





La suspicion des ONG internationales et des institutions onusiennes de poursuivre sous la forme humanitaire la guerre d’occupation du CNDP s’accroit du jour au lendemain au sein des populations congolaises du Territoire de Lubero. A la base de cette suspicion l’inaction de ces ONG devant la poursuite des violations des droits humains par des hommes en armes, des militaires Fardc et des gardes du Parc National des Virunga qui tuent, violent les femmes et les hommes, incendient des maisons, détruisent les récoltes dans les champs, et envoient des milliers des congolais dans les brousses. Les populations congolaises ne comprennent pas pourquoi l’ONU qui compte 20 000 soldats en RDC avec un arsenal militaire important n’a jamais réussi à mettre la main sur un seul tueur et à sécuriser ne fut-ce qu’un seul village contre les tueurs. C’est ainsi que l’action humanitaire des ONG perd de son sens dans cette région où les armes ne se sont jamais tues.
A cette interrogation de toujours vis-à-vis de la mission réelle des ONG internationales et des Institutions Onusiennes à l’Est de la R.D.Congo viennent de s’ajouter des méthodes d’aide soupçonnées par les populations locales comme préparant une occupation rwandaise de leur région. Aussi, la communication entre les populations locales et ces ONG souffre actuellement de plusieurs lacunes. Les moindres questions que les populations locales posent aux ONG ne trouveraient pas de réponse. D’où la suspicion que ces ONG poursuivraient la guerre d’occupation du CNDP par la forme humanitaire, qui pour les populations locales serait la dernière étape avant l’arrivée des occupants. Parmi les pratiques décriées par les populations locales, nous en citons seulement trois.
1. Le Territoire de Lubero est la zone rurale la plus peuplée de la R.D.Congo qui connait déjà des conflits liés au partage de la terre arable. Mais pour les institutions onusiennes, cette zone déjà surpeuplée doit accueillir un surplus de population venant du Rwanda. Cette décision unilatérale que les chefs coutumiers de la région ont déjà à plusieurs reprises dénoncée est la base principale de toutes les suspicions de l’action humanitaire de ces institutions qui refusent de voir la réalité en face. Cette suspicion s’était aggravée quand la méthode d’identification des retournés du Rwanda proposée par les chefs coutumiers du Nord-Kivu a été rejetée par ces institutions onusiennes. A l’heure qu’il est, ces retournés s’infiltrent dans les lieux de leur choix de la région sous escorte de l’armée du CNDP. Quand on considère aussi que ces retournés du Rwanda voudraient s’installer dans des localités où ils n’ont jamais vécu auparavant, on ne peut que conclure qu’il s’agit d’une occupation pure et simple.
2. L’ONG Care International a volé au secours des victimes des incendies des maisons de la localité de Mighobwe en Collectivité des Batangi, Territoire de Lubero, sur la route Butembo-Goma, entre Kirumba et Kaseghe. Mighobwe compte 4 écoles secondaires, 6 écoles primaires, deux dispensaires et un hôpital. De part la nature, Mighobwe est un village situé en altitude ayant des potentialités économiques énormes. On y pratique la culture du café Arabica et autres cultures vivrières telles que la banane, le maïs, le haricot, le manioc… Sa population pratique aussi l’élevage du petit bétail dont la chèvre, le mouton et le porc. Chaque famille pratique un petit élevage de lapins, poules, canards, cobayes, etc. Suite à cette richesse naturelle, Mighobwe attirait beaucoup de gens en provenance des hautes terres surpeuplées de Masereka, Luotu, Magherya, Lukanga, etc. En plus de ses richesses agro-pastorales on y exploitait artisanalement de l’Or dans les carrières à ciel ouvert à UNINGA. De là les creuseurs artisanaux venaient se ravitailler en produits vivriers et en marchandises diverses. Comme d’autres cas, Mighobwe riche en ressources du sol et du sous-sol est plusieurs fois victimes des incendies et des tueries.
Une vue du village Mighobwe
L’ONG «Care international» financée par le PNUD était ainsi venue à la rescousse des populations sinistrées de Mighobwe et d’autres villages du Sud du Lubero. « Care international » disait apporter une « assistance multisectorielle aux familles déplacées et les communautés d’accueil. Care International invitait les congolais bénéficiaires de son aide à l’hospitalité en protégeant la vie humaine et l’environnement.
