





Un des aspects de ce deuxième génocide congolais est la guerre psychologique permanente et intense à laquelle les congolais sont soumis depuis l’invasion militaire de leur pays par une coalition rwando-burundo-ougandaise, le 6 Août 1996. D’aucuns parlent de génocide lent ou silencieux. Dans cette petite réflexion, nous voudrions relever quelques aspects de cette guerre psychologique plus subtile que les autres formes de guerre, et qui, à notre avis, devrait être prise en compte dans la constitution des faits du deuxième génocide congolais.
D’après Naomi Klein dans le premier chapitre de son livre sur la doctrine du choc et l’émergence du capitalisme du désastre[1], les multinationales et les politiciens auteurs intellectuels des guerres actuelles, du terrorisme, des coup d’états, etc, mettent à profit la peur et la frustration que ces maux engendrent pour imposer leurs politiques économiques désastreuses aux populations timorées et sans défense. Le but de ces guerres psychologiques qui favorisent l’émergence du capitalisme du désastre est d’infantiliser des populations entières par la torture, la peur, le choc, et la deshumanisation afin de mieux les soumettre au joug du capitalisme néocolonial, suivant le principe de la création par la destruction. Un des ancêtres de cette doctrine du choc psychologique est, selon Naomi Klein, l’américain Ewen Cameron (1901-1967) connu comme l’ancêtre des méthodes de torture psychologique utilisées par la CIA (Central Intelligence Agency) des USA. Le choc psychologique selon Cameron s’obtient par la régression de la victime à l’état infantile. Son objectif est d’obtenir la totale dépendance de la victime à son bourreau ou maître. Cette méthode utilisée au départ dans des laboratoires de torture où les leaders nationalistes et indépendantistes étaient réduits en l’état infantile est aujourd’hui utilisée sur des sociétés entières soumises à la guerre, au terrorisme, aux embargos de toutes sortes pour obtenir la soumission de leurs leaders au diktat du capitalisme du désastre soit la soumission de toute une nation au diktat d’un dictateur lui imposée de l’extérieur par les capitalistes du désastre. Les cas semblables à celui de la R.D.Congo où cette méthode a été utilisée les USA sont ceux des dictatures de l’Amérique Centrale et de l’Amérique Latine entre les années 1970 et 1995. Le cas du Chili sous Pinochet est celui qui est proche de la R.D.Congo sous Joseph Kabila.
En analysant la violence dont sont victimes les populations congolaises, il appert que la doctrine du choc psychologique est pratiquée à l’Est de la R.D.Congo pour obliger les congolais à accepter le diktat du petit Rwanda. Depuis 1996 les congolais sont humiliés par un petit pays qu’est le Rwanda qui, jouissant du soutien total des capitalistes du désastre, mène une campagne d’infantilisation des congolais, en commençant par les politiciens, et depuis deux ans, certains hommes d’églises qui depuis lors disent à ceux qui veulent les croire qu’on ne peut avoir de paix en R.D.Congo sans l’appui du Rwanda. Profitant de cette fenêtre ouverte, le Rwanda qui contrôle idéologiquement tous les mécanismes conjoints de paix mis en place depuis janvier 2008, les opérations militaires conjointes, la CEPGL, la Conférence Internationale des Pays des Grands Lacs, la commission conjointe pour les réfugiés, etc. fait tout pour imposer son idéologie à la partie congolaise. C’est le cas de la dénonciation au Congo comme au Rwanda du négationnisme du génocide rwandais. Les participants congolais à toutes ces négociations sont tellement infantilisés et timorés qu’ils acceptent de punir le négationnisme du génocide rwandais en R.D.Congo sans oser soulever la question du négationnisme du génocide congolais. En revanche, ils reçoivent un soutien de Kigali pour leur nomination dans le pré-carré du pouvoir en R.D.Congo. Le rapport du Haut Commissariat de l’ONU aux droits humains vient ainsi couper l’herbe sous les pieds de ces « mangecrates » et « vuvuzelateurs » kagamistes de la R.D.Congo.
