trahisons à Kinshasa et qu’on ouvre de nouvelles hostilités susceptibles de chasser et Nkunda et Kabila, en se donnant les moyens et des leaders dignes de ce nom. Ou alors, on s’implique dans le processus de paix en prenant le mal en patience et en faisant preuve d’intégrité face à la corruption ambiante déjà dénoncée à Goma. Il ne faut surtout pas se méprendre face à l’opinion internationale qui ne cautionne souvent que les victoires.
Et l’histoire est impitoyable en matière de guerre car elle retient que le vaincu est toujours celui qui a mérité de l’être, même dans le cas d’une agression où il succombe sous la coalition de plusieurs Etats ambitieux. La défaite est toujours considérée comme le stigmate de la corruption, de la paresse et de l’immoralité. Et l’image du Congolais n’est pas des plus reluisantes à l’extérieur et on lui accorde de moins en moins la parole dans certaines assemblées, à quelques exceptions près.
Enfin, les Kivutiens doivent savoir que la guerre qui leur est menée par les rwandais a déjà été justifiée auprès de l’opinion internationale par les médias et des lobbies très intéressés. Le dernier film diffusé par "Arte"(la télé franco-allemande) sur le prix de la paix en RDC est éloquent. Tous les ennemis de la RDC, font apparaître ce pays dans toutes les rencontres internationales publiques ou secrètes, comme un territoire inexploité, laissé en friche, et ses habitants comme indignes de l’occuper. Et l’on hésite pas à exhumer les vieilles théories qui ont présidé à la colonisation du genre," lorsqu’un peuple trop peu évolué, possède un pays, recelant des matières premières qu’il n’exploite pas ou qu’il ne produit pas, ce peuple lèse l’humanité et qu’il y a lieu de le soumettre à la tutelle d’un peuple plus évolué, capable de les exploiter ou de les produire". C’est l’un des fondements de la guerre oubliée en RDC car on en parle de moins en moins et n’émeut plus grand monde malgré les cris déchirants des victimes des viols et autres déplacés. Si ce genre de considération ne peut pas révolter un congolais fier de l’être et surtout un Kivutiens, qui voit de belles routes asphaltées et de beaux immeubles qui se font construire à Kampala et à Kigali, grâce à l’or et au coltan pillés en RDC, alors qu’il n’a que de nids de poules sur les routes de sa riche province, sa passivité serait complice.
A Goma donc, halte à la corruption et place au courage et à la vérité, même si les diplomates disent souvent que les conclusions des conférences et négociations ne sont que des "chiffons de papier". Ayez tout de même à l’esprit que la guerre reste le dernier recours même si elle rend son verdict en désignant le vainqueur, en indiquant à sa manière, de quel côté se trouvait le droit. Les Congolais et les Kivutiens en particulier ont le choix, celui d’une paix durable qui coûtera très cher.
Faustin MBUSA KAHUNDIRA
Rennes /France
Beni-Lubero Online





