





Il n’est pas certain que des réalités sociales changent par la simple multiplication ou la simple déclamation des qualificatifs. Au Congo-Kinshasa en 2006, il y a cinq ans, l’on a parlé des élections libres, transparentes et démocratiques. Trois adjectifs auxquels on ajoutera, à l’occasion des élections organisées le 28 novembre dernier, au moins deux autres : crédibles et apaisées. Dans les cinq ans à venir, quels adjectifs accoler au mot « élections »?
L’on pourrait s’amuser à prolonger la liste en ajoutant des qualificatifs comme justes, vraies, régulières, etc. Mais, l’on ne peut s’empêcher de se demander combien de qualificatifs il faudra adjoindre au mot « élections » pour que finalement les élections correspondent à la volonté de la majorité des congolais. Surtout, pour que l’on commence plutôt à les éliminer l’un après l’autre et ne plus s’en tenir qu’à la vérité des élections légitimées par les gagnants, les perdants et les observateurs indépendants.
Le pays se dit démocratique ; à mon avis, cet unique qualificatif suffirait à dire tout.
Certes, il y a la raison des conjonctures locales qui joue. Par rapport à elles, et au nom de leur responsabilité première vis-à-vis du peuple, les dirigeants peuvent encore contraints à attirer l’attention sur ces attributs. La question que je me pose est celle de savoir pourquoi la conscience de cette responsabilité ne pourrait pas aussi et d’abord conjurer les défis et servir à penser la réalité des élections sans particule ?
Il ne faut peut-être pas se leurrer. La multiplication des qualificatifs n’est pas synonyme de vérité. Il y a lieu de rappeler ici, par exemple, l’argument d’un penseur français Serge Latouche. Pour donner l’illusion d’un développement vrai et juste des peuples, on a parlé de « développements à particule », en accolant un adjectif (social, autocentré, participatif, communautaire, local…), jusqu’à doubler, à tripler la particule (développement humain durable, développement humain soutenable et équitable, développement éco-équo-auto-soutenable,…) (voir Serge LATOUCHE, Le pari de la décroissance, Paris, Fayard, 2006, 124-125). Son observation est intéressante. Les volets social, durable, humain, etc. sont tout au plus adjoints au concept de développement et le sens n’en demeure pas moins que celui de la simple croissance économique, dit-il.
Je pense même que cette conception est toujours présente. C’est dire aussi que le même risque est réel pour d’autres réalités, en l’occurrence les élections. En revanche, je considère que le peuple pourra croire à la réalité des élections, non par l’adjonction des bons qualificatifs, mais par le respect scrupuleux de la vérité des urnes. Les électeurs tranchent sur les différences idéologiques pendant la campagne électorale. A l’étape du vote qui est aussi l’étape du jugement et du choix entre les différentes idéologies en place, seuls les statistiques comptent. C’est cela la démocratie électorale : un homme (une femme), une voix. Que celui qui a eu plus de voix soit déclaré vainqueur jusqu’à sa prochaine défaite.
P. Omer Kamate, a.a.
Rome/Italie
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