Si Kigali tend à devenir le Canossa pour plusieurs politiciens congolais infantilisés et réduits à leurs appétits du ventre, cela n’est pas le cas pour les forces vives de la population congolaise. En effet, la grande résilience acquise pendant la dictature sous Mobutu aide le peuple congolais à résister et à dérouter les stratégies de la guerre psychologique contre la R.D.Congo et cela depuis 14 ans. Le prix de cette résistance populaire est de six millions des morts congolais parmi lesquels une dizaine seulement d’hommes politiques (i.e. Mzee Laurent Désiré Kabila). Parmi les civils on note des religieux tels Mgr Munzihirwa, Mgr Kataliko, Mgr Mbogha, Pasteur Lukusa, etc.
Dans cet article nous voudrions relever les differentes tactiques de cette guerre psychologique pour aider les enquêteurs et les juges à constituer les faits du génocide commis sur le sol congolais depuis 1996. La définition du génocide actuellement en vigueur à l’ONU depuis 1948 comme on peut le lire dans l’article publié le 28 Août 2010 par Guy de Boeck sur www.congoforum.be, comporte plusieurs aspects psychologiques, notamment, l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres d’un groupe, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe (NDR : Viols sexuels et mutilations des sexes des femmes), etc.
L’américain Wayne Madsen, journaliste d’investigation donne d’amples informations sur les acteurs du génocide en R.D. Congo. Dans son livre ‘Genocide and Covert Operations in Africa 1993-1999’ il atteste la création par les Forces Spéciales Américaines spécialisées d’une base militaire à Cyangugu au Rwanda, non loin de la frontière Congolaise au Nord-Kivu. Cette base militaire construite en partie par une compagnie privée américaine serait impliquée dans l’entraînement de l’armée rwandaise et offrirait un soutien logistique aux troupes rwandaises déployées en RDC. Wayne Madsen atteste aussi la présence dans la région de soldats noirs américains venus soutenir les armées du Rwanda et de l’Ouganda depuis la première invasion du Zaïre – devenu R.D.Congo- en 1996. Par leur peau noire, ils essaient de camoufler la présence des USA dans la guerre sale livrée sur le sol congolais. La preuve de cette présence des descendants des esclaves partis de l’Afrique, Wayne Madsen la tient de la France qui le 21 janvier 1997 avait affirmé avoir retrouvé les restes de deux soldats Américains tués près de la rivière Oso au Sud-Kivu lors d’un combat et les avoir remis aux autorités américaines. Mais, continue Madsen, il n’y a pas que les noirs américains aux côtés des militaires rwandais et des ougandais.
Le panel de l’ONU présidé par Safiatou Ba N’Daw de la Côte d’Ivoire conclut que « des officiers militaires de plusieurs pays, avec à la tête les services secrets américains, continuent la guerre à cause de sa nature rentable sous-prétexte de travailler pour la paix et le développement de la R.D.Congo » (NDLR : Le travail des consulats implantés dans les territoires occupés de l’Est de la R.D.Congo).
Les écrits de Wayne Madsen comme ceux de plusieurs autres chercheurs indépendants attestent la paternité occidentale avec à la tête les USA, de la guerre économique et psychologique livrée à la R.D.Congo depuis 1996. Tant que cette paternité restera dans l’ombre, les mêmes parrains pourraient changer d’intermediaires dans la région des Grands Lacs Africains pour continuer avec la même sale besogne du capitalisme du désastre jusqu’à ce que les congolais combattent l’infantilisation ( ou la dépendance) à laquelle ils sont soumis depuis l’époque des conquistadores portugais.
Revenant sur l’aspect psychologique de la méthode caméronienne visant l’infantilisation et la destruction de tous les repères humains et moraux chez les victimes jusqu’à obtenir leur totale dépendance à leurs bourreaux, énumérons ci-dessous les differentes actions menées dans ce sens sur le sol congolais depuis 1996 :
1. Les assassinats quotidiens dans les villages, cités, et villes sans qu’aucune enquête ne suive, les déplacements forcés des populations, les attaques quotidiennes des villages, etc.
