





40 jours après la mort de Mwami Sulemani Kalemire II, les lignages de la famille royale des Bashu (ou Vasukali), en Territoire de Beni, se disputent encore la succession au trône. Rappelons que Mwami Sulemani était décédé à Goma en date du 22 Octobre 2008 et enterré le samedi le 25 octobre 2008 au cimetière royal de Mutendero-Isale.

Feu Mwami Sulemani au Micro accuellant une délégation de la Banque Mondiale
La présentation du successeur au trône des Bashu était prévue au programme de la commémoration du 40 ième jour du décès de Mwami Sulemani, une commémoration qui a eu lieu à Vuhovi en la résidence officielle du chef de collectivité des Bashu, le samedi 6 décembre 2008.

Célébration du 40 ième jour du décès de Mwami Sulemani à Vuhovi
Au centre de la dispute se trouve différentes interprétations du droit de succession chez les Bashu ou tout simplement une tentative d’usurpation du pouvoir ancestral Bashu par les descendants des lignages royaux. D’où la question que plusieurs vasukali se posent aujourd’hui : Qui doit être chef de la Collectivité des Bashu ?
Les Bashu qu’on appelle aussi ou « Vasukali » sont communément reconnus comme les premiers Nande qui se sont installés au Nord-Kivu au cours d’un des mouvements migratoires des Bantu du Soudan vers l’Afrique Centrale. Les points de vue des historiens sont encore divergents sur le nombre et les dates des migrations Nande au Nord-Kivu.
Pour en savoir un peu plus à partir d’une personne ressource, nous avons interrogé un membre de la famille royale, Son Excellence Balikwisha Juma, Actuel Ministre Provincial des Mines et fils de feu Mwami Sulemani.

Son Excellence Balikwisha Juma, Ministre Provincial des Mines
Voici, d’après le Ministre Balikwisha Juma, ce que les chefs Bashu transmettent oralement à leurs descendants de génération à génération :
« Le premier Musukali arrivé à Beni-Lubero fut MAHERERE. Ce dernier s’était installé à Masambo entre Lume et Kasindi, Secteur de Ruwenzori, Territoire de Beni. Maherere a donné naissance à KAVANGO. Kavango est parti de Masambo pour s’installer sur le flanc du Mont Mughulungu, dans l’actuel secteur des Bashu, avant de déménager jusqu’à Mutendero où se trouve jusqu’à nos jours le siège coutumier des Bashu. [NDLR : Une autre version donne MUHIYI (un chasseur de gibier) comme le premier Nande qui a traversé la rivière Semuliki sur le dos du dragon pour s’installer temporairement sur le flanc du Mont Mughulungu avant de s’établir définitivement à Vitungwe, chef-lieu du groupement Bunyuka]
Kavango a donné naissance à MUKUNYU, Celui-ci a donné naissance à Luvango et Luvango a donné naissance à MUHUYU. Muhuyu a donné naissance à trois enfants : VYAVU, LUSENGE et KASUMBAKALI
Avant sa mort, Muhuyu a procédé au partage du pouvoir ancestral des Bashu de la manière suivante :
– VYAVU avait été responsabilisé comme « Mutavali » c’est-à-dire celui qui règne,
– LUSENGE avait été responsabilisé comme « gardien de la défense ou « ow’engavo » ou « muhani » ,
– KASUMBAKALI avait été responsabilisé comme « Ow’ekyaghanda » ou gardien de la coutume ou coutumier. »
Le partage du pouvoir ancestral suivant les lignages ci-haut identifiés s’est transmis de génération à génération jusqu’à nos jours. On découvre que les Lusenge et les Kasumbakali dont on a besoin aujourd’hui n’assument plus leur rôle, certainement depuis que le pouvoir moderne a réduit le pouvoir coutumier en une seule catégorie, notamment celle de Vatavali. Malgré cela, chaquefois qu’il y a désignation d’un successeur, la référence serait toujours la subdivision tripartite de l’ancestre Muhuyu. Celui qui règne chez les Bashu soit le Mutavali a toujours été du lignage VYAVU. Dans la dispute actuelle, et contrairement à la coutume ci-dessus, des Lusenge et Kasumbakali veulent aussi devenir chefs de la collectivité des Bashu. Nos efforts pour avoir l’interpretation du droit ancestral des Bashu par des Lusenge et des Kasumbakali ont été vains.
Voici les Vyavu ont présenté leur généalogie pour avancer leur cause: Vyavu engendra Patanguli, Patanguli engendra Vyalemene appelé aussi Kalemire (Juma Kalemire Kavango II), Kalemire engendra Sulemani (le dernier Mwami décédé) et Sulaiti qui est encore en vie.
Les Vyavu brandissent la tradition orale et la généalogie de leur lignage pour mettre fin aux ambitions des Lusenge et de Kasumbakali. D’après certains membres du lignage Vyavu, le trône laissé vacant par la mort de Mwami Sulemani reviendrait de jure à son jeune frère SULAITI né le 17 Juin 1963 et père de deux enfants. Au cas où ce dernier ne serait pas disponible, le règne reviendrait au fils ainé de Sulemani.

Frère cadet du Feu Mwami Kalemire Kavangu
Cette dispute sur le droit à la succession au trône des Bashu, a conduit les prétendants des trois lignages de la famille royale à faire recours au gouverneur du Nord-Kivu, Son Excellence Julien Paluku Kahongya.
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Mwami Abassi Patanguli, Ancien du Groupement Vulambo jusqu’à 2005
Certains observateurs trouvent ce recours au pouvoir moderne inapproprié pour la résolution d’un conflit coutumier. En effet, on peut se demander ce que le Gouverneur Julien Kahongya connait de cette tradition des Bashu qui reste orale jusqu’à nos jours. Pour résoudre ce conflit d’interprétation du droit coutumier Bashu, le gouverneur a mis sur pied une commission d’arbitrage qui étudiera les différentes requêtes, consultera les sages Bashu et les historiens spécialistes des Bashu, pour remettre chacun dans son droit et choisir sans tarder un successeur au trône des Bashu. Les temps sont mauvais dans la province pour qu’un clan reste sans mutavali, lusenge, et Kasumbakali. La population Bashu voudrait voir chaque lignage recouvrer ses fonctions ou attributions coutumières propres. Pendant le règne précédent pendant lequel la collectivite des Bashu a été tour a tour occupe par des rwandais, des ougandais, des Hema, la population aurait voulu voir les Lusenge et les Kasumbakali à l’œuvre.

La Cité de Vulambo, Chef-lieu du Groupement Isale-Bulambo
Les membres de la commission d’arbitrage à qui reviennent la grave décision de succession au trône des Bashu, sont attendus à Vuhovi en provenance de Goma le samedi 13 décembre 2008. L’opinion générale voudrait que la commission d’arbitrage résolve le conflit en appliquant la tradition Bashu telle que décrite ci-dessus. Aussi, pour prévenir le même conflit d’interprétation dans l’avenir, serait-il mieux de faire mettre par écrit cette tradition pour large diffusion et pour que nul n’en ignore. Même si les traditions écrites ont aussi besoin d’interprétation, au moins elles peuvent permettre une médiation plus objective et plus efficace pour détecter les tentatives d’usurpation par les plus habiles.
Juvénal Paluku
Bulambo-Isale
Beni-Lubero Online





