





Depuis le mois de Janvier, l’humanité se confronte à un ennemi commun appelé « coronavirus »,
surnommé Covid-19. Son agressivité très surprenant a démontré que la communauté
internationale n’était pas assez préparée sociopolitiquement et économiquement, et que les
systèmes sanitaires des nations avaient besoin d’être adaptés au nombre des habitants de la
planète terre.
Il y a quelques jours, la maladie au virus corona a été reconnue officiellement comme une
pandémie très dangereuse. Et qu’il fallait donc prendre des dispositions conséquentes pour son
éradication. Des mesures ont été prises, et le système économique international a été paralysé.
Subitement toute l’humanité a été soumise à un confinement d’un mois.
Comment notre pays, la RD Congo, s’y est préparé ? Quelles sont les responsabilités des
dirigeants actuels face à la nation et à la communauté internationale ? Quelles dispositions
pratiques devraient prendre en compte nos communautés locales ? Qu’est-ce que cette situation
peut avoir comme conséquences pour des zones insécurisées, le cas du territoire de Beni, par
exemple ?
Pour analyser toutes ces questions et bien d’autres, Beni-Lubero Online a interviewé Mr Jacques
VITHI, un dignitaire du Nord-Kivu. Nous vous présentons ses réflexions.
1. BLO : Le monde entier est sous la panique de coronavirus. Comment pouvez-vous expliquer
cette pandémie en peu de mots à nos frères africains en général, et congolais en particulier ?
J.V. La panique est réelle. C’est tout le monde qui a peur de cette pandémie. Nos frères et sœurs
en Afrique doivent se sentir impliqués et doivent surtout prendre des précautions conséquentes.
La pandémie en face n’épargne personne ; elle tue sans distinctions, ni de race ni de statut
social : riches et pauvres, puissants et faibles, etc. tout le monde en périt de la même façon ; et
c’est pareil sur toute la planète.
2. BLO : Quelle est l'origine de cette maladie?
J.V. Globalement, on peut juste souligner que c’est une maladie d’origine virale. Donner
beaucoup de détails biologiques à ce stade ne semble pas être vraiment l’essentiel. Je crois que
ce qui est plus important c’est plutôt de prendre conscience du fait que cette pandémie est déjà
entrée dans nos pays, et que désormais nous devons conjuguer nos efforts et nos stratégies afin
qu’elle soit éradiquée le plus vite possible.
3. BLO : Pensez-vous que les pays africains aient des infrastructures requises pour faire face à
ce fléau ?
J.V. Les pays africains et surtout leurs gouvernants ont une grande responsabilité. Et, même si
les autres pays ont manifestés n’avoir pas été matériellement et politiquement bien préparés, il
faut reconnaître que pour le cas des pays africains, ça risque d’être catastrophique. C’est peut-
être là le plus grand défi. Et en fait, il n’y a pas que les structures médicales adéquates qui
manquent. Sinon que, même les premières exigences quant à la prévention semblent ne pas
rencontrer satisfaction minimale. Quelle politique sanitaire publique face á la pandémie ?
Combien de lits et de machines d’assistance respiratoire sont-ils disponibles dans un pays
comme la RD Congo ? Comment s’organise la prise en charge du personnel de santé en cette
période d’urgence ? Quel civisme et système de communication à l’heure de la pandémie ? Bref :
quelle politique socioéconomique à l’heure du Coronavirus ?
4. BLO : Quels stratégies proposez-vous à nos populations pour se protéger et stopper la
propagation de cette pandémie, afin de contribuer à son éradication rapide ?
J.V. Le moyen le plus efficace reste le strict respect, en tout moment et partout, des mesures
d’hygiène vulgarisées par les services sanitaires, tels que le lavage des mains chaque deux
heures ; ne pas se toucher ni toucher les autres ; respecter la distance entre les personnes ; porter
le masque pour se couvrir la bouche et le nez, surtout si l’on est exposé. Bref, se protéger
mutuellement.
Mais il faut signaler un autre élément sur lequel on n’insiste pas peut-être assez. Il s’agit de la
solidarité nécessaire, au niveau national et intercommunautaire. Car cette pandémie a des
conséquences économiques fâcheuses. Et, surtout pour nos sociétés appauvries, elle risque de
sacrifier plus par la misère que par l’infection.
5. BLO : Actuellement, coronavirus ravage les pays dits développés plus que d'Afrique. Selon
vous, qu’est-ce qui expliquerait ce phénomène ?
J.V. Cela s’explique du fait que :
Premièrement, L’Europe, les USA, CANADA, la Chine ont plus de mouvements de population
que l’Afrique. En fait, le taux de menace de propagation de COVID-19 se rapporte au taux
d’intensité de mouvement de population d’abord en dehors du pays – vue l’origine de la maladie
se dans un pays étranger bien connu – mais aussi à l’intérieur du pays.
