





Sa mort inopinée, rapide éclair zébrant dans les cieux, nous fut un terrible choc. Et tous unanimement, avons-nous pleuré de chaudes larmes lorsqu’elle nous fut annoncée que ce fut comme un rêve doublé de doute et de refus puisque nous le savions fort et valide, sa relégation à terme. Pourtant la nouvelle se répandait déjà aux lois classiques et rationnelles de concision, clarté, évidence… et les médias tant étrangers que locaux le répétaient alors distinctement : « Mgr Kataliko est mort ! » Deuil généralisé dans nos cantons, et jusqu’à nos jours, de différentes manières, dans le cœur de chacun, il se porte encore, non pas cendre à la tête en signe de défaite, de résignation et d’abandon mais muni d’une ferme détermination sans crainte, d’emporter jusqu’aux confins son message de justice, de paix, de vérité, d’humilité, de lutte pour les opprimés, d’entrepreneur ne cédant jamais à la fatigue et désolation avant toute réalisation concrète et palpable de l’objectif assigné, sa devise étant d’aller le plus loin possible, de conduire au large tout ce qui traîne sur le chemin…
C’est mu par ce même enthousiasme, deuil à jamais levé non pour une tristesse apathique de fainéantise et de démission, mais pour un spécial hommage de réveil et prise de conscience que les hommes de lettre, « véritable salon littéraire Mgr Kataliko » de quatre coins et chacun suivant ses performances, plume à la main, se mettent fermement, dans leurs grimoires même de plumitif, à rédiger leur mot de condoléances. Véritable alerte qui, loin d’écarter ou d’omettre ces pleurs silencieux d’hommes « avalant ainsi peut-être leurs larmes », leur souci majeur demeure la pérennisation de la mémoire de Son Excellence Monseigneur Emmanuel Kataliko, à la suite d’ailleurs d’OVIDE pour qui « les chants des poètes vivent plus longtemps que les actions qu’ils ont célébrées » de sorte que ces actions, aussi minimes soient-elles, survivent éternellement avec ces chants, qu’on peut alors être héros sans jamais ravager la terre même par une quelconque arme. C’est ce qu’a été la vie de Mgr Kataliko et que demeure son être dont l’hommage ci-après (ayant bénéficié de la lecture de l’Abbé VYAKUNO Emmanuel) nous invite à porter à jamais son deuil dans la pleine conviction d’être modelé à son image et de le revoir un jour…
AFFREUX JOUR
Affreux jour
De la douloureuse mort
De notre Pasteur
Dieu, dans sa magnificence
A voulu que tu ne reviennes guère.
Affreux jour
De la glorieuse mort
De notre Pasteur
L’homme, dans sa croyance
T’a érigé en sainte mémoire.
Affreux jour
De la très douce mort
De notre Pasteur
A toi, nous présentons au Père
La précieuse perle de notre Eglise.
Affreux jour
De la nuit du quatre octobre
Qui, d’un arc-en-ciel
Auréola notre paisible Pasteur
Rappelle-nous l’humilité et la concorde.
Monseigneur Kataliko
Splendide cadeau de notre Eglise
Du haut du ciel
Parmi tous les saints
Mène-nous toujours au Père.
UNE LARME POUR TOI…
A ce fils de prédilection de l’Immaculée
Dont le labeur restera à jamais inachevé !
Accueille, O Père, notre larme d’aurevoir
Dans un modeste chant, poème d’espoir.
D’un nom que nul prétentieux n’a osé porter
Puisque de son essence, honoré et sacré
Il se nomme dès le berceau culturel ‘KATALIKO’
Et eux, majestueusement, l’appelaient ‘Catholique’.
Au-delà de tout sarcasme de moquerie sociale
Aux pas cadencés d’un chevaleresque souriant
Ame courtoise, humoriste et esprit d’écoute
Ils l’appelaient, l’admirant, le ‘Scout’.
