





Après le lancement sans heurt de son parti politique UNC (Union pour la Nation Congolaise) à Kinshasa, le bouillant Honorable Vital Kamerhe, Ancien Président de l’Assemblée Nationale, a fait ce mercredi 15 décembre 2010 le déplacement de Goma, son fief naturel, pour y poser les structures de base de son parti politique nouvellement porté sur les fons baptismaux en R.D. Congo. Comme d’accoutumée au Congo-Kinshasa, toute rencontre d’un homme politique de la trempe de Vital Kamerhe, doit commencer par un petit bain de foule avec une courte adresse au large public avant d’entrer en réunion de travail avec les cadres locaux du parti politique. Si cette procédure n’a pas rencontré d’embûches à Kinshasa, à Goma, elle a été tout simplement bloquée et réprimée par des coups de feu. On a cru que les volcans environnants étaient entrés en ébullition sans préavis des géologues.
Ville de Goma: Rond Point Rutshuru
Attendu à Goma à 11h00, l’avion du Président de l’UNC a d’abord été bloqué lors de son escale à Kisangani pour un motif inconnu. Pour les observateurs, Kisangani serait complice de Goma dans le coup fait au Président de l’UNC. Mais n’ayant pas de raison de bloquer pour longtemps l’avion de Vital Kamerhe, la RVA Kisangani l’a finalement laissé s’envoler pour Goma où il a atterri à 15h30, heure de Goma. En l’absence du Gouverneur de Province, Son Excellence Julien Paluku Kahongya, en séjour à Kinshasa, le Président de l’UNC a été accueilli par le Ministre Provincial de l’Intérieur, Son Excellence Muhindo Mutete Mundenga.
Le constat est que le blocage de l’avion à Kisangani a été plutôt bénéfique pour Vital Kamerhe car toute la ville a eu le temps d’apprendre la nouvelle du blocage et de vouloir exprimer sa sympathie pour ce fils du Sud-Kivu qui n’est pas inconnu au Nord-Kivu et qui dans l’opinion locale est l’un des grands favoris aux élections de 2011. Comme Goma porte mieux que quiconque les plaies de la guerre d’agression qui dure depuis 1996, il faut comprendre que l’idée du changement de régime en R.D.Congo est le mot de passe dans cette ville des volcans. L’éviction de Vital Kamerhe du perchoir de l’Assemblée Nationale pour avoir dénoncer l’alliance contre nature de Joseph Kabila avec le Rwanda fait de Vital Kamerhe un héros au Nord-Kivu car en effet, ce qu’il craignait est arrivé, à savoir, l’insécurité, les massacres des populations. Pour cela, Vital Kamerhe est tenu pour prophète dans cette partie du pays.
L’annonce du ralliement sans condition et sans repentance aucune du CNDP, symbole des tueries massives au Nord-Kivu, à l’AMP, n’a fait davantage qu’éloigner les Nord-Kivutiens de Joseph Kabila, autorité morale et candidat présidentiel de l’AMP. Les Nord-Kivutiens auraient que Joseph Kabila conditionne l’adhésion du CNDP à l’AMP à l’arrêt des tueries, et à l’acceptation par l’armée du CNDP de servir aussi ailleurs qu’au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, et que les commanditaires des tueries soient punies par la loi congolaise. Aucun de cela n’a eu lieu.
Et comme si cela n’était pas suffisant, au cours de la nuit précédente, l’épouse de l’évêque Levy Mbala Milenge de l’ECC/Nord-Kivu, Maman Viviane, a été assassinée en son domicile dans la nuit par des hommes en uniforme. L’évêque lui-même survivant de l’attaque lutte entre la vie et la mort.
Tous les ingrédients pour assaisonner un accueil délirant à Vital Kamerhe, le héros de la dénonciation de l’alliance avec le Rwanda, étaient donc réunis.
De leurs quartiers, les Gomatraciens ont convergé en grand nombre au Rond Point Bralima, Centre Ville de Goma, non loin de l’OZACAF et de l’Alimentation TUTANE pour s’offrir une petite consolation et une lueur d’espoir d’une alternance politique au Congo de la part de l’ancien speaker de la Chambre.
Mais la Police en avait décidé autrement. Des policiers armés jusqu’aux dents et munis des bombonnes de gaz lacrymogène, ont pris position au Rond Point Bralima pour disperser la foule nombreuse qui s’y était amassée et qui agrandissait au fur et à mesure que l’arrivée de Vital Kamerhe était retardée. Cette foule qui a déjà tant pleuré a résisté sans problème au gaz lacrymogène. Devant ce défi inattendu, la police a recouru aux tirs de sommation pour créer un climat de terreur dans la ville et disperser la foule. Mais ces tirs n’ont fait que répandre la présence de Vital Kamerhe dans la ville et la méchanceté de la Police de la ville de Goma.
Le premier meeting de Vital Kamerhe n’a pas eu lieu mais son message sans mot est passé grâce à ceux qui l’avaient empêché de parler. Sans le savoir, la Police de Goma vient de faire de Vital Kamerhe, un autre héros de la lutte contre l’occupation de la R.D. Congo.