2. Les violences sexuelles des mamans devant leurs enfants,
3. Les relations incestueuses au bout du fusil où un papa est obligé de coucher avec sa fille en présence de son épouse et des ses enfants. Dans d’autres cas, c’est le fils qui est obligé de coucher avec sa mère en présence de son père et de ses frères et sœurs.
4. Les attaques des veillées mortuaires, le dépouillement et la dispersion des membres de la famille éprouvée, suivi de fois de la chicotte du cadavre et la destruction du cercueil.
5. Les incendies des maisons d’habitation aux heures de la nuit où le sommeil est profond,
6. L’irruption des hommes en armes dans des familles aux heures du repas du soir où ils ravissent toute la nourriture préparée avant d’exiger la réserve de nourriture non préparée, etc.
7. L’élimination physique des journalistes, des activistes des droits humains, pour dissuader les survivants à dénoncer le mal par peur de subir le même sort. Le cas des assassinats des Journalistes de la radio onusienne est le plus patent. La toute puissance organisation des Nations Unies n’a jamais réussi à conclure ou à faire pression pour qu’une seule de ces enquêtes pendantes s’achève et fasse la lumière sur les assassinats odieux. Dans plus d’un cas, la Monuc était accusée d’être le commanditaire d’un assassinat d’un journaliste qui aurait été un témoin gênant de l’action de cette organisation onusienne avec les groupes armés qui sèment la terreur à l’Est du pays. Le message aux congolais derrière ce déni de justice est que même la toute puissante ONU ne peut vous protéger.
8. Ceux qui sont friands des solutions politiques à la crise congolaise n’ont pas été épargnés par la guerre psychologique. Après l’investissement des congolais dans une transition politique qui a duré de l’accord de Lusaka en juillet 1999 jusqu’aux élections de 2006, il n’y a pas toujours de solution à la crise congolaise. Les congolais vont de dialogue à dialogue avec des médiateurs imposés par l’ennemi malin sans parvenir à une solution. Le but de ces interminables dialogues ou pourparlers de paix est de pousser les congolais à accepter le fait que la paix qu’ils attendent ne viendra pas des élections démocratiques ni des arrangements politiques entre congolais mais par la volonté du plus fort militairement et économiquement qui a élu le Rwanda comme son gendarme en R.D.Congo.
9. Quand Mzee LDK avait scellé les bureaux du facilitateur Ketumile Masire à Kinshasa et refouler de la capitale les soldats de l’ONU, les congolais toutes tendances confondues avaient eu comme slogan préféré « l’ouverture des bureaux du facilitateur Ketumile Masire, l’application des accords de Lusaka, la tenue du dialogue intercongolais, le retour de l’ONU, etc. » Le dialogue intercongolais a eu lieu mais la paix n’est jamais revenue au pays. Le résultat escompté par la main invisible du capitalisme du désastre est de faire désespérer les congolais de leur capacité d’aplanir leurs différends eux-mêmes et de ramener la paix dans leur pays.
10. Dernièrement quand la Monuc menaçait de quitter la R.D.Congo, il y a eu des manifestations et une abondance d’écrits de la part de plusieurs associations congolaises demandant la prolongation du mandat de l’ONU en R.D.Congo. La Monuc est devenue Monusco mais les femmes de Luvungi à Walikale ont été violées pendant quatre jours par des hommes en armes sans que la Monusco n’intervienne alors que son camp n’était qu’à un jet de pierre du lieu du crime. L’ennemi veut pousser les congolais à accepter le joug rwandais comme la seule force pouvant ramener la paix (la paix du cimetière) à l’Est du pays.