Deuxièmement, lorsque cette pandémie a fait son apparition en Chine, les pays occidentaux
n’ont pas pris au sérieux sa menace ultime et ont négligé d’adopter immédiatement des
précautions de prévention requises Malheureusement, il est à constater avec regret que c’est la
même erreur que sont en train de commettre certains pays africains.
6. BLO : Parlons du cas spécifique de la RDC : la situation sécuritaire, surtout dans l'est du pays,
avec des massacres et des activités intenses des groupes armés, le degré de corruption dans le
système de gestion des choses publiques etc., que peuvent prédire tous ces problèmes face aux
exigences d’une gestion authentique de la riposte contre Coronavirus ?
J.V. La situation sécuritaire à L’Est de la RD Congo risque de compliquer énormément la
situation, non seulement pour le pays, mais encore pour toute la sous-région. Il est vrai que, de
par l’expérience acquise de l’Ebola, les populations de l’Ituri et du Nord-Kivu sont, en quelque
sorte, habituées à pratiquer ces mesures d’hygiène prescrites par les autorités politiques et
sanitaires. Cependant, l’insécurité récurrente dans la région rendra la tâche extrêmement
difficile, voire impossible, à cause des mouvements involontaires de populations poussées par
des assaillants, d’une localité à une autre ou d’une ville à une autre.
Mais l’inquiétude va au-delà de tout cela. En effet, la mauvaise gouvernance, le degré de
corruption, l’excès de l’égoïsme et du manque du sens du bien-être collectif dans le cœur des
dirigeants, l’amour de l’argent au prix de la vie de l’autre (corona-business), ainsi que le
clientélisme dans la gestion de la chose publique renforcent davantage le pessimisme au sujet de
la gestion de cette pandémie en RD Congo. Notre peuple doit s’y préparer très sérieusement. Car
son salut viendra de lui-même.
7. BLO : Le Dr Français Didier Raoult, microbiologiste et spécialiste en maladies infectieuses, a
découvert que la Chloroquine joue un grand rôle dans le traitement du COVID-19. Cette
révélation est-elle de nature à rassurer davantage l’Afrique et plus particulièrement la RD Congo
face à la peur et la panique qu’impose cette maladie ?
J.V. Absolument. D’ailleurs, cette découverte a déjà permis de sauver pas mal de malades en
Europe et ailleurs. Sauf qu’il ne faut pas pour cela baisser le bras quant à l’effort nécessaire de
prévention. C’est le vrai traitement-miracle pour stopper la chaîne de contamination.
8. BLO : Quel est le devoir du gouvernement congolais dans la gestion de cette pandémie ?
J.V. Comme tout gouvernement responsable, le gouvernement congolais a le devoir de donner
des orientations claires au peuple congolais sur les mesures de prévention et sur la manière de
l’utilisation des matériels déjà disponibles, et définir des dispositions appropriées suivant
l’évolution de la situation. Cela implique une attention spéciale et un suivi impeccable de
l’évolution de la situation, comme on est en train de le constater pour le pays comme l’Italie,
capable d’en rendre compte chaque 24 heures, avec toute franchise envers son peuple et envers
la communauté internationale.
Mais, malheureusement, on peut constater d’emblée que le gouvernement congolais tâtonne, en
faisant montre d’une incompétence notoire dès le début de la pandémie et la confirmation du
premier cas sur son territoire. L’officiel ne parvient pas à définir clairement qui doit faire quoi où
et comment. Des informations contradictoires chaque jours, même pour des données très
élémentaires, comme l’identification de la nationalité d’un malade. On assiste à un théâtre des
contradictions et des confusions dans les messages des autorités ; des déclamations de bonnes
intentions sans suivi politique efficace : des confinements sans prévisions des nécessaires pour la
vie du peuple ; pas de structures de contrôle appropriées pour identifier les voyageurs suspects au
niveau des aéroports et des parkings ; etc. Voilà ce qui, en réalité, constitue un véritable crime
dans la riposte contre cette pandémie ravageuse. Car c’est la vie des citoyens congolais qui est
exposée au danger.
9. BLO : La responsabilité de la riposte contre le COVID-19 en RD Congo a été confiée au Dr
Muyembe qui a l’expérience dans la lutte contre l’Ebola. Peut-on s’en réjouir ?
J.V. Le Dr Jean Jacques Muyembe un homme que je respecte beaucoup. Personne ne peut douter de ses
capacités. Il y a lieu d’estimer qu’il convient. Cependant, qu’il sied d’être réaliste. Il n’y a pas de
baguette magique que le Docteur Muyembe pourra utiliser contre COVID-19, si ce n’est le
moyen que le gouvernement congolais devra mettre à sa disposition. Donc, la volonté politique
est fondamentale. Et n’oublions pas que des politiciens chercheront à utiliser cette pandémie
pour des fins politiques.
10. BLO : Au cours de la lutte contre l’épidémie d’Ebola, les ONG Internationales ont joué un
grand rôle. Selon vous, y a-t-il également quelque chose de significatif à attendre de leur part
pour la lutte contre le COVID-19 ?
