





Depuis septembre 2008, quand Nkunda tentait de marcher sur Goma, la population congolaise du Nord-Kivu, notamment celle des Territoires de Rutshuru, Masisi, et Walikale avait dénoncé un afflux massif des rwandais au Nord-Kivu. Au début de l’année 2010, la population du Secteur Ruwenzori en Territoire de Beni avait dénoncé l’infiltration clandestine des étrangers armés non autrement identifiés au pied du Mont Ruwenzori, notamment les localités de Mutwanga, Batalinge, Bundibujo, Kainama, Mamundioma, Eringeti, etc. Depuis Décembre 2010, on a vu arriver des rwandais au Sud du Territoire de Lubero dans les localités de Kanyabayonga, KIRUMBA, LUOFU et MIRIKI.
Camp des retournés rwandais de Luofu au Sud de Lubero
Ces infiltrations étaient facilitées par les frontières gardées par des forces de securité issues du CNDP, un mouvement rebelle d’obédience rwandaise. Aujourd’hui, le commandement militaire de toutes les villes et cités de la région est passé entièrement entre les mains des officiers issus du CNDP (cas du Colonel BISAMAZA, Commandant Secteur 11 de Beni-Lubero ; Colonel Eric Ruhorimbere, Commandant du Secteur Beni) voire du PARECO (cas du Colonel MUGABO du 801 régiment base à Beni). La douane, la DGM, les affaires foncières ainsi que tous les services de securité sont passés progressivement entre les mains des officiers rwandais du CNDP ! Dans ces conditions, la population a vu les retournés qui s’appellent sous divers noms tels Hutu-Nande », « retournés du Rwanda », « refugiés congolais du Rwanda et de l’Ouganda », « rwandophones », ou » rwandais » tout court arrivés la nuit comme jour tantôt dans des camions FUSO, tantôt dans les bus venant de Goma, tantôt à pieds, etc. A Luofu, des agents du HCR auraient accompagné certains convois de ces retournés. Plusieurs ONG internationales dépendant de l’ONU sont encore visibles aujourd’hui entrain de construire des écoles, salles polyvalentes, maisons d’habitation dans des endroits inhabités tels KUDUKUDU, ABIALOSE en Territoire de Beni en guise de préparation de ce qu’elles appellent retour des retournés. Les constructions des maisons dans des endroits inhabités ou des endroits qui n’ont jamais connu de phénomène des déplacés renforcent au sein de la population locale le soupçon d’une occupation en cours.
Depuis le début de ces infiltrations clandestines jusque mi-mars 2011, les élus et les membres du gouvernement de la région disaient à quiconque leur posait la question, qu’il leur était interdit de parler du problème et que toutes les décisions étaient prises par-dessus leurs têtes et leurs assemblées. Les populations locales avaient alors compris qu’elles n’avaient d’autre secours qu’elles-mêmes.
Subitement, le gouverneur du Nord-Kivu, Son Excellence Julien Kahongya, lors d’une visite à Butembo a fait une sorte de confession lors d’une réponse à un journaliste en disant que les retournés étaient entrés dans la Province à son insu et qu’il venait de demander par écrit à l’assemblée provinciale de constituer une commission d’enquête pour identifier ces retournés. Cet aveu du gouverneur Julien Paluku avait renforcé la population locale dans ce qu’elle constate depuis toujours que la gestion de la province est l’œuvre d’un gouvernement parallèle qui travaille dans l’ombre faisant fi des élus et des forces vives de la province qui n’ont aucune emprise sur ce qui se passe dans la province.
La réponse de l’Assemblée Provinciale ne s’était pas fait attendre. Une commission parlementaire provinciale était mise en place. Après deux jours de travail sur terrain, cette commission parlementaire a fait sa proposition de sortie de crise à l’exécutif provincial le lundi 18 avril 2011. C’est cette proposition de la commission parlementaire provinciale qui est jugée insuffisante et dangereuse par la population locale et par les observateurs du conflit des retournés au Nord-Kivu.
Tout d’abord, la commission parlementaire provinciale a travaillé sur une situation de fait accompli sans remise en cause des prémisses de l’infiltration clandestine des retournés. Déclarer que le mouvement des retournés est clos, qu’il faut maintenant, après coup, identifier les retournés qui s’infiltrent dans la province à l’insu des autorités provinciales, est perçu par la population locale comme une caution à l’infiltration. Après deux jours de travail, ces honorables députés qui n’ont été qu’à Luofu au Sud de Lubero, ont déclaré clos le mouvement de retournés qui ont mis plus d’une année pour s’infiltrer clandestinement dans toute la province. Le nombre de 388 retournés ne représente que les retournés en majorité des civils présents à Luofu au grand mécontentement de la population locale. Et quid de ceux sont infiltrés à Rutshuru, Masisi, Walikale, Rubare, Kiwanja, Mbingi, Kasugho, Bunyatenge, Vuyinga, Mwenye, Masoi, Manguredjipa, Kainama, Batalinge, Bundibujo, Eringeti, Ituri, etc. ? Qui aurait ordonné ces infiltrations clandestines dans la Province à l’insu des autorités provinciales ? Combien des retournés sont-ils aujourd’hui sur le territoire congolais?