Pour sa securité personnelle, Vital Kamerhe s’est refugié au gouvernorat. La question que tous se posent est de savoir pourquoi une autorité accueillie avec honneur par le Ministre de l’Intérieur qui a en charge la securité de la Province peut être empêché par la Police de saluer les membres de son parti ? Est-ce que la Police de Goma dépend toujours du Ministère de l’Intérieur, ou alord du gouvernement parallèle que Vital Kamerhe a fustigé hier à Kinshasa lors du lancement officiel de l’UNC ?
Quoi qu’il arrive, l’arrivée de Vital Kamerhe à Goma est une grande réussite en ceci qu’elle a une fois de plus révélé que la République Démocratique du Congo n’est pas encore démocratique. Le peuple congolais est prêt pour la démocratie, mais ses dirigeants et leurs parrains internationaux ne sont pas prêts. C’est pourquoi l’opportunité de 2011 est une occasion en or pour que le peuple congolais reprenne son pouvoir de souverain primaire. Et pour cela, il faut des leaders convaincus et qui n’ont pas peur des armes ou de la mort car il n’y a pas de révolution sans martyrs. L’échec de la longue transition congolaise qui voulait se passer de la dure loi de la révolution est là pour rappeler aux congolais que leur libération ne fera pas l’économie de la lutte sous toutes ses formes. Les partis politiques de la R.D.Congo devraient se mettre en ordre de bataille pour diriger cette lutte congolaise contre les ennemis de la R.D.Congo.
Vital Kamerhe vient d’en goûter à Goma. Ceux qui ont cru faire œuvre utile en empêchant son meeting de Goma, ont, sans le savoir, fait sa campagne. En effet Vital Kamerhe est apparu comme un des Nord-Kivutiens réprimés par les armes depuis 1996 et qui n’ont pas la liberté d’exprimer leur ras-le-bol. Pour les politiciens, cette empathie avec la base est un capital politique de haute facture. Il ne faut pas être prophète pour prédire que, plus l’armée réprimera les candidats de l’opposition au Nord-Kivu et ailleurs à l’Est du pays, plus l’AMP alliée du CNDP-symbole de la répression sanglante, perdra davantage sa crédibilité et peut-être aussi la bataille électorale de 2011.
En effet, avec son monopole des armes, certains observateurs qui ne voient pas comment l’AMP alliée au CNDP non repenti peut remporter les prochaines élections en R.D.Congo, prédisent déjà le syndrome ivoirien avec la balkanisation de la R.D. Congo entre Est et Ouest. Le CNDP qui contrôle déjà militairement l’Est, constituerai l’armée de cette partie du pays où Joseph Kabila pourrait se refugier avec une défaite dans les urnes. L’infiltration incontrôlée de ceux qu’on appelle retournés du Rwanda ou déplacés de Masisi est perçue au Nord-Kivu comme un moyen de s’offrir une population sympathique parlant la même langue que les parrains rwandais du CNDP. Le refus d’arrêter ou de dénoncer les massacres actuels des populations congolaises du Nord-Kivu serait un message aux populations du Nord-Kivu qu’elles doivent laisser la place aux retournés du Rwanda plus proches du CNDP… Mais à la différence de la Côte d’Ivoire où chacun de deux belligérants est populaire dans son fief, le CNDP n’est ni populaire ni majoritaire à l’Est du pays. Il ne s’y maintient que par les armes. Pour que le CNDP établisse son règne à l’Est du pays, il a deux choix, notamment, la conversion à la vraie démocratie ou le génocide des populations congolaises qui lui opposent depuis toujours une résistance farouche. Pour l’instant, il parait que la deuxième voie soit celle sur laquelle le CNDP est engagée en dépit de bonnes intentions de démocratie exprimées ci et là. Au CNDP de prouver le contraire dans les jours et les semaines qui viennent.
Interrogé sur le pourquoi de l’attitude de la Police de Goma, un policier qui a requis l’anonymat a dit que, d’après sa hiérarchie, l’heure de la campagne n’était pas encore arrivée et que Vital Kamerhe était accusée d’aller vite en besogne. Il y aurait donc une confusion entre lancement d’un parti politique, un rassemblement des membres d’un parti politique et une campagne électorale. Pourtant le lancement de l’UNC de Vital Kamerhe n’avait pas été réprimé à Kinshasa ? Pourquoi Goma fait-il toujours le contraire de ce qui se fait à Kinshasa ?
Interrogés sur leur appartenance politique et sur leur candidat favori aux élections de 2011, plusieurs sympathisants n’ont pas caché leur profond mécontentement vis-à-vis du gouvernement actuel avec son record des promesses non tenues, l’insécurité, la collaboration avec le Rwanda qui n’a fait qu’accroître l’insécurité dans la région au lieu de l’éradiquer comme promis, etc.
A la question de savoir s’ils sont pour Vital Kamerhe, plusieurs ont répondit qu’entre la vie et la mort, le choix est clair. D’autres ont dit qu’ils voudraient d’abord connaître tous les nouveaux candidats présidentiels pour se prononcer et qu’ils voulaient d’abord entendre le message de Vital Kamerhe. La bataille électorale de 2011 au Nord-Kivu s’annonce ainsi très dure et époustouflante pour les candidats qui devraient braver les intimidations de la police et faire mieux que d’entonner des petits slogans, faire une litanie des promesses, distribuer des pagnes frappées à leurs effigies, etc.
De Goma,
A. Maene
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