





Il a chanté la paix jusqu’à en mourir! Lui, c’est Kizito Mihigo, né le 25 juillet 1981 à Kibeho, dans le pays de la loi de l’épée. Après s’être formé en musique, Kizito est devenu un grand chanteur de gospel. Auteur des chants liturgiques, organiste et compositeur de renommé national et international, il s’est caractérisé par le plaidoyer pour la paix et la réconciliation des peuples. Sien est, par exemple, un chant provocateur intitulé : « Mon frère congolais », un chant religieux dans lequel il accuse les belligérants rwando-congolais d’avoir opté pour la multiplication des affrontements entre des frères humains au lieu de privilégier plutôt des rencontres vers l’unité, pour la construction de la paix.
En quoi était-il si dangereux ce chantre du Gospel, jusqu’à ce que son choix de vie puisse constituer un justificatif de ce que les autorités rwandaises considèrent comme un véritable suicide ? Quels sont les intérêts menacés par son option de « liberté de la parole » à travers l’art musical? Il aurait oublié que dans son pays il est strictement interdit – sous peine de mort – de parler différent!
Aujourd’hui 17 février, l’opinion publique a été surprise par un communiqué de la police du pays qui ‑par ironie de l’histoire‑ préside actuellement la francophonie, annonçant la mort par « pendaison ? » du chantre de la paix, un homme supposé pendu par suicide, qui porte des marques des tortures partout sur son corps inanimé, avec des jambes bandées.
Pour mieux spéculer sur les raisons de sa mort en ce jour, analysons les faits historiques qui ont entouré l’activisme pacifique de ce jeune talent éteints douloureusement en ce jour. Notre consœur du https://www.lepoint.fr/, s’intéressant à cette figure provocatrice, nous offrent des détails dignes d’être mis en associations pour comprendre la hauteur du sacrifice de cet artisan de la paix.
En effet, le chanteur K. Mihigo venait d’être de nouveau arrêté le jeudi dernier (13 février), dans le district de Nyaraguru, au sud du Rwanda, par où, selon les autorités, il tentait de se rendre au Burundi, probablement à la recherche d’un espace plus libre et vivable.
Aujourd’hui, lundi 17 février 2020, trois jours après son arrestation, le porte-parole de la police, John Bosco Kabera, a déclaré qu’il a été retrouvé mort en sa cellule. Et pour cela, il a évoqué, comme d’habitude pour des cas similaires en ce pays, un suicide.
S’agit-il réellement d’une mort surprise, un suicide ? Absolument pas. On n’a pas besoin d’être un grand analyste pour se rendre compte qu’une fois de plus le pouvoir de Kigali vient de sacrifier un de ses dignes fils, morts de ses blessures, après avoir reçu des tortures indescriptibles qui ont fini par avoir raison sur sa vie biologique. Selon nos dernières informations, le chantre Kizito Mihigo serait mort entre les mains du CP Egide Ruzigamanzi, l’officier de la police rwandaise qui avec ses hommes a eu la triste charge de le torturer jusqu’à la mort.
En fait, il y a une série des faits qui conduisent à cette véritable « condamnation à mort », une condamnation injuste et sans jugement. Voici la succession des événements qui se clôturent par ce drame :
En 2013 : par des chants, K. Mihigo remet en question le contrôle strict du gouvernement sur l’héritage de la tragédie de 1994. Alors il s’attira la foudre du FPR. Sa musique est strictement interdite.
En 2015 : il est accusé de terrorisme et de soutien à un mouvement politique d’opposition, le Congrès National Rwandais (RNC), mouvement fondé par Patrick Karegeya, ex-chef des renseignements rwandais, assassiné en Afrique du Sud. Il est alors condamné à dix ans de prison, avec trois autres pour des motifs semblables.
Après viendra une libération de la prison. En fait, à la suite d’une surprenante grâce présidentielle, Kizito Mihigo se voit libéré de la prison, en même temps que Victoire Ingabire, l’une des principales figures de l’opposition rwandaise. Le pouvoir du Rwanda cherchait alors s’attirer la sympathie de la communauté francophone afin d’être élu pour présider aux destins de la francophonie.