Pancarte de Care international à Mighobwe
L’aide principale de « Care international » aux sinistrés de Mighobwe consiste à la reconstruction des maisons incendiées. Notez que la construction des camps pour déplacés en Territoire de Lubero par certaines ONG n’a jamais réussie car les populations locales retournent dans leurs villages un ou deux jours après les incendies pour contrer toute occupation étrangère. C’est ainsi que ces ONG comme Care International rencontrent les sinistrés dans leurs propres villages sous des bâches ou des paillotes en attendant la reconstruction de leurs maisons. Care International aurait ainsi identifié plus de 300 familles sinistrées à Mighobwe. A chaque famille sinistrée identifiée Care international donnait 18 tôles, des clous, 15 sticks de bois, des planches pour la fabrication des portes, etc. Le sinistré devait ainsi s’occuper du reste pour construire une maison pouvant abriter tous les membres de la famille trop nombreuse dans ce coin de la R.D.Congo. Mais les bénéficiaires de CARE INTERNATIONAL ont vite déchanté. Non seulement la main d’œuvre pour reconstruire les maisons de Mighobwe était importée de Goma par Care International mais aussi Care International fournissait des cadenas desquels il gardait une clé par cadenas. Pire encore, toutes les maisons construites avec l’aide de CARE doivent avoir une chambre extérieure appelée communément « Château » avec une porte propre de laquelle Care International gardait toutes les trois clés. Care International disait que cette chambre extérieure était réservée à des visiteurs dont il ne donnait pas l’identité! Toute la suspicion est partie de cette idéologie hospitalière de Care International. Les habitants de Mighobwe se posent ainsi plusieurs questions sur cet accueil des inconnus dans une région où des inconnus qui sèment mort et désolation sont tout sauf des porte-bonheur. Et Pourquoi, se demandent les populations locales, Care International importe-t-il de la main d’œuvre de Goma pour la réalisation des ouvrages qui ne nécessite pas de compétence spéciale ? Les habitants de Mighobwe ne sont-ils pas capables d’être ne fut-ce que sentinelles de Care International ?
Pourquoi Care International garde-t-il un exemplaire de clé pour chaque cadenas de chaque maison qu’il construit ? Et pourquoi les assistés n’ont-ils pas accès à la chambre donnant à l’extérieur pour qu’ils y reçoivent leurs propres visiteurs. Qui sont les visiteurs pour qui Care International réserve une chambre par maison construite ?
Le manque de réponse aux questions ci-dessus a provoqué des suspicions allant dans tous les sens, notamment la préparation des colonies de peuplement de ceux qu’on appelle Hutu-Nande. Chez tous les peuples du monde comme chez les Nande, la possession de la clé d’une maison, d’une moto, etc. détermine son propriétaire ou copropriétaire. Les habitants de Mighobwe ont alors conclus qu’ils sont des copropriétaires des maisons construites à leurs noms mais qu’ils ne connaissent pas leurs futures copropriétaires. Pour les habitants de Mighobwe, les visiteurs pour qui Care International réserve une chambre extérieure peuvent ainsi arriver à n’importe quel moment du jour ou de la nuit et prendre possession de leur chambre ou de toute la maison dont ils possèdent des exemplaires de toutes les clés.
Une maison construite par Care international à Mighobwe
Latrines construites par Care international à Mighobwe
Imaginez la déception des populations sinistrées de Mighobwe qui avaient échappées aux incendies de leurs maisons et qui, croyant être assistées, vivent maintenant dans l’attente des « visiteurs inconnus» dans une région où des inconnus tuent et incendies les maisons.
Devant ce malaise, plusieurs habitants de Mighobwe bénéficiaires de l’aide de CARE INTERNATIONAL ont déjà jeté tous les cadenas de Care International pour les remplacer par de nouveaux qu’ils ont acheté eux-mêmes. D’autres, moins nantis ne veulent plus de l’aide de CARE INTERNATIONAL, une aide qualifiée dans le coin de « cadeau empoisonné ».
Caféiers en florescence à Mighobwe
3. Selon un correspondant occasionnel de Vuyinga et de Mabambi, l’ONG Solidarités serait entrain de distribuer des vivres destinés aux déplacés de guerre aux habitants du coin qui ne sont pas des déplacés (Notez que non loin de Vuyinga, les déplacés du Territoire de Beni souffrent toujours du manque d’aide). En contrepartie, tous ceux qui se font enregistrer faussement moyennant leurs cartes d’identité comme déplacés doivent permettre que cette ONG construise des latrines en dur dans leurs parcelles. Notez aussi que les latrines construites par Care Internationale à Mighobwe sont aussi en dur pendant que les maisons construites ne sont pas assez spacieuses pour les familles nombreuses des bénéficiaires et sont moins solides et durables que les toilettes. L’enquête sur l’action de l’ONG Solidarités à Vuyinga continue. Mais sur place, une certaine opinion partagée par les prédicateurs dans les églises, prévient du risque de perte du statut d’autochtone par ceux qui se font enregistrer comme déplacés alors qu’ils ne le sont pas. C’est donc une nouvelle suspicion d’une action humanitaire apparemment bonne.
Une vue du village de Mabambi (Photo Archives BLO)
Les propos ci-dessus donnent à penser que si les ONG onusiennes veulent réussir leur mission à l’Est de la R.D.Congo, elles doivent travailler avec plus de transparence et de dialogue avec les populations congolaises locales dont la palabre demeure le haut lieu de la décision. Sans cela, l’action humanitaire de ces ONG risque d’être interprétée faussement comme auxiliaire de l’occupation de l’Est du pays et de l’impérialisme occidental. Une méthode simple pour faire œuvre utile dans ce coin friand de sa tradition orale et de son communautarisme serait pour chaque ONG d’organiser plusieurs réunions dans chaque village avec des chefs coutumiers, des kapita, des prêtres, des pasteurs, des membres de la société civile, des enseignants, etc. pour décliner l’objectif et le mode opératoire de leur action. Et s’il y a des questions ou des doutes exprimés, que les ONG y répondent le plus clairement possible pour éviter tout soupçon qui souvent tourne mal pour des humanitaires ( cas des agents du CICR lynchés par la population à Luofu.
Kahindo Edgar
©Beni-Lubero Online





