





Une grave fracture au sein de la Communauté Nande est survenue hier Vendredi, 11 janvier 2008, jour que les Nande de tous temps se rappelleront. La ligne rouge a été franchie quand Mr BALINANDE MUSAVUKA IVANGYE, Président de l’Association Culturelle Nande de Kinshasa, a été dépêché à Goma pour y prendre la parole au nom de la Communauté Nande du Nord-Kivu. Cette réflexion concerne non pas le contenu du memo de Balinande mais la qualification de son acte comme usurpation par le camp du boycott de la Conférence.
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On se rappellera que la Communauté Nande du Nord-Kivu à qui habituellement revient l’honneur de parler au Nom des Nande quand une réunion ou une conférence se tient à Goma, avait décliné l’offre en décidant en assemblée plénière de boycotter la Conférence de Goma parce qu’elle la trouvait floue dans ses objectifs et dans son organisation. La Communauté Nande du Nord-Kivu était ainsi la seule qui n’a pas mordu à l’hameçon de Malu Malu et de Kamerhe, non pas qu’elle ne souscrit pas à l’agenda de la paix, mais parce qu’elle a un autre agenda de la paix qu’elle pense être plus à même de ramener une paix durable au Kivu.
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Dans son entendement, la Communauté Nande s’attendait à ce que sa chaise reste vide pendant la durée de la Conférence. Elle avait opté pour ce qu’on appelle la politique de la chaise vide, laquelle, d’après elle, et dans le cas d’espèce, est plus payante pour les Nande que la politique d’une chaise occupée pour la forme et le décor voulu des concepteurs et organisateurs. C’était sans voir que Mr Balinande de Kinshasa serait parachuté à Goma pour occuper cette chaise vide.
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D’après certaines informations du camp des boycotteurs de la Conférence de Goma, les organisateurs auraient fait venir manu militari Balinande de Kinshasa pour combler le vide crée par la Communauté Nande du Nord-Kivu. Et pourtant en démocratie, la chaise vide est reconnue comme forme d’expression de volonté politique. Une ou plusieurs chaises vides dans un hémicycle est un signe d’un avis contraire ou contradictoire des occupants des chaises vides. En effet, la chaise vide est comme une abstention que les organisateurs d’un vote ou des élections ne s’empressent pas de transformer en un vote positif. L’abstention est une forme de réponse que l’on respecte et que l’on comptabilise dans le tableau des résultats finals. Les partisans du Non espèrent que l’abbé Malu Malu qui est accusé dans l’affaire Balinande et qui avait organisé les élections de 2006 avait tenu compte de ce respect des abstentions ou des non, sinon il y a lieu de se poser des questions sur leur validité. En effet, il n’y a que dans les dictatures où l’on ne tolère pas les idées contradictoires, les abstentions, et où les dirigeants sont toujours élus à 100% des voix. La façon dont la chaise vide de la Communauté Nande a été occupée hier à Goma laisse penser que la Conférence de Goma entend faire du 100% d’ici le 21 janvier, date prévue pour la fin des travaux. Si c’est cela le cas, il y a lieu de craindre pour ceux qui voteraient contre les résolutions finales. La chaise vide des Nande aurait rendu plus crédibles les Assises de Goma, au moins dans le monde civilise où l’opposition est permise et respectée.
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A la suite de cet incident malheureux, la communauté Nande est plus que jamais divisée entre les partisans de la chaise occupée et ceux de la chaise vide. Apres le forfait de Mr Balinande qu’on appelle, à tort ou à raison, usurpateur, l’heure est à la recherche de celui ou de ceux qui ont fait venir Balinande de Kinshasa. D’aucuns accusent Malu Malu, ce qui parait une accusation facile, sachant que Malu Malu est Nande et Président de la Conférence. Les Nande ont besoin des preuves. Si Balinande était député national ou ministre, la question de sa descente normale ou forcée à Goma ne se poserait pas car tous les élus Nande et les Nande membres du gouvernement sont invités à la Conférence. Y-a-t-il d’autres Nande de Kinshasa et d’autres villes du pays qui ont été invités à la Conférence ou c’est seulement Mr Balinande, l’occupant de la chaise laissée vide par l’ACN du Nord-Kivu ? Est-il vrai que Balinande n’était pas à Goma à la séance d’ouverture et qu’il ne serait arrivé dans la ville des volcans que le mardi 8 janvier ? Si cette information se confirmait, il y a lieu de penser qu’il était réellement venu occuper la chaise vide constatée lors de la séance d’ouverture de la Conférence. Mais pour éviter de faire un procès d’intention, il convient d’attendre la réponse des personnes incriminées dans l’affaire Balinande.
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Les partisans de « la chaise occupée » défendent Mr Balinande en disant qu’il a le droit de parler au nom de la Communauté Nande en tant qu’élu du Kyaghanda de Kinshasa. D’après ces derniers, le Président de la Communauté Nande du Nord-Kivu, en l’occurrence Me Fataki, ne représente que les Nande de Goma qui l’ont élu à la position de Président. Etre Président de L’ACN de Goma ne donne pas le titre de représentant de tous les Nande du Nord-Kivu et encore moins des Nande du Congo ou de la diaspora qui ont chacun leurs associations culturelles.
