





Il y a quelques semaines, tous les médias, y compris les médias congolais, disaient du mal de la République Démocratique du Congo. Personne ne pensait un seul instant que la RDC pouvait se mettre debout. Debout pour élire ses dirigeants, debout pour inaugurer un nouvel avenir. S’il n’y avait pas de guerre entre Israël et le Liban, la RDC aurait certainement été à la Une de la presse internationale. Le grand défi aura été de maintenir cette image positive jusqu’à la publication des résultats provisoires de l’élection présidentielle. Le défi demeure, celui de faire preuve de maturité en attendant le deuxième tour.
C’est dans cette perspective que, un mois après les élections présidentielles et législatives en République Démocratique du Congo, nous initions un projet ambitieux. De A à Z nous vous proposons une réflexion suivie sur l’Hymne National du Congo. Sans prétention d’épuiser toute la profondeur de cette belle poésie, nous essayerons de montrer en quoi le « Debout Congolais » parle, non seulement à notre présent et à notre passé, mais surtout il cache un véritable projet d’avenir. Vous aurez remarqué que le Debout Congolais est resté posté sur la page d’accueil du site www.benilubero.com pendant plusieurs mois. Si vous n’avez jamais pris le temps de le parcourir, le moment est venu de faire un zoom sur ce symbole de l’Etat congolais. Cela vous permettra de mieux entrer en dialogue avec nous dans cette réflexion que nous étalerons sur plusieurs semaines. Cette première partie donne quelques repères (non systématiques) pour situer les réflexions à venir sur le contenu du Debout Congolais.
VALSE DES HYMNES NATIONAUX
Je me rappelle l’enthousiasme avec lequel nous chantions la Zaïroise qui venait de remplacer en 1971 le Debout Congolais. D’ailleurs pour les générations nées après 70, le terme « remplacer » n’aurait pas beaucoup de sens. Elles n’avaient connu que la Zaïroise. Ce que beaucoup de nos aînés et parents avaient chanté c’était le Debout Congolais. Eux peuvent parler de remplacement.
Qu’est ce qui avait donc changé pour que le Debout Congolais cède la place à la Zaïroise ? A chacun de formuler sa réponse à cette question. Une chose dont je suis sûr et que nul ne peut nier c’est que Mobutu avait pris le pouvoir par violence ! En 1965, il inaugurait une dictature qui allait durer 32 ans, de 1965 à 1997.
Dès son accession à l’indépendance en 1960, la R. D. Congo avait vécu au rythme des rébellions, des guerres civiles et agressions étrangères. Mobutu pensait avoir ramené la paix dans un Congo qu’il allait par la suite nommer Zaïre et diriger d’une main de fer, sans opposition ni politique ni civile. L’armée, comme une propriété privée du chef de l’Etat, devait faire la loi. Mobutu pensait avoir redonné au peuple sa dignité et sa fierté.
Voilà en partie le contexte dans lequel nous pouvions fièrement chanter :
« Zaïrois, dans la paix retrouvée
Peuple uni, nous sommes Zaïrois,
En avant, fiers et pleins de dignité,
Peuple grand, peuple libre à jamais ! »
Paradoxalement, la paix, l’unité, la fierté et la dignité « retrouvées » sont restées un idéal qui, sans cesse, nous sommes invités à promouvoir. Le Congo a connu depuis longtemps non seulement des exilés politiques, mais aussi et surtout aujourd’hui, des déplacés internes d’ailleurs plus nombreux que les réfugiés venant des pays voisins. Très peu de Congolais peuvent déclarer savoir d’expérience ce que c’est que l’unité nationale. Fierté et dignité sont encore des concepts abstraits pour beaucoup. En plus, si la paix et l’unité étaient nos réalités quotidiennes, nous n’aurions pas besoin de les promouvoir, nous serions simplement en train de les célébrer. C’est loin d’être le cas aujourd’hui.
Un retour sur l’histoire du Congo nous apprend que le Debout Congolais a connu une existence légale dans la Constitution de Luluabourg, celle du 1er août 1964, même si son emploi avait commencé dès 1960. Le Debout Congolais fut exécuté jusqu’au 17 novembre 1971 lorsque Mobutu, profitant de la fête de l’armée, chanta lui-même pour la première fois à la radio, La Zaïroise. Ce changement était adopté par le bureau politique du Mouvement Populaire de la Révolution et s’étendait aux noms du fleuve, du pays, de certaines provinces du pays et du drapeau national. Avec la chute du régime Mobutu, le 17 mai 1997, on décida de revenir à La Congolaise et d’autres symboles d’avant Mobutu.
L’IMPERATIF DU CHANGEMENT INTERIEUR
Qu’est ce qui avait donc changé pour justifier ce retour à La Congolaise et aux autres symboles d’avant Mobutu ? D’après les Professeurs Ndaywel et Mabiala, la démarche politique de l’AFDL procédait du processus démocratique congolais interrompu en 1960 par l’établissement du régime néo-colonial qui avait abouti à l’instauration de la dictature militaire en 1965. Mais suffisait-il de changer l’hymne national ainsi que d’autres symboles de l’Etat congolais ? Et puis faut-il voir dans La Congolaise et La Zaïroise deux messages contradictoires ? Rappelez vous que les deux hymnes sont l’œuvre du Père Boka, prêtre de la Compagnie de Jésus (Jésuite toujours vivant) et du Prof Lutumba, lui aussi, ancien Jésuite. Cette valse des hymnes était-elle liée à un changement radical de contexte ou simplement était-ce en vue d’une simple satisfaction psychologique des leaders ? Le changement voulu au Congo doit aller au-delà d’une simple satisfaction psychologique.
L’impératif pour tous les Congolaises et Congolais, de la grande masse aux dirigeants, est de travailler pour une véritable transformation intérieure. Sans cette « conversion » nous continuerons à croire que pour construire un pays il nous faut changer constamment de symboles, comme si le rejet (sans discernement) de tout ce qui se rapporte au passé constituait en soi une garantie de bonheur pour un pays. Ce genre de changement superficiel nous a souvent poussés à vouloir rejeter les acquis des années antérieures. La tâche la plus urgente que doivent entreprendre tous les Congolaises et Congolais c’est celle de la mutation intérieure et de la transformation sociale. Il est urgent que nous cessions de nous réfugier dans la culture du paraître et de la superficialité. Cette culture que beaucoup de nos compatriotes avaient adoptée pendant la deuxième république. Cette qui se lit facilement dans le type d’analyses qui se livre dans les rues, dans les bus, dans les églises et même dans les auditoires des institutions supérieures de notre capitale !
La réalité du changement intérieur est une tâche que nous devons affronter avec plus de détermination.
« Debout Congolais ! En avant, fiers et pleins de dignité. » Oui, on ne se met pas debout pour tourner en rond ni se faire la guerre. On se met debout pour travailler ensemble en vue de la réalisation d’un Congo non seulement nouveau mais renouvelé. Le Debout Congolais, loin d’être une simple résistance psychologique à la dictature passée et encore menaçante aujourd’hui, devrait être « également et surtout un projet d’avenir traduisant la ferme volonté du peuple congolais de construire une nation unie et prospère. » (A suivre)
« Debout Congolais,
Unis par le sort,
Unis dans l’effort pour l’indépendance,
Dressons nos fronts longtemps courbés. »
Oui, c’est maintenant le temps favorable !
P. Daniel Syauswa Musondoli, S.J.
Berkeley, Californie (USA)
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