





Il y a peu, un vaste et distingué aréopage s’est réuni, pour la N° fois, à Paris, pour parler des enfants-soldats et a émis quelques vœux pieux à leur sujet. Ils s’empressaient d’ailleurs de mentionner eux-mêmes dans leur texte que celui-ci n’avait qu’une portée de recommandation.
Fallait-il vraiment le rappeler ?
Les enfants-soldats sont un de ces sujets où tout le monde est « contre », et pourtant rien ne bouge… On se demande pourquoi ! Sans doute parce que le problème est mal posé.
Encore aujourd’hui, la MONUC vient de mettre sur son site Internet un message relatif aux enfants soldats dans les troupes « brassées » en RDC, en appliquant ce terme à tous les moins de dix-huit ans !
Dans le tiers-monde, la vie est courte. Quand l’espérance de vie est de 45 ans, on ne se comporte pas comme quand on a en principe 75 ans devant soi. C’était exactement ce que faisaient les Européens au Moyen-âge, avec une espérance de vie du même ordre. Se marier, avoir des enfants, faire la guerre à 14 ans paraissait chose normale. Et c’est toujours le cas dans le tiers-monde.
Appliquer là-bas des notions comme « l’enfance », prolongée jusqu’à la majorité, soit 18 ans, c’est devoir proclamé que la plupart des enfants sont eux-mêmes pères de famille, avant d’être adultes !
Quand on a commencé à parler beaucoup d’enfants-soldats, et à faire couler beaucoup d’encre à leur sujet, c’était vers le milieu des années 90, à propos des « kadogo » de Laurent Kabila. On a même frisé le ridicule car, à certains moments, on avait l’impression qu’on cherchait à faire condamner par l’opinion le « méchant » Kabila qui employait des enfants soldats, contre Mobutu qui lui n’employait que de « gentils » mercenaires adultes recrutés dans la lie et la crapule du monde entier.
En outre, « kadogo », qui pourrait se traduire par « petiot » fait référence à la taille, non pas à l’âge. Vingt ans plus tôt, on appelait les maquisards du PRP les « wasingile », c’est-à-dire les « lutins ». L’image est plutôt celle de David terrassant Goliath qu’une référence à un quelconque nombre d’années.
Il va de soi qu’il y avait parmi eux un certain nombre de mineurs d’âge. L’adolescence est l’âge de l’idéalisme et de l’aventure. Quand un conflit est une guerre de maquisards et de francs tireurs, il y a un certain nombre d’entre eux pour y participer volontairement. Ils agissent d’eux-mêmes et savent ce qu’ils font et ce qu’ils risquent. Simplement, ils n’ont pas dix-huit ans… Pourquoi dénierait-on aux Africains le droit de faire ce pourquoi nous avons-nous-mêmes décoré – souvent à titre posthume – des Résistants qui n’avaient pas l’âge requis ?
En 1999, je me suis trouvé participer à une rencontre sur ce sujet à Londres et un jour, à table, la conversation roula sur les relations entre la Belgique et la Grande-Bretagne, et sur la guerre de 40. Il fut bien sûr question de la RAF. Je mentionnai le fait qu’un certain nombre de mes compatriotes, élèves pilotes, avaient franchi la Manche clandestinement pour venir renforcer les forces aériennes britanniques, ce qui avait été fort apprécié, parce que leur écolage s’était effectué, précisément, sur des avions anglais, précisément des Hurricane, ancêtres directs des Spitfire. De ce fait, on avait pu les incorporer à temps pour qu’ils participent à la Bataille d’Angleterre. Il y eut un bel instant d’émotion héroïco-patriotique… Je mentionnai alors le fait que, bien entendu, aucun d’eux n’était majeur. Pourquoi vouloir refuser à Laurent Kabila le droit de faire ce qu’avait fait Winston Churchill ?
Bien sûr, il s’agit là de cas-limite. Ils ne doivent pas servir de prétexte à l’enlèvement d’enfants de 9 ou 10 ans pour en faire des assassins en culotte courte. Mais on pourrait faire un certain nombre de chose pour lutter efficacement contre ce crime-là, qui en est réellement un, en essayant d’avoir du phénomène une approche plus réaliste.
l) Ne pas baptiser « soldat » ce qui ne l’est pas. Dans beaucoup de pays, notamment en RDC, il y a bien moins d’armées ou de milices que de bandes de brigands. Que de tels groupes préfèrent s’appeler « Front de Libération XYZ » plutôt que « le Gang à Jules » est leur affaire et ne doit pas leur mériter de statut spécial. Et la participation de mineurs à des organisations de malfaiteurs n’est pas non plus un fait nouveau. Il y a des lois à ce sujet. Elles permettent de poursuivre et les exploiteurs d’enfants et les mineurs criminels. Qu’on les applique.
2) Il faudrait prendre en compte que les cultures, les conditions de vie du tiers-monde, en particulier de l’Afrique, rendant les gens adultes plus tôt, et considérer que l’on ne parlera plus d’enfants à partir, par exemple, de 14 ou 15 ans. Dans d’autres domaines aussi on fait des distinctions. Par exemple, le détournement de mineur est considéré différemment, d’après qu’ils ont plus ou moins de 16 ans.
3) Il faudrait ne jamais prendre attitude envers les adolescents soldats sans savoir ce que les cultures locales considèrent comme des « adultes ». La réponse serait probablement liée, non à un nombre d’année, mais au développement physique et sexuel. Le respect des différences devrait inclure aussi le fait que « l’âge d’homme » aussi se définit de manière différente !
4) On n’en finira pas avec le problème des enfants soldats, pas plus d’ailleurs qu’avec les démobilisés adultes, tant qu’il n’y aura pas d’efforts plus sérieux et mieux financés, pour leur réinsertion !
Guy De Boeck
Belgie
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