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A ceci, le camp du boycott demande qu’au nom de la fraternité Nande, Balinande pouvait par courtoisie prendre langue avec le président de la Communauté Nande de la ville où se tient la conférence pour parler des circonstances de sa nouvelle nomination. Le choc aurait été moins brutal, pensent ces derniers. Mais si son voyage était précipité, aurait-il eu ce temps, malgré une présomption de sa bonne volonté ?
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L’affaire Balinande suscite plusieurs questions dont par exemple celle de savoir s’il existe au sein de la Communauté Nande une plateforme qui regroupe toutes les associations culturelles Nande au niveau du Congo ou du monde entier. Y-a-t-il un Kyaghanda national ou International ? Y-a-t-il un chef coutumier au-dessus de tous les chefs de clans Nande ?
Les deux camps répondent par la négative à toutes ces questions.
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Dans ce cas qui peut alors représenter la Communauté Nande ? Le ministre, le député, le prêtre, l’évêque, le riche, le chef coutumier, le chef rebelle, celui qui a des entrées faciles chez Joseph Kabila ou chez William Swing ou son remplaçant ? Toutes ces catégories des personnes qui se sont toujours autoproclamés notables, leaders, ou représentants des Nande doivent être revues depuis l’incident malheureux de l’affaire Balinande, dont la représentation de tous les Nande est contestée par le camp du boycott même si son nom est le seul à comporter le mot « Nande ». En effet, « Balinande » veut dire littéralement en Kinande, « avec qui sont-ils ? ». Partant de l’incident provoqué par Balinande, on peut se poser la même question : Avec qui sont tous ceux qui s’autoproclament notables, leaders politiques, représentants des clans, des chefferies, etc. Pour qui roulent-ils ?
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Après les élections de 2006, les notables de la capitale devaient savoir que leurs bases ont changé sans qu’ils s’en rendent compte. En effet, presque tous ceux d’entre eux qui étaient candidats aux législatifs, avaient subi un cinglant échec. Ils étaient désavoués par le peuple qu’ils targuent de représenter à Kinshasa. Ils ne sont plus connus par leur base. Les quelques notables de Kinshasa qui ont été élus, étaient pour la plupart ceux qui avaient profité de l’argent du gouvernement pour superviser certains projets du gouvernement qu’ils ont présenté comme les leur. Ceci doit avoir joué à leur faveur. Les résultats de la CEI sont encore la pour corroborer ce constat. Mais ces honorables ne semblent pas avoir assimilé la leçon.
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Depuis le début de la guerre d’agression, la Communauté Nande du Nord-Kivu a toujours été représentée par les élus du Kyaghanda de Goma, la capitale provinciale. Les Nande de partout ont toujours félicité ces patriotes de l’ACN de Goma pour leur courage et leur franc-parler dans un contexte difficile. Pourquoi les mêmes Nande leur raviraient cet honneur aujourd’hui quand en connaissance de cause, ils décident de s’exprimer autrement ?
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L’affaire Balinande réveille la douleur d’une déception vécue par la Communauté Nande du Nord-Kivu. Il s’agit de la non participation du camp du Mai-Mai Jackson, reconnu comme combattant Nande sur le niveau national et international. Sa délégation n’a pas été acceptée à la conférence de Goma, un fait incompréhensible pour plusieurs Nande qui voient en Jackson le Mai-Mai qui connait le terrain mieux que quiconque car il a souffert de l’agression rwandaise, fait la prison, défendu des villages et localités dans trois territoires du Nord-Kivu, à savoir Beni, Lubero, et Rutshuru. Entre Jackson, combattant de terrain et Balinande, un invétéré kinois depuis plus de 20 ans, qui peut parler de la guerre qui sévit au Kivu ? Le cas de Jackson devient plus intéressant car lui voulait participer à la Conférence. Mais il n’a pas été repris sur la liste élastique qui est passe de 500 à 1300 participants, si l’on en croit certains chiffres. Si Jackson n’est pas à Goma, qui va parler pour la résistance Nande de Beni, de Lubero, et de Rutshuru ? Quel critère a-t-on utilisé pour éliminer le seul Mai-Mai qui a amené au brassage près de 600 combattants ?
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C’est ainsi que la Communauté Nande du Nord-Kivu organise demain dimanche 13 janvier 2008, une assemblée plénière extraordinaire pour faire suite à ce qu’elle appelle trahison des organisateurs de la Conférence de Goma et usurpation par Balinande de la précieuse chaise vide de la Communauté Nande du Nord-Kivu. La déclaration de cette assemblée extraordinaire est attendue par les Nande du monde entier. Aussi d’autres réactions des uns et des autres pourront enrichir ce débat ouvert au sein de la communauté Nande.
