




A chaque sortie médiatique de Paul Kagame, il essaie de manipuler l’histoire de la région des Grands Lacs en mettant l’un ou l’autre de ses pions sur le devant de la scène, soit pour le blâmer, soit pour l’encourager. Tel est l’exemple de sa dernière interview accordée au journal britannique The Financial Times du 12 décembre 2008. Dans cette livraison, le maître de Kigali justifie sa guerre d’agression que poursuit Nkunda en s’attaquant à la politique menée par l’ex-garde du corps du chef de l’état major de l’APR. Paul Kagame soutient que Nkunda se bat contre les injustices commises au Congo par Kabila et que ce dernier est incapable de trouver une solution définitive à la guerre qui sévit à l’est de notre pays.
Ce raisonnement spécieux convainc les amnésiques. Ceux de nos compatriotes qui semblent avoir oublié que Nkunda et Kabila ne valent rien sans l’appui de Kagame. C’est surtout pour eux que nous relisons l’histoire.
La guerre de l’est a commencé à partir de l’Ouganda
La guerre qui s’intensifie par intermittence à l’est de notre pays est une continuation de celle déclenchée par l’APR/FPR à partir des années 90 contre le Rwanda. Cette guerre permanente débutée à partir de l’Ouganda voulait se servir de l’argument du génocide des Tutsi comme fonds de commerce pour chasser les Hutu du pouvoir et faire main basse sur les richesses de l’Afrique des Grands Lacs au profit de Kagame, de ses amis et de ses parrains occidentaux. Quand Paul Kagame, sur le conseil des « maîtres du monde », instrumentalise Laurent-Désiré Kabila en 1996 pour chasser Mobutu du pouvoir chez nous, il poursuit quatre objectifs: « empêcher le réarmement et le retour au pouvoir à Kigali des ex-FAR et Interahamwe; placer à Kinshasa un fidèle, sinon un allié; se faire payer l’effort de guerre par le pillage de ressources congolaises; vider le champ politique rwandaise de toute opposition crédible au nom de l’union sacrée contre la menace extérieure. » (MWAYILA TSHIYEMBE, Kinshasa menacée par la poudrière du Kivu, dans Le Monde diplomatique, décembre 2008, p.20). Si l’effort de guerre se fait payer jusqu’à ce jour, l’allié de Kagame au Congo a été tué dès qu’il a cru qu’il pouvait vendre les matières premières jugées stratégiques par les parrains occidentaux de Kagame aux Russes, aux Chinois, aux Vénézuéliens, etc.
Un journaliste Canadien, Desgagné l’exprime très bien dans un article intitulé Occultation médiatique, quand il note: « Le mois dernier, dans le cadre d’une procédure intentée en Espagne contre Kagame et 40 autres militaires de l’APR accusés notamment d’avoir tué des travailleurs humanitaires espagnols au Rwanda et au Congo, un ex-agent de Kagame a déclaré sous serment que c’est Kagame qui a financé l’assassinat du président congolais Laurent-Désiré Kabila il y a presque huit ans. Pourtant, Laurent-Désiré Kabila avait été mis au pouvoir par les hommes de Kagame, dirigés par James Kabarebe, lorsqu’ils ont renversé Mobutu. Pourquoi donc ce revirement? Parce que Laurent-Désiré Kabila s’était mis à négocier la vente de matières premières comme l’or, le cobalt et le coltan à la Russie, à la Chine et au Venezuela. Il a signé son arrêt de mort lorsqu’il est devenu nuisible pour l’empire américain, qui voulait se réserver l’exclusivité de ces matières premières grâce aux bons soins de Kagame. Laurent-Désiré Kabila a subi un peu le même sort qu’un certain Ben Laden, qui était un combattant de la liberté lorsqu’il faisait le travail des Américains contre les Russes en Afghanistan, mais qui est devenu subitement un terroriste lorsque l’empire a commencé à le trouver moins utile. »
Et qui a été parmi les premiers à annoncer la mort de Laurent-Désiré Kabila? Qui lui a succédé ? Joseph Kabila. Est-ce un fait du hasard? Non. Qui a prodigué des conseils à Joseph Kabila pour qu’il gagne les élections au Congo?
De Laurent-Désiré Kabila à Joseph Kabila
L’un des acteurs du cinéma qui se joue dans la région des Grands Lacs pour brouiller les cartes de notre histoire, c’est M. Michel. Il a été le premier à annoncer la mort de Laurent-Désiré Kabila. Il est parmi les membres de la Communauté dite internationale à avoir plébisciter Joseph Kabila aux élections de 2006-2007 comme étant « l’espoir du Congo ». C’est lui qui, il y a quelques semaines, a prôné le recours à la diplomatie pour résoudre la question rwando-congolaise. C’est encore lui que Kagame a envoyé auprès de Nkunda pour lui cracher « les quatre vérités » en face. Même si, à travers l’interview susmentionnée, Kagame semble démentir les propos de M. Michel…
Et selon cette interview, Kabila a été conseillé avant et pendant les élections de 2006-2007 par Paul Kagame, comme l’atteste ce jeu de questions-réponses:
« FT: Was there not an opportunity lost to deal with this issue lost during the 2006 election, before this cycle of violence restarted?
