





La première plénière de la Conférence de Goma, deux fois reportée, a finalement eu lieu ce mercredi 9 janvier 2007. Tout s’est passé dans une ambiance bon enfant, chaque intervenant s’efforçant d’être positif sur l’issue de la Conférence sans vraiment oser réveiller le chat qui dort. On peut dire sans se tromper que les différents orateurs du jour ont démontré ce que les congolais savent mieux faire : les discours et la fidélité au guide. Même absent de ce lieu où il devait être, le Président de la République Joseph Kabila, est toujours le héros de la Conférence comme a l’époque du guide éclairé, le Marechal Mobutu.
La journée de demain sera consacre a l’audition des déclarations des communautés ethniques des deux Kivu et deux organisations humanitaires. Si certaines communautés ont déjà trouvé qui va parler pour elles, d’autres ne savent pas encore qui prendra la parole au nom de tous. Dans cette catégorie se trouve la communauté Nande du Nord-Kivu dont le Président ainsi que tous les membres de son comité ont décliné l’invitation à la Conférence. Mais on peut être sûr que dans un Congo où la tricherie et l’imposture ont pignon sur rue, chaque communauté aura demain un porte-parole qui parlera au nom de sa communauté ethnique sans en avoir le mandat. Cette limite de représentativité accompagnera toutes les décisions de la Conférence de Goma que la base pourra rejeter à tout moment. Les organisateurs de la Conférence seront tenus responsables de cet écueil juridique qu’ils pouvaient éviter en recourant seulement aux élus de chaque province dans un premier temps. Ce n’est que quand les élus ont échoué qu’on organise des nouvelles élections pour élire des hommes capables de trouver des solutions aux problèmes que leurs prédécesseurs n’ont pas pu résoudre.
Parmi les discours du jour, ceux des membres du gouvernement ont retenu notre attention. Ces derniers ont tous parlé de ce que les congolais connaissent déjà si bien, à savoir, les cinq chantiers du Chef du l’Etat ( eau, route, énergie, etc.) qui n’attendraient que la paix pour être matérialisés dans les deux Kivu. En suivant leurs discours on pouvait penser que les cinq chantiers connaissent déjà un début d’exécution dans d’autres provinces. A Kinshasa où nous avons séjourné pendant les festivités de Noël, les kinois appellent aujourd’hui « cinq chantiers » les trous qui jalonnent les quelques chaussées encore existantes dans la ville, ou les coupures intempestives de courant, etc. Entre l’Unikin et le Centre ville, les automobilistes font entre deux et trois heures. La cause de ces trous, coupures de courant ou « cinq chantiers » dans la ville de Kinshasa est-elle la présence des FDLR, des conflits interethniques ? Non. On espère que les délégués du gouvernement pourront être un peu plus profonds dans leur prestation à venir en ôtant leurs masques pour parler des problèmes que leur gouvernement semble incapable de résoudre. On attend de membres du gouvernement qu’ils disent pourquoi les accords de paix et toutes les négociations du passé n’ont pas pu ramener la paix, non pas seulement au Kivu mais partout au Congo.
La crise du Congo est globale et nécessite une solution globale. Le problème d’occupation par une armée étrangère ou par des rebelles à la solde de l’étranger ne se pose pas qu’au Kivu. Qu’on se rappelle l’occupation militaire de Kahemba, l’occupation de plusieurs localités de la province orientale par les Mbororo, la présence des rebelles du SPLA à la frontière congolo-soudanaise, etc. Tous ces problèmes relèvent d’une même source, à savoir, la faiblesse de l’Etat congolais. Prendre acte de la faiblesse de l’Etat congolais dans la défense du territoire national et la sécurisation des personnes et de leurs biens devrait être le premier point à l’ordre du jour de la Conférence.
Une autre question que les participants devraient mettre à l’ordre du jour, c’est le mandat et le statut des résolutions des assises Goma pour lever les contradictions constatées dans les différents discours depuis l’ouverture des travaux. La conférence a-t-elle un caractère consultatif ? Si oui, comment peut-on faire reposer tous les espoirs sur une simple consultation comme si la crise du Kivu est née de la dernière pluie ? Cette crise figurait déjà au dialogue de Sun City, avant cela de Lusaka, et j’en passe !
Denis Kalume dans son intervention de ce mercredi 9 janvier, a émis le souhait de voir la conférence aboutir à la création d’un comité de suivi et d’application des résolutions de Goma. Ce souhait contredit les propos du Président de la Conférence pour qui la conférence n’aura qu’un pouvoir de suggestion d’un agenda de paix et de développement pour les deux Kivu, un agenda à soumettre au gouvernement actuel pour son application.
Dans la mesure où le comité de suivi sera constitué des membres du gouvernement participant à la conférence, il n’y a rien à redire. Dans le contraire, on assisterait à un partage ou un élargissement du pouvoir aux membres du comité de suivi. Cette contradiction fait entrevoir des débats houleux dans les jours à venir sur le mandat de la Conférence.
Les observateurs qui ont passé au peigne fin les propos de Kalume mettent en garde les participants sur la proposition de la formation d’un comité de suivi qui peut constituer la base lointaine du gouvernement autonome du Kivu sous l’œil regardant de la Monuc. Pour convaincre les Kivutiens à accepter ce schéma, les cinq chantiers pourraient avoir un début rapide d’exécution dans les deux Kivu, raison pour laquelle la conférence a voulu lier les thèmes de la paix et du développement.
La raison de la bousculade constatée à Goma pour insérer des délégués de la dernière minute peut-être en prévision du vote décisif des membres de ce comité de suivi qui semble être l’enjeu le plus facile à atteindre à ce premier stade d’un complot qui peut être long. L’étape du retour des refugiés tutsi au Congo est aussi en perspective, et ainsi de suite.
Pour éviter de tomber dans ce piège, les participants devraient tout faire pour que le Président de la République, le Gouvernement ainsi que les Institutions issues des élections, assument le suivi et l’application des résolutions de la Conférence de Goma, comme cela été bien dit par le Président de la Conférence, l’Abbé Malu-Malu.
Paul Maene
Goma
Beni-Lubero Online