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L’affaire Balinande, repose la question de la représentation au sein de la Conférence de Goma qui apparait dans ce cas de figure comme une coquille vide de sens. Les répercussions de l’affaire Balinande vont au-delà de la seule communauté Nande aujourd’hui divisée vis-à-vis de la Conférence de Goma. Tous ceux qui prétendront parler au nom de leurs communautés ethniques à Goma doivent se poser la question de leur mandat. De qui ont-ils reçu le mandat de représenter leur ethnie ? En effet pour être représentant d’un groupe il faut être l’élu de ce groupe et investi officiellement du pouvoir de représentation ou délégation. Or, aucune ethnie n’a jusqu’à ce jour fait des élections pour élire ses présentant ethniques. Même pendant le moment le plus bas du Mobutisme tant décrié, le pouvoir n’était plus officiellement ethniciser comme dans l’actuelle Conférence de Goma. La politique ethnique que l’on voit apparaitre à Goma fait reculer la démocratie congolaise de plusieurs siècles de civilisation. Cette politique n’est pas visiblement une invention congolaise où l’on compte 400 ethnies. Si chacune de ces ethnies demandait une auto-détermination, un territoire, le Congo serait divisé à 400 morceaux avec les conséquences que cela comporte. Même au Rwanda où il n’y a que deux ou trois ethnies on fait des efforts pour qu’il n’y ait pas une politique basée sur l’ethnie, sachant les conséquences de la radicalisation de l’ethnie dans la gestion de la cité. Les organisateurs de la conférence de Goma semblent ignorer les conséquences fâcheuses de cette ethnicisation de la conférence. D’ailleurs depuis le passage des porte-paroles des différentes communautés ethniques à la tribune de la Conférence de Goma, la tension monte et on se demande si une conférence qui se veut une simple consultation arrivera à maitriser cette tension ethnique et les revendications à caractère ethnique qui fusent de partout avec un radicalisme étonnant. .
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Nous ne le dirons jamais assez : pourquoi les concepteurs de la conférence du Kivu ont-ils décidé de passer outre le cadre issu des élections pour descendre si bas au niveau des ethnies, des tribus ? Cette chute libre vers la politique tribale est absurde et dangereux pour la démocratie congolaise.
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L’affaire Balinande repose aussi pour toute la Conférence de Goma, le critère de sélection des participants. Comment étaient choisis les participants ? Qui sont-ils ? La conférence est-elle une « foire des copains » comme on peut le lire sur plusieurs blogs des congolais ? Les analystes de chaque territoire feraient œuvre utile en brossant de manière succincte la biographie de chaque participant de la Conférence de Goma pour savoir qui est représentatif et qui ne l’est pas ?
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Nous ne pouvons pas conclure cette réflexion sans parler de deux têtes d’affiche du Kivu sur qui tous les soupçons pour certains et tous les espoirs pour d’autres, sont orientés. Quel crédit peut-on donné aujourd’hui à Kamerhe et à Malu- Malu pour qu’ils président au destin du Kivu ? Qui les a mandatés dans cette mission dite de pacification ? La question de représentation les concerne aussi malgré tous leurs titres de noblesse.
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Le fait que Vital Kamerhe et Malu Malu soient les deux cerveaux moteurs de cette conférence n’est pas anodin. Si Vital Kamerhe a fait élire Kabila en disant aux Kivutiens que c’était le candidat de la paix, Malu Malu avait convaincu les congolais que les élections conduiraient à la pacification du Kivu et que les puissances étrangères étaient crédibles dans leur promesse de soutenir le gouvernement issu des élections. Ils avaient su en ce moment là rassemblé autour d’eux les Kivutiens. Mais aujourd’hui, leur crédibilité s’est érodée du fait qu’aucune de leurs promesses n’a été tenue. Au lieu de la paix, on assiste toujours aux massacres des Kivutiens. Et le gouvernement sorti des élections organisées par Malu Malu est depuis sa formation contourné par la même communauté internationale. Mais curieusement, Kamerhe comme Malu Malu, ne semblent pas souffrir de la déception de leurs frères et sœurs Kivutiens. L’agenda de la Conférence de Goma est une contradiction nette et claire de la logique des élections de 2006. Mais les deux hommes, ne semblent pas voir cette contradiction. S’ils voyaient la même contradiction, ils devraient au moins expliquer aux Kivutiens l’opportunité de ce nouvel agenda d’une Conférence de paix pour les deux seules provinces du Kivu.
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Il en est de même de la communauté internationale que l’on ne peut que soupçonner derrière cet agenda qui contredit la transition politique en cours au Congo. Si Joseph Kabila et la Communauté internationale pensent qu’ils peuvent jouer les mêmes cartes de Kamerhe et de Malu Malu pour réussir de nouveau, coup sur coup, un autre pari au Kivu, en dépit de contradictions notoires, ils peuvent se détromper. Chercher à ignorer les points des vus contradictoires ne ferait que rendre difficile voire impossible le pari de la paix au Kivu.
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Beni-Lubero Online