PK: Absolutely. I have witnessed this and I have said this. And it was Kabila who lost the opportunity. You know before the elections and after we were talking, we were communicating about all these problems and he was seeking our help. And unfortunately he also used us and I have told him this. Because it was like “please help me, let me go through this election.” And he was saying help me because in way we were linked with the other group, the challenger RCD (Rally of Congolese Democrats). And we said look we are really interested in peace in Congo.
FT: So he requested your assistance in security terms during the elections?
PK: Yes he did, in all ways. And even in a way politically to try and temper the RCD to work together so they don’t cause problems. We actually got involved and tried to help. »
Après Laurent-Désiré Kabila, Kagame a aidé Joseph Kabila à gagner les élections. (Kagamé n’a pas renoncé à la recherche d’un allié sûr au Congo.) Donc, le commanditaire de la mort du « père » a tendu la main au « fils » (Brutus)! Comment? Le dernier rapport de Human Rights Watch a été plus que clair sur la méthode militariste à laquelle « le raïs » congolais a eu recours pour neutraliser « les sauvages » et « les ennemis de la démocratie » avant, pendant et après les élections. Et cela jusqu’à ce jour.
Les compatriotes ayant lu Le Potentiel de ce mardi 23 décembre 2008 savent que le Sénat à inscrit à l’ordre du jour des questions orales à poser aux membres du gouvernement celle du Sénateur Djoli. Et « la question orale porte sur l’insécurité caractérisée, selon le sénateur Djoli, par les enlèvements, les arrestations arbitraires, les détentions illégales, les tortures et autres traitements inhumains ou dégradants que subissent des officiers militaires des FARDC et de la Police nationale, dont la plupart sont originaires de la province de l’Equateur ». (S. ETINGA, Le Sénat approuve l’interpellation de quatre membres du gouvernement, dans Le Potentiel du 23 décembre 2008) Pour ce Sénateur, « les victimes de cette situation sont divisées en quatre vagues dont la première concerne les mois d’août et septembre 2007, la deuxième au mois de mai 2008, la troisième au mois de juillet 2008, la dernière au mois d’octobre 2008. ».
Cette question orale vient confirmer le rapport de HRW et le témoignage rendu par Mgr Ambongo à la RFI sur la tragédie vécue par nos compatriotes de l’Equateur. Et « le sénateur Djoli fait observer que la plupart des personnes concernées par les violences sont détenues encore dans des centres clandestins et les arrestations continuent jusqu’à ce jour dans les milieux des officiers pour la plupart originaires de l’Equateur. » (Ibidem)
Quand, à travers sa sortie médiatique, Kagame donne l’impression de critiquer Joseph Kabila, il ment. Pourquoi? Joseph Kabila poursuit sa part de travail en bonne et due forme: affaiblir l’Etat congolais, faciliter l’infiltration de l’armée congolaise par des sujets rwandais, tuer le plus possible les opposants à sa tyrannie, museler les médias patriotiques, corrompre les Congolais(es) BMW pour qu’ils soutiennent sa politique inique et participer de la falsification de l’histoire de la tragédie de la région des Grands Lacs.
Pour les veilleurs-protecteurs de la mémoire historique de nos populations, « les médias ont le devoir de rapporter au public ce que disent des témoins indépendants de premier plan (de la guerre de l’APR/FPR) comme Luc Marchal, Michael Hourigan, Carla Del Ponte, Florence Hartmann et Terry Pickard. Ils ont le devoir de ne pas noyer ces témoignages dans une avalanche de formules convenues qui ne servent qu’à masquer la vérité et à pérenniser la souffrance. On a bien assez lu et entendu la condamnation lapidaire voulant que des Hutus extrémistes aient tué 800 000 Tutsis et Hutus modérés pendant 100 jours en 1994. Cette formule est employée à toutes les sauces, y compris dans des reportages qui montrent exactement le contraire, tellement on semble tenir à cette vérité factice en dépit des contradictions flagrantes. » B. DESGAGNE, art.cit.
Pour « les empêcheurs de penser en rond congolais », il est plus que « temps d’arrêter le cinéma et de commencer la véritable information sur le Rwanda et le Congo:
Les massacres n’ont pas duré seulement 100 jours; ils ont commencé trois ans et demi avant avril 1994 et ils se poursuivent encore aujourd’hui. L’APR a fait une grande partie des victimes pendant les 100 jours qui sont devenus une véritable fixation médiatique. On ne peut pas imputer les 800 000 morts uniquement aux «Hutus extrémistes».Les 800 000 morts ne sont qu’une fraction du bilan total de 6 à 10 millions de morts depuis 1990 qui doit être très largement imputé à Kagame, aux hommes de l’APR et aux avatars de cette armée qui ont successivement envahi le Congo. » (Ibidem) Voilà la vérité que nous sommes contraints de sauvegarder. Voilà la vérité que les sorties médiatiques de Paul Kagame ne saura plus effacer de la mémoire d’un nombre assez important de Congolais avertis. Le reste n’est que mensonge et diversion. C’est sur fond de cette vérité que Kagame, Nkunda, Ruberwa, Kabila et leurs collabos seront jugés un jour par le tribunal de l’histoire.
J.-P. Mbelu
Bruxelles-Belgique
Beni-Lubero Online



