





Face à la poursuite des massacres, malgré l’état de siège prorogé, nous avons mené des enquêtes auprès des acteurs au cœur de la crise. Nos recherches nous ont menés jusqu’à deux acteurs dont les informations nous ont semblé particulièrement édifiantes. Il s’agit d’un officier supérieur des FARDC arrivé au Nord-Kivu dans le cadre de l’état de siège, et d’un cadre haut placé au sein du régime de Kigali. Quatre enseignements au moins sont à retenir des informations qu’ils nous ont fournies, indépendamment, et que nous partageons avec vous.
1/ L’état de siège sert avant tout les objectifs stratégiques du Rwanda sur l’est du Congo, pas la sécurité des Congolais
Le haut cadre rwandais nous apprend que grâce à l’état de siège, mis en place par Félix Tshisekedi, les objectifs du Rwanda sur l’est du Congo ont rapidement progressé et sont maintenant à 50%. Sans nous préciser quels sont ces objectifs, il nous apprend que toute l’armée FARDC et la police dans le Nord-Kivu et l’Ituri sont maintenant totalement contrôlés par le Rwanda. Grâce à ce contrôle, le Rwanda peut déployer ses agents partout dans les deux provinces sans difficultés. Kinshasa a accepté de laisser le champ libre, dit-il. Mais les deux provinces, dit-il, sont trop vastes pour être totalement contrôlées par le Rwanda, compte tenu de ses capacités actuelles et de la méfiance des Congolais vis-à-vis des FARDC. Il ajoute que le Rwanda fait aussi face à « trop de populations » dans les deux provinces qu’il n’a pas les moyens de contrôler.
Le pouvoir rwandais envisage plusieurs pistes pour parvenir à contrôler totalement les deux provinces. Il s’agit de former de nouveaux leaders au Rwanda et les déployer dans différents milieux dans l’est du Congo. Il s’agit aussi de remplacer les chefs coutumiers congolais par d’autres chefs coutumiers favorables aux objectifs du Rwanda. Mais cela demande beaucoup de temps et il va y avoir des élections au Congo.
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2/ Empêcher les élections au Nord-Kivu et en Ituri
Pour réaliser son plan, le Rwanda négocie avec le pouvoir de Kinshasa afin qu’il ne puisse pas y avoir des élections au Nord-Kivu et en Ituri. Ni élection présidentielle, ni élections législatives nationales, ni élections législatives provinciales. Cela permettra d’écarter de la politique une grande partie des leaders politiques actuels des deux provinces ou de les associer aux nouveaux leaders que le Rwanda est en train de formerpour contrôler les deux provinces. L’homme nous apprend queTshisekedi serait d’accord avec l’idée d’exclure le Nord-Kivu et l’Ituri des prochaines élections. Mais malgré cette acceptation de Tshisekedi, le Rwanda va avoir des difficultés à gérer les frustrations des leaders politiques actuels des deux provinces lorsqu’ils sauront que leurs circonscriptions sont exclues des élections à venir au Congo. Il ne nous a pas précisé quelles sont les stratégies que le Rwanda prépare pour gérer ces frustrations.
3/ L’Ouganda comme obstacle
Le haut cadre rwandais nous apprend que si tout semble déjà acquis avec Kinshasa, l’Ouganda, qui est en conflit avec le Rwanda, risque de compliquer les projets du Rwanda sur l’est du Congo. Il cite le projet des routes que l’Ouganda va construire dans le Nord-Kivu, un projet qui impliquera la présence de l’armée ougandaise sur terrain pour sécuriser les travaux. Il dit ne pas savoir si les deux pays peuvent s’entendre pour exploiter en commun cette partie du Congo une fois que le pouvoir de Kinshasa l’aura écartée de la vie politique congolaise. Nous avons voulu savoir s’il y avait quand-même des négociations entre Kigali et Kampala sur cette question, il nous a dit qu’il ne sait pas. Peut-être qu’il faut attendre lorsque l’exclusion des deux provinces sera définitive pour savoir.
4/ La mission des FARDC dans l’état de siège
Nous revenons cette fois-ci sur les informations de l’officier FARDC dont nous avons parlé en introduction, et qui nous a parlé indépendamment du haut cadre du régime rwandais. L’officier supérieur des FARDC, qui découvrait l’est du Congo à l’occasion de l’état de siège, nous apprend qu’il ne faut pas croire que l’état de siège a été décidé pour protéger la population. Il nous dit que les militaires ont reçu plusieurs consignes, dont au moins trois qu’il nous a énumérées.
- a) Vous êtes envoyés là-bas pour vous enrichir. Celui qui reviendra de là sans être un « patron », etali ye ! (tant pis pour lui, en lingala).
- b) Ecrasez les gens de là, surtout « oyo Bandande » (surtout ces Nande). Il ne faut pas qu’ils puissent avoir les moyens de s’organiser en auto-défense. Tous les groupes d’auto-défense doivent être détruits. On va mettre le programme DDRR, s’il le faut, pour vous aider à les détruire.
- c) Ne faites rien pour empêcher les massacres. Laissez seulement faire. Vous n’êtes pas là pour vous battre.
L’officier, probablement originaire du Bandundu, dit avoir observé les Nande et leurs commerces à Goma et à Butembo et d’avoir été pris de tristesse. Il dit qu’il ne comprend pas comment un pays peut sacrifier ses populations qui travaillent si bien et qui produisent des richesses par leur propre travail.
Il dit qu’il restera en contact avec nous et continuera de nous renseigner sur l’évolution de la situation.
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