Si vous voulez lui rendre votre hommage
Effacez-moi ostensiblement cette voix fade
Murmurant encore au cœur de l’humanité
Grâce : « Tout est Grâce » pour notre félicité
Randonnée où vous le découvrez sans ambages :
Kraft de notre patrimoine au fond de la mer
Astre matinal à l’aube de notre église
Trésor de paix, d’amour et de justice
Axe articulatoire où pivote notre gloire
Livre d’or de la vie en toute humilité
Illustrant notre pauvre existence
Klaxon dans les traquenards inciviques outrés
Ossature incommensurable de notre avenir.
Et fort de cette assurance de victoire
Marchant au rythme des aiguilles d’une montre
Mater ecclesiae, duc in altum
Au rang céleste de tous les bienheureux
Notre Pasteur plein de zèle pour son troupeau.
Universellement marqué dans notre histoire
Et nos fils et leurs fils l’apprendront
La mort n’a eu aucune prise sur son être.
VENERABLE VIEILLARD
Modeste et vénérable vieillard
Très cher honorable vieillard
Ni trop jeune ni trop vieux
Pour se taire devant la vérité
A l’humble qualité de l’unité
D’un âge normal de tout vieux
Au statut social d’un élu de Dieu
Et au sort de tout prophète pieux
Dénonçant le malheur de son peuple
Livré aux razzias des pillards
Il nous a prévenus et parlé si fort
De l’occupation territoriale congolaise
Pour être la personne non grata
L’instigateur de la haine tribale
Voué à une mort ignominieuse
Pour mériter une relégation honteuse.
Mais qu’est-ce donc, chers frères,
Au-delà de tous ses bienfaits
Qui lui a valu cet dur exil
Dans son propre pays
Dans le pays de ses ancêtres ?
Un message pastoral de Noël !
Une exhortation au peuple de Dieu !
Modeste et vénérable vieillard
Très cher honorable vieillard
A toi tous nos hommages.
Et sur le chemin de l’exil
A l’image de nos devanciers dans la foi
Très saints pères de l’Eglise
Pendant les grandes persécutions
Vos détracteurs, vos persécuteurs
Ironiquement dirent entr’eux :
Nous verrons si Dieu va le sauver
Le délivrer de cette risée publique.
Et cette voix qu’ils ont voulu faire taire
A résonné jusqu’aux confins de la terre
Où de partout l’on a crié sans cesse
Rendez-lui donc sa pleine justice
Remettez-nous notre Pasteur
Ne touchez point à l’oint du Seigneur.
Qu’on déchire, qu’on fusille ses portraits
Qu’on l’injurie par les voies des ondes
Qu’on l’épie dans son lieu d’exil
Il ne mourra pas d’un coup de poudre
Il ne mourra pas d’un coup de fusil
Il ne mourra pas d’un coup de poignard
Il ne tombera pas sous vos méfaits.
Et sa parole de paix et de vérité
Epée tranchante, flèche aiguisée
Plus pénétrante qu’un glaive
S’élève cependant au-dessus des nuées
Pour la grâce d’une bonne mort
Dans le coeur de l’humanité entière
Au milieu de tous nos patriarches
Au devant du vicaire du Christ
Comme lors du tribunal céleste
Parmi les bienheureux de Dieu
Pour montrer quelle place d’honneur
Il occupe déjà auprès du père.
Modeste et vénérable vieillard
Très cher honorable vieillard
A toi nos hommages.
Il n’était pas temps que tu meurs
Mais l’éternel a son programme
Qui nous fait l’expérimenter
Comme le Dieu Tout-Autre
Qui, de nos douloureuses larmes
De tristesse et d’angoisse
Fait jaillir une extrême joie de grâce
D’avoir un si grand ambassadeur
De nos misères et des nos malheurs
Auprès de la Reine de la paix.
Héraut de ce siècle finissant
Héros de notre histoire
Tu es la précieuse pierre angulaire
De l’Eglise de ton maître
Sur laquelle n’aura aucune prise
Le pouvoir temporel des puissants
Pour une vie éternelle sans fin
Auprès de tous les saints.
Modeste et vénérable vieillard
Très cher honorable vieillard
A toi nos hommages.