11. La foi des congolais dans les organisations internationales n’est pas épargnée. Comme on dit souvent, la R.D.Congo est le premier pays africain avec plus d’ONG au kilomètre carré. Les animateurs des ONG congolaises subissent chaque jour des formations pour la paix, l’élaboration des projets, la rédaction des rapports de monitoring des droits humains dans un format et un vocabulaire acceptable à l’occident donateur. Certains analystes ont déjà dénoncé cette pratique comme un lavage des cerveaux car les congolais animateurs de ces ONG sont formés à voir la réalité sur terrain sous le prisme de l’occident et non selon le peuple congolais. Bien sûr qu’il ne faut pas généraliser en cette matière. Certains ONGistes restent lucides et patriotes jusqu’au bout. Le résultat de ce matraquage par les ONG congolaises est que les animateurs de ces ONG des droits humains établissent des rapports circonstanciés des violations des droits humains et ne tarissent jamais des propositions et recommandations à qui de droit pour mettre fin à la violence. Ces tonnes de memoranda restent lettres mortes pour la simple raison que les ONG congolaises remettent le pouvoir d’exécution à d’autres instances dont elles ne maitrisent pas les tenants et les aboutissants. Certaines Organisations internationales auxquelles les memoranda sont envoyés sont inféodées aux commanditaires de la violence qui attendent profiter du chaos pour changer l’ordre politique de la R.D.Congo. Les parrains d’Occident qui contrôlent ou infantilisent en premier le gouvernement congolais sont les premiers à dire aux activistes des droits humains que c’est la responsabilité du gouvernement congolais de ramener la paix. Le cas du retour des refugiés au Nord-Kivu est éclairant. Plusieurs organismes onusiens dont le HCR et le PNUD initient le projet et promet son aide pour l’intégration pacifique de ces refugiés au Congo. Quand les refugiés revenus du Rwanda ravissent les terres aux autochtones moyennant les armes, les organismes onusiens disent qu’ils n’ont pas assez des moyens pour arrêter ces violences et que c’est le gouvernement congolais qui doit faire son travail d’accélérer la reforme foncière, de former une armée républicaine, et tutti quanti. Autrement dit, le HCR et le PNUD laissent faire la violence des refugiés rwandais sur les congolais car cette violence fait partie du choc psychologique à infliger aux congolais de l’Est du pays pour les pousser à la soumission au diktat rwandais.
Quand les ONG congolaises acculent directement le gouvernement congolais en matière des droits humains, ce dernier assassine les dirigeants des ONG congolaises. Ces assassinats des militants congolais des droits humains obligent rarement les institutions internationales à sortir de leur silence complice pour condamner effectivement les assassins. Très souvent, le peuple congolais assiste à la promotion des assassins dans la haute sphère politique, économique, et sécuritaire.
On peut enrichir cette liste d’exemples et des mécanismes savamment ourdis pour faire faire aux congolais l’expérience du mur infranchissable et les pousser en fin de compte à la soumission au diktat rwandais.
Si les politiciens sont les premiers à être infantiliser dans tous les pays où la méthode caméronienne est utilisée, les populations civiles ont souvent survécues à cette infantilisation. Le cas de l’Iraq est patent. Les américains en bombardant l’Iraq pour mettre fin au régime de Saddam Hussein avaient espéré recevoir un accueil de héros de la part des populations iraquiennes qui se jetteraient dans leurs bras pour les remercier. Cet amour des américains n’est pas arrivé et n’arrivera pas. Le cerveau moteur de cette théorie qui n’était autre que Georges W. Bush recevra comme cadeau lors de sa dernière visite en Iraq, un jet des souliers en pleine figure de la part d’un journaliste iraquien.
Aujourd’hui, les cerveaux moteurs du chaos en cours à l’Est de la R.D.Congo pensent que les congolais accepteront le diktat rwandais une fois qu’ils verront les routes asphaltées et les gros chantiers d’extraction du coltan, du gaz méthane, du pétrole du Graben et de la vallée de la Semliki à pied d’oeuvre. Qu’ils se rappellent de l’exemple irakien. Un peuple ne vit pas seulement de pain…
Pour survivre aux assauts de cette méthode caméronienne pratiquée à l’Est de la R.D.Congo, les populations congolaises et leurs leaders naturels doivent se réapproprier leur destinée en puisant dans leurs cultures les moyens de résistance communautaire jusqu’à la victoire.
©Beni-Lubero Online
[1] Naomi Klein, The shock doctrine, the rise of disaster capitalism, Metropolitan Books,





