





Imaginez un médecin qui traite les maux de tête en utilisant un médicament pour les maux de ventre. Il va de soi qu’il ne guérira point son patient. De même, à mon avis, il serait fallacieux et hasardeux de supposer la nature d’Etat (moderne) pour la République Démocratique du Congo pour qui veut comprendre ce qui se passe au Congo et proposer des solutions aux problèmes qui affligent les peuples qui y vivent.
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Soulever la question de la nature étatique de la République Démocratique du Congo rend nécessaire un travail axé non seulement sur la dimension interne de cet « État », mais aussi et surtout sur le contexte international dans lequel il pourrait exister. L’histoire des relations extérieures de la République démocratique du Congo, l’étude de l’ « État congolais » dans dialectique stato-optimisme /stato-pessimisme et les théories des relations internationales appliquée à la République Démocratique du Congo dans la dialectique stato-centrisme/ non stato-centrisme semblent illustrer l’absence d’un Etat (moderne) en République Démocratique du Congo.
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Et si donc l’État congolais n’existait pas? C’est une question qui fait certainement sourire plus d’un. En effet, sur toutes les cartes du monde on voit au cœur de l’Afrique un espace aux dimensions continentales qui ne pourraient échapper qu’à peine aux yeux. Dans les grandes réunions internationales la République Démocratique du Congo est présente, etc. Mais hélas, l’apparence peut bien tromper. En fait, une analyse approfondie des relations étrangères de la RDC, sa compréhension à la lumière des théories sur l’État et des relations internationales, suggèrent de d’opérer un épochè sur la nature étatique de la République Démocratique du Congo.
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On pourrait certainement penser que la notion de l’État lui-même ne soit pas donnée une fois pour toutes et qu’il soit, comme tous les concepts, soumis à des contaminations. Toutefois, la contamination suppose un arrière-plan sur lequel se décalquent les divers changements qu’elle engendre. En ce qui concerne l’Etat, cet arrière-fond comprend, à mon avis, trois éléments indispensables, notamment, le territoire, la population et la souveraineté. Si la République Démocratique du Congo possède un territoire, et une population, elle n’a pas encore de souveraineté.
Et si l’Etat congolais n’existait pas? La décolonisation aura-t-elle été une simple raillerie ? La dictature de Mobutu une façade internationale d’une manœuvre pour opprimer des peuples sans défense? La lutte pour la libération de l’AFDL une autre usurpation du droit à l’autodétermination des peuples? Les premières « élections démocratiques » juste une autre comédie pour simuler l’inclusion populaire afin de rendre plus agréable l’oppression derrière le voile de la participation populaire? Qui sait ?
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Et si l’Etat congolais n’existait pas? Ses relations extérieures auraient-elles donc été une simple farce? Toutes les théories sur l’État qui l’auraient utilisé comme exemple auraient-elles opérer un mauvais choix? Toutes les théories des relations internationales qui lui auraient octroyé de la place dans le concert des Etats auraient-elles spéculé sur un objet inapproprié? Qui sait ?
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Si l’Etat congolais n’existait pas il faudrait alors en inventer un pour donner une certaine cohérence à son histoire des années à venir et ne pas continuer à vinifier les actions humaines « congolaisement » connotées (celle des héros et celles des criminels).
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Inventer une République Démocratique du Congo pourrait signifier pour les peuples qui y vivent la création d’une possibilité réelle d’exercer leur droit à l’autodétermination. Dans ce cas il serait souhaitable que le processus de state-building respecte, avec minutie, les sensibilités culturelles de tous les peuples qui vivent dans l’espace congolais.
Inventer une République Démocratique du Congo pourrait permettre d’éliminer l’une des nombreuses « terrae nullius » qui constituent des menaces à la sécurité mondiale des peuples.
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Ne pas inventer une République Démocratique du Congo pourrait signifier tenir le doigt appuyé sur le «déclencheur» (Fanon) qui a été pressé plusieurs fois dans l’histoire pour tirer sur Afrique et sur le reste du monde.
Et si l’Etat congolais n’existait pas ? Il faudrait peut-être « paradigmatiser » la guerre froide (époque de suspension des souverainetés) et retro-projeter les théories non stato-centrées afin de comprendre ce que l’on appelle aujourd’hui la République Démocratique du Congo. Cela pourrait être utile dans l’interprétation des relations internationales dans un contexte où l’État perd de plus en plus sa position hégémonique sur le scénario global.
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La version italienne de cet ouvrage est déjà disponible sur ce lien http://www.ilmiolibro.it/autore.asp?id=4371. La version française est en préparation.
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Muhindo Mughanda
Italie
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