J.V. J’insiste : le combat relève avant tout de la responsabilité du gouvernement central et
provincial. Les ONG internationales pourraient certes jouer un rôle, important ; mais ça sera
toujours à un niveau réduit, tel que : offrir leur expertise et fournir une capacité en matière de
prise en charge des malades. Encore faudrait-il être rassuré par leurs vraies intentions… par
ailleurs, il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui ce sont les pays contribuables qui sont les plus
touchés. Quoi qu’il en soit, nous ne devrions pas toujours attendre que d’autres viennent
résoudre nos problèmes à notre place.
11. BLO : Revenons à l’Est de la RDC, particulièrement la région de Beni caractérisée par les
activités des égorgeurs. Depuis l’apparition du COVID-19, il s’observe une accalmie spontanée.
Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
J.V. Le souhait c’est qu’il n’y ait pas seulement accalmie. Mais, la fin totale du calvaire du
peuple de Beni et la justice pour les victimes, afin de juger les auteurs de ce génocide réduit au
silence. Le reste : récupération des personnes kidnappées ou accalmie apparente, etc., ne
constitue qu’une stratégie meurtrière de distraction.
Cela dit, il y a lieu de poser là trois hypothèses :
1º. Les criminels de Beni sont télécommandés par des individus qui seraient occupés en autres
choses actuellement.
2º. Qu’après avoir sacrifié plusieurs centaines de vie très récemment, donner l’impression d’une
accalmie, pour distraire un peu et éviter d’attirer l’attention vers eux durant plus de trois mois
consécutifs. C’est une stratégie qui fait habituer au malheur, surtout que le mal est à l’intérieur.
3º. La troisième hypothèse c’est la combinaison des deux précédentes : les commanditaires
prennent une pause, en réfléchissant comment surprendre sans inquiétude d’ici là.
Personnellement, je crois qu’il convient au peuple visé par ce génocide de considérer que cette
accalmie apparente prépare des grandes surprises indésirables. Et donc qu’il ne faut pas lâcher la
veilleuse.
D’ailleurs, j’en profite pour alerter la population, en général : il y a des congolais qui se
préparent à profiter de cette panique du Covid-19 pour semer le chaos. Nous devons nous
préparer pour faire échec aux machinations machiavéliques de ces nageurs en eaux troubles. En
fait, s’il y a eu très récemment des morts suspectes au sommet du système sécuritaire du pays,
c’est probablement pour nous dévoiler qu’il y a des complots montés contre les intérêts et droits
fondamentaux des congolais. Soyons prêts pour défendre et sauver notre patrie.
12. BLO : Aujourd’hui nous avons en RDC plus de 80 cas confirmés, dont 6 morts et 3 guéris. Y
aurait-il lieu de craindre l’augmentation des cas positifs ?
J.V. Effectivement. Il est vrai que les cas répertoriés actuellement sont importés. Cependant,
sans aucun doute, le chiffre va s’accroître très rapidement. Mais les dégâts vont être redoutables,
lorsque des cas d’infections seront signalés chez la population de la basse classe. On ne le
souhaite vraiment pas. Mais, je peur que je ne prédise une catastrophe, si les autorités ne change
pas rapidement et radicalement d’attitude.
13. BLO : Auriez-vous un mot particulier à ajouter ?
J.V. J’appelle la population au calme et surtout au strict respect des mesures d’hygiène : se
mouvoir le moins possible, en respectant la distanciation sociale. Car un seul vagabond peut
facilement contaminer tout un village en un jour. L’inquiétude grandit davantage quand on pense
aux villes à très forte densité, telle que Kinshasa. Les autres villes du Congo les plus exposées
sont également celles des connections internationales tournées vers l’Orient, comme
Lubumbashi, Kisangani, Kalemie, Bukavu, Goma, Butembo, Beni, Bunia, etc. Toutefois, le
danger est encore moindre pour l’arrière-pays.
Je rappelle que c’est avant tout le gouvernement qui doit prendre ses responsabilités. Il est le
responsable du destin de toute la nation. Malheureusement, en RD Congo, les dirigeants se
distinguent par un manque criant de conscience du bien-être collectif et des biens publics. Des
millions, voire de milliards de dollars du trésor public, sont détournés par des individus à tous les
échelons, sans aucune action disciplinaire ni judiciaire. Avec un tel système, toute l’économie du
pays se trouve confisquée par ces dirigeants prédateurs. Et la riposte contre une pandémie si
dangereuse reste sous-financée. D’ailleurs, même le peut qui lui est attribué aujourd’hui risque
d’être détourné par des vautours. Au peuple, donc, de prendre ses responsabilités.
BLO. Merci Mr Jacques Vithi de nous avoir accordé de votre temps.
JV. C’est moi qui vous remercie
Pour la rédaction BLO
Philip Kambale Mondo
©Beni-Lubero Online.