La proposition de sortie de crise de députés soulève ainsi plus de questions qu’elle n’en résout. Déclarer clos le mouvement des retournés sans exiger le contrôle des frontières poreuses avec le Rwanda et l’Ouganda, est insuffisant et dangereux.
Sur terrain, la proposition de l’identification des retournés déjà sur place à Luofu par les chefs coutumiers, les notables, les chefs terriens en collaboration avec les services publics de Lubero, est perçue par la population locale comme une légalisation pure et simple des retournés qui sont récompensés pour leur violation des lois de l’immigration au Congo. Aussi sur base d’un petit échantillon de 388 retournés sans tenir compte du fait des retournés signalés dans l’armée, ceux qui se font passer pour FDLR, ADF/NALU, PARECO, Mai-Mai, déclarer le dossier clos, parait vraiment léger. Notez que parmi les retournés (cas de Luofu) on retrouve les anciens FDLR qui étaient rapatriés par la fameuse opération DDRR au point qu’on se demande par quelle magie ces anciens FDLR sont-ils devenus congolais?
Si on peut saluer ce début d’association des élus de la province et des chefs coutumiers au règlement du conflit des retournés du Rwanda et de l’Ouganda, on ne comprend pas encore pourquoi ces élus de la province avaient attendu la fin de l’infiltration pour sortir de leur silence. Ensuite, le travail de deux jours de la commission parlementaire provinciale ne parait pas assez pour faire le point d’une situation qui dépasse largement Luofu.
Tenant compte de la corruption rampante érigée en mode de gouvernance en RDC, la crainte est que les élus de la province ainsi que les chefs coutumiers ne succombent devant les billets verts pour cautionner l’infiltration étrangère dans la province. Avec la mise en place du dispositif sécuritaire favorable aux retournés, la crainte est, corruption et intimidation aidant, les congolais devant identifier les retournés ne signe sous pression la légalisation d’une immigration illégale. Le fait d’avoir attendu la mise en place dans la région des mandataires des services publics et des services de securité pro-immigration clandestine, ne rassure pas de l’objectivité dans le comptage et l’identification des retournés. L’élargissement de cette commission à la société civile, aux ONG de droits humains, aux églises, à toutes les forces vives des localités envahies, le contrôle des frontières de la RDC avec le Rwanda et l’Ouganda par des forces qui ne sont pas issues du CNDP, parait aujourd’hui comme la condition de crédibilité de l’opération d’identification des retournés qui sont des civils, des FDLR, des Fardc, des Mai-Mai, des PARECO, etc.
L’écologie de la région souffre déjà de cette occupation rwandaise, si l’on prend en compte l’abatage des arbres qui longeaient la route Butembo-Kanyabayonga pour lutter contre les érosions, etc. En effet, le commerce des planches et des braises prend des proportions inquiétantes depuis l’invasion du Sud de Lubero.
A Mbingi, des retournés armés qui se font passés pour FDLR ravagent les champs des civils en se servant eux-mêmes des récoltes soit en ravissant les récoltes (surtout les haricots). Les témoignages des habitants du village de Miveya sont effrayants. Ces retournés tapis dans la brousse attendent que les paysans finissent de mettre leurs haricots dans des sacs prêts pour le marché pour surgir de la brousse et ravir toute la récolte. Souvent, les paysans doivent transporter leurs propres récoltes ainsi ravies jusqu’à un endroit où des camions venant de Goma viennent les transporter. Cette commercialisation des récoltes ravies aux populations locales est une preuve s’il y en avait encore besoin que ces soi-disant FDLR qui opèrent sans se faire inquiéter participent de l’occupation de la région.
Tous les faits ci-dessous démontrent que la question des retournés dans la province du Nord-Kivu ne doit pas être prise à la légère par les autorités de la province et du pays. Elle doit être résolue par tous à partir de la source pour éviter de créer un modèle d’occupation d’autres localités selon lequel, les infiltrés envahissent une localité, six mois après, les députés viennent pour les compter et pour demander aux chefs terriens locaux de leur offrir une terre en location.
Il faudrait aussi faire une évaluation sans complaisance des opérations du DDRR, AMANI LEO, STAREC, etc. pour se rendre compte que toutes ces opérations n’ont jamais porté du fruit parce qu’elles n’associent pas les forces vives locales à leur conception, leur mise en œuvre et leur évaluation.
©Beni-Lubero Online





