





Honorable Président de l’Assemblée nationale,
Honorables Membres du Bureau,
Honorables Députés, chers Collègues,
Tous nous condamnons tous les jours la deuxième République et la faillite économique dans laquelle elle a laissé le pays. Beaucoup se demandent comment une telle folie collective a pu être possible. N’interrogez pas l’histoire. Regardez ce qui se passe aujourd’hui. Les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Honorable Président, permettez-moi de faire un rapide rappel historique.
Honorables Députés, chers Collègues,
Le drame de la dette publique congolaise s’est noué en 4 ans au début des années soixante-dix. Nous en souffrons encore aujourd’hui.
La dette congolaise est constituée principalement de la Dette Publique d’Etat à Etat et de la Dette Privée garantie par l’Etat, à laquelle s’est ajouté tout le stock de la zaïrianisation. Cette dette a été contractée entre 1970 et 1973 dans 8 projets principalement : Inga I, Inga II, la ligne Inga-Shaba, La Voix du Zaïre, le CCIZ, la métallurgie de Maluku, l’Hôtel Karavia et la Cimenterie Nationale.
Ensuite est venu la zaïrianisation. Devenus les parias de la communauté internationale, nous avons perdu toute capacité d’emprunter sur le marché international.
Enfin le coup de grâce a été le choc économique causé par l’embargo pétrolier de 1973. Après cela, les prix des matières premières ayant substantiellement baissé, nos capacités de rembourser nos emprunts se sont perdues. On appelle cela : « la détérioration des termes de l’échange ».
Honorable Président,
C’est ainsi qu’en 1977, pour la première fois nommé Ministre des Finances, appellé à la rescousse pour essayer de redresser les choses, j’ai déclaré dans une conférence de presse à Bruxelles : « Le Zaïre est à genoux ». Les nationalistes de l’époque m’ont reproché cette déclaration défaitiste pensaient-ils. J’ai donc été limogé. Le Zaïre a attendu 4 ans encore avant de se rendre à l’évidence de ses difficultés et de se mettre sous la coupe des Institutions de Bretton Woods sans avoir vraiment une vision propre de ce que devait être son avenir économique.
Ca c’est une partie de l’histoire. Que beaucoup déjà connaissent. Il y a une autre histoire, moins officielle, qui raconte comment tous ces engagements qui ont plombé l’économie zaïroise, tous ces contrats, qu’ils soient publics, ou privés garantis par l’Etat, étaient négociés par la Présidence, à l’insu du gouvernement et des ministres compétents en la matière. Ne parlons même pas du parlement. Demandez à ceux qui occupaient les responsabilité s au plus haut niveau de l’Etat à l’époque. La Présidence décidait. Soit parce qu’elle avait voulu faire plaisir à un ami du Zaïre, entendez un ami personnel du Chef de l’Etat, soit parce qu’un illuminé ou un petit groupe de savants avait réussi à convaincre le Chef de l’Etat que sa nouvelle martingale économique était celle qui allait résoudre toute nos difficultés comme par un coup de baguette magique. Comme les ordres venaient de la Présidence, tout le monde suivait. Même ceux qui trouvaient les accords nocifs et dangereux.
Honorable Président de l’Assemblée nationale,
Honorables Députés, chers Collègues,
Ce qui me révolte et m’arrache le cœur, c’est qu’aujourd’hui nous assistons exactement au même spectacle que dans les terribles années soixante-dix. En 1970-73 je n’étais pas un personnage considérable ; ni ministre, ni PDG, même pas politicien. Bien que nous étions persuadés de la nocivité de ce qui se faisait pour la vie économique de notre pays, nous n’avons rien dit. Pour deux raisons :
1. Nous ne pouvions pas parler dans cette atmosphère de dictature mêlée de fièvre nationaliste.
2. Nous pensions que nos voix ne feraient pas de différence.
Aujourd’hui on m’assure que nous vivons dans une démocratie qui vise surtout le bien-être du peuple congolais et l’Intérêt supérieur de la Nation. Fort de mon expérience, de mes réussites et de mes échecs, je me dois de parler et de prévenir. Les contrats que l’on nous présente aujourd’hui sont mal avisés, mal négociés, engagés dans la précipitation, les intérêts de notre nation n’y sont pas défendus. Le drame de notre pays est que nous sommes trop vite contents, et malheureusement, trop vite déçus.
Honorables Députés, chers Collègues,
Vu le peu de temps dont nous avons disposé pour examiner ces fameux contrats et vu la brillante manière dont mes collègues ont démonté la convention de collaboration en examen, principalement mon collègue Sessanga, je voudrais simplement vous faire part de quelques remarques.
Les études de faisabilité doivent etre validées par les gouvernements chinois et congolais. Mais ces études seront faites par les Chinois. Si la valeur est inférieure au coût de l’investissement et des infrastructures, le Congo doit donner des réserves additionnelles et le processus recommence. Ceci peut durer indéfiniment et allonger substantiellement la durée de la convention. C’est la Chine qui déterminera la valeur des réserves. Le Congo pourra donc gager toutes ses réserves dans ce seul contrat, sous prétexte que leur valeur est insuffisante, jusqu’à ce que l’exploitation et la mise sur le marché nous révèle un prix plus élevé. Nous serons alors prisonniers d’un seul vendeur.