Finalement, accusé d’avoir voulu traverser illégalement la frontière Burundaise pour rejoindre des groupes rebelles, Kizito s’est vu jeté en la cellule de la mort. En fait, il avait l’obligation de se présenter une fois le mois au bureau du procureur pour solliciter que le ministre de la Justice lui octroie l’autorisation de sortie, chaque fois qu’il voulait voyager.
Ainsi, aujourd’hui s’allonge une longue liste de morts suspects en détention. Ils sont déjà nombreux, ces rescapés du génocide, qui n’arrivent pas à échapper à l’épée meurtrière du plus grand tueur de toute l’histoire de l’Afrique centrale. Et plusieurs d’entre eux, critiques envers ce gouvernement dictatorial et assassin, meurent en prisons de manière suspecte. Et pour se rendre compte de la gravité de la situation, même des personnalités ayant joué un rôle déterminant autour du président autoproclamé omnipotent de l’Afrique centrale sont rattrapées par l’impitoyable épée. Citons notamment : l’ancien gouverneur du bureau de Kagame, condamné à dix ans pour corruption et retrouvé mort dans une prison militaire il y a une année ; En 2015 c’était le tour du médecin personnel de Kagame, Emmanuel Gasakure, abattu par la police pendant sa détention. Etc. S’il en est ainsi des fils de la cour, qu’en est-il du reste ? Plusieurs vies sont sacrifiées par le régime le plus sanguinaire de la région.
C’est à cette liste que vient s’ajouter Kizito Mihigo, trouvé lui aussi mort dans sa cellule de détention.
Sous un silence complaisant des autres nations, de la communauté internationale et des organismes internationaux, le gouvernement rwandais de Paul Kagame commet ces affres depuis 25 ans sans être inquiété, avec des exécutions sommaires au pays comme à l’étranger, des arrestations arbitraires, des détentions illégales et des tortures dans les lieux de détention. Les victimes de sa dictature rouge et de son expansionniste meurtrier se comptent par millions, surtout à l’Est de la R. D. Congo, le pays des frères voisins de Kizito Mihigo ‑ qui les rejoint aujourd’hui en partageant leur triste sort‑, terre du coltan, de l’or, de la cassitérite, du bois et du chimpanzé. Voilà ce qui justifie les massacres, les génocides et autres types de violations graves des droits de l’être humain qui s’y commettent au quotidien.
La mémoire de Kizito Mihigo, ce jeune talent, activiste religieux de la paix et de la réconciliation, mérite d’être gravée dans les cœurs de tout rwandais et tout congolais épris de paix et de fraternité universelle. Il est un véritable martyr de la fraternité et du bon voisinage.
Oui : « La guerre entre nous ont fait beaucoup de morts. Maintenant il faut changer et marcher dans la paix ». Pas de haine possible entre nous, des êtres humains ; pensons profondément à ce qui nous unis (Kizito Mihigo).
Il est temps de mettre fin à ce cycle meurtrier. Que ceux qui se cachent derrière la gâchette qui nous endeuille aient le courage d’abandonner l’hypocrisie et la complicité criminel.
Que le sang versé de Kizito Mihigo contribue à l’accélération de l’avènement de la paix au cœur de l’Afrique. Mais cela ne sera jamais possible tant que les habitants de cette région ne se révolteront pas à l’unisson contre cette servitude imposée à travers la politique des divisions des uns contre les autres, basée sur la technique de l’élimination des voix conscientisatrices. A l’appel de la dernière victime de cette dictature hégémoniste, unissons-nous, rencontrons-nous, agissons ensemble pour barrer la route au diviseur et construire l’unité et la prospérité de notre sous-région. Alors nous pourrons chanter ensemble la paix.
Adieu, cher frère Kizito Mihigo. Adieu l’honorable voisin. Nous, les survivants de l’épée qui t’a arraché méchamment la vie, promettons de continuer ta lutte jusqu’à la victoire totale en laquelle ta foi t’a fait croire et espérer, jusqu’à ce que la vie soit considérée comme un droit inaliénable dans nos pays, le Congo et le Rwanda. Adieu, cher frère Kizito Mihigo.
Publié le : 17 février 2020
Sengi Placide
Kigali
©Beni-Lubero Online.