PORTEZ SON DEUIL
Ne l’oubliez guère dans votre désarroi
C’est un fils d’un roi qui s’en est allé
Non frère, un prince, un chef, un roi
Et son deuil se porte de toute éternité.
Il se nomme par-dessus tout Kataliko
Pour la fermentation d’un vin nouveau
Délicieux vin, révélateur de la vérité
En vue d’un avenir enviable et rassuré.
Où avez-vous donc reposé son précieux corps
Dans une souterraine tombe de bout couverte
Claustras–murs d’une pyramide pharaonique
Abri des mites à l’ignoble action dévastatrice !
Et cette jeunesse dont il demeure le patron
Ne clame-t-elle pas au-delà de toute menace
Que Monseigneur Kataliko n’est jamais mort
Qu’il survit à travers ses projets et ses œuvres !
Ingénieux sépulcre d’incommensurable victoire
Que flotte donc haut cet étendard de gloire
Pour que toutes les générations dans l’histoire
Se souviennent et se réjouissent de sa mémoire.
NOUS TE VERRONS…
Au jour du banquet seigneurial
Vêtu de costume royal
Nous te verrons face à face
Mgr Kataliko
Assis auprès de ton Maître
Parmi les puissances célestes, naître.
Nouvelle page de l’Ecriture
Eclairant les Evangiles à leur lecture
Marqué du sceau de la Victoire
Mgr Kataliko
Tu es de ton peuple, la gloire
De notre église, l’honneur.
Celui que tu as servi en vérité
avec justice et fidélité
amour et charité
Mgr Kataliko
T’accueille dans Son éternité
Auprès de la Reine de l’humilité.
Et sur notre terre de remords
Où repose ton mortel corps
Requiescas In Pace
Mgr Kataliko
Que terre te soit molle et légère
Pour la vie éternelle du Père.
Joyeux dans l’espérance
de notre croyance
Nous te reverrons
Mgr E. KATALIKO
ADIEU REVEREND ABBE ROMAIN
Une larme de plus de nos yeux
Epitaphe circonstancielle d’adieu
Lamentation de profonde consternation
Imprécations de sentencieuse malédiction
Mais si Dieu ne s’en détourne guère
D’accueillir au paradis une pieuse âme
Que reste-t-il de précieux aux hommes
Sinon de s’imbiber de ce sang martyr
Nouvelle semence améliorée de l’Evangile
Pour la conversion totale des incrédules.
Adieu Professeur Révérend Abbé Romain
Pour le Royaume céleste des saints.
MOURIR N’EST RIEN
A la cime du haut village
Résonne le tam-tam funèbre
Et tous les oiseaux dans son sillage
Chantent l’hymne lugubre :
-"Il est mort, oui, le roi est mort
"Reines, couvrez-vous, voici la cendre
"Accourez, joignez-nous au cor
"Reines, embaumez-vous sans rien prendre.
"O Devin; maître de notre coutume
"Le Roi n’est plus, le Roi est mort
"Reines, calmez-vous. Ecoutez notre devin légitime".
-"Mourir n’est rien. Mais l’inadmissible mort
"Est cette mort sans charité, sans un seul écrit
"Ignoble et horrible mort, prodrome de l’enfer déchu".
LE CARNET DE LA VIE
Et là dans mon petit carnet
Charabias illisibles et inintelligibles
Ne vous y étonnez pas chers amis
Ils sont tous pleins des mots
Qui vous chantent la mélancolie
Qui vous tournent en rond
En vue de votre réprobation
Critique de destruction
Mon petit carnet ! Petit calepin
Où s’inscrit jour à jour ma vie
Dans son train-train d’ignominie.
Ne l’effacez donc plus à jamais
La vie est un minuscule livret
Fascicules fragmentés d’entrefilets
Dont on découvre le plus souvent
– et donc bien alors malheureusement
Perspicacité, sagacité et teneur
Après la mort de son auteur.
Butembo, le 19 Septembre 2002
© K. K. Florent