Le protocole donne lieu à des engagements financiers qui vont augmenter le stock de la dette extérieure : le fait que la 1ère phase prévoit le remboursement et l’amortissement de l’investissement minier signifie que les fonds investis dans la société mixte représentent un emprunt contracté par cette société (s’il s’agissait de la rémunération des prises de parts, le protocole n’aurait pas prévu que la totalité du résultat net serve à rembourser l’investissement !). Donc nous devons tout rembourser alors qu’eux empochent les profits. Nous contractons une dette souveraine à figurer au titre de la dette publique extérieure. A notre stock de dette de 11 milliards, nous allons ajouter 8 ou 11 milliards, chiffres qui d’ailleurs ne sont pas certains.
Le taux d’intérêt de 6,1 % n’est pas un taux concessionnel. Nous sommes un pays IDA qui doit, d’après les règles internationales bénéficier de prêts à taux bonifiés remboursables sur 40 ans avec des périodes de grâce de 10 ans. Ce qui signifie des taux d’environ 2,5 % aujourd’hui.
Il ne s’agit pas d’un troc, l’échange n’est pas direct entre des fournisseurs d’infrastructures et le fournisseur des ressources naturelles. Il se pose, par conséquent, la question de la valeur actualisée des biens échangés. Ensuite, nous nous engageons à rembourser tout l’argent dépensé par les Chinois, en investissement minier ou en dépenses d’infrastructures. Donc nous payons deux fois. L’on peut d’ailleurs se demander ce qu’il adviendra du passage de la 1ère à la 2ème phase et de la 2ème à la 3ème dans le cas où les marchés mondiaux des matières premières se retourneraient ?
Honorable Président,
Honorables Députés, chers Collègues,
J’aimerais conclure.
Tout ceci est trop grave pour être évacué avec un débat d’une demi-journée. Rappelez-vous que la dette publique qui nous cause tant de difficultés aujourd’hui est constitué surtout par quelques contrats, les fameux éléphants blancs dont la valeur à leur conclusion n’excédait pas deux millards et demi de dollars. Pourquoi en est-on à onze milliards aujourd’hui : les intérêts financiers et les pénalités. Si 2,5 milliards d’emprunt nous ont conduit à 11 milliards de dette, à combien nous mèneront 8 ou 11 milliards d’emprunts.
Je l’ai dit et je le répète, le drame de notre pays est que nous sommes trop vite contents, et malheureusement, trop vite déçus.
Nous négocions ces contrats avec une nation qui depuis des millénaires sillonne les continents et les mers, entrant en relation commerciale avec la Terre entière. Depuis des millénaires le peuple chinois maîtrise les arcanes du commerce international. Que les Congolais cessent d’être naïfs et sentimentaux. Ne nous arrêtons pas à la volonté de la République populaire de Chine de coopérer avec notre nation au nom de l’amitié entre les peuples. Il s’agit bien d’un contrat financier, industriel et commercial, qui exige connaissances technique approfondies et compétences avérées. Ces contrats qui engagent notre population pour des générations méritent que les élus du Peuple que nous sommes, prennent le temps nécessaire, et disposent de l’ensemble de la documentation relative à ces contrats de manière à engager le peuple congolais en toute connaissance de cause et en toute responsabilité .
Les Chrétiens-Démocrates soutiennent donc la proposition de l’Honorable Delly Sessanga, et demandent :
Que la nouvelle convention de collaboration, une fois négociée, soit soumise au Parlement pour ratification, dans la transparence.
Que les pistes de solution alternatives pour trouver le financement de nos programmes d’infrastructures, telles qu’esquissées par notre collègue Sessanga entre autres, soient étudiées et adoptées dans un bref délai, après bien entendu ratification par le Parlement.
Que ce parlement, après l’intervention de ses commissions permanentes compétentes, se réveille enfin, examine à fond l’actuelle convention dans les plus brefs délais et recommande impérativement au gouvernement de ne pas la mettre en oeuvre.
Honorable Président,
Honorables Députés,
Chers Collègues de la Majorité gouvernementale,
Les Chrétiens-Démocrates estiment qu’au cas où le Gouvernement ne suivrait pas les recommandations du Parlement, nous devons prendre une loi déclarant cette convention illégale et interdisant au Gouvernement de la mettre en œuvre. Il y va de l’avenir de tous nos enfants.
Nous avons encore en mémoire, en travers de la gorge devrais-je dire, la triste ratification du Traité sur la Zone d’Intérêt Commun.
Je vous remercie
Gilbert KIAKWAMA Kia KIZIKI
Député national CDC (Convention des Démocrates Chrétiens)
Président du Groupe Parlementaire des Chrétiens Démocrates (CD)
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