Le Diocèse Catholique de Bunia est de nouveau dans la tourmente après l’assassinat ignoble de l’abbé Jean Gaston BULI, Vicaire et économe de la paroisse de Nyakasanza depuis seulement deux mois. Il avait 24 ans de sacerdoce et était de la tribu LENDU. L’abbé BULI était assassiné dans sa chambre dans la nuit du lundi 9 novembre au mardi 10 novembre 2009 par des hommes en armes qui s’étaient introduits au presbytère, avant de forcer leur entrée dans la chambre de la victime.
Eglise de Nyakasanza, Diocèse de Bunia
Judoka de formation, l’Abbé BULI se serait bien défendu contre ses bourreaux qui ont finalement eu raison de lui à cause de leur grand nombre et de leurs armes. Ayant attrapé un coup de couteau à la clavicule gauche, un autre à la clavicule droite, et un coup de fusil dans sa poitrine, le vaillant Abbé BULI mourra à l’hôpital à la suite d’une forte hémorragie.
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Les circonstances de cette irruption des malfrats dans un presbytère où vivent plusieurs prêtres ne sont pas encore élucidées, d’où comme on pouvait s’y attendre, les spéculations des habitants de Bunia. L’Ituri étant le théâtre d’une guerre ethnique particulièrement sanglante depuis la guerre d’agression de la R.D.Congo par le Rwanda et l’Ouganda, l’élément tribal est le premier soupçonné dans cet assassinat qui vient de jeter le diocèse de Bunia dans la tourmente. Lendu, Gegere, Hema, se rejettent la responsabilité dans l’assassinat ignoble de l’abbé BULI .
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Pour apaiser les esprits et donner du temps aux fidèles de la Paroisse de surmonter ce traumatisme, l’évêque du Diocèse de Bunia, S.E. Mgr Dieudonné URINGI a fermé sine die la paroisse de Nyakasanza à l’issue de l’eucharistie d’hier dimanche 15 novembre 2009. D’après la déclaration de Mgr Dieudonné Uringi, Ordinaire du lieu, il n’y aura plus de célébration de messe ni d’autres sacrements à la paroisse de Nyakasanza. Les chrétiens sont appelés à prier dans leurs communautés ecclésiales de base. D’après l’évêque, cette décision a pour but d’interpeller la conscience des chrétiens parce qu’un événement aussi malheureux qui se déroule dans une paroisse doit interpeller les consciences des chrétiens mais aussi des autorités administratives, militaires et policières, tous appelés à faire leur travail comme il se doit.
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Il faut noter que Mgr Uringi qui est de la tribu ALUR était nommé évêque de Bunia en 2007 pour essayer d’apaiser les Hema, Gegere, et Lendu qui s’affrontaient presque ouvertement sous le mandat pastoral de son prédécesseur Mgr Léonard DHEJU que le Vatican avait appelé à présenter sa démission à cause de son parti pris pour les Hema, une tribu apparentée aux Tutsi du Rwanda et aux Banyakole de l’Ouganda. En effet, après sa démission forcée, Mgr Léonard DHEJU était parti en exil au Rwanda. Ce dernier était revenu à Bunia pour une visite il y a quelques semaines et était logé à la paroisse de Nyakasanza.
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Pour la majorité des fidèles, Mgr Uringi est entrain de faire du bon travail de réconciliation entre les tribus qui s’affrontaient dans l’Eglise avant son arrivée. Malgré cela, le bruit court dans le diocèse de Bunia qu’il souffrirait déjà d’un empoisonnement qui l’a cloué dernièrement sur le lit d’hôpital pendant plusieurs semaines. Si quelque chose arrivait à ce jeune prélat qui fait œuvre de prophète dans un environnement où les forces du mal tirent continuellement et dans l’ombre les ficelles des susceptibilités ethniques, la crainte que les ethnies déterrent leur hache de guerre est grande.
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Rappelons que la paroisse de Nyakasanza a déjà connu plusieurs événements malheureux de ce genre. On peut citer l’assassinat du Père Aimé NJABU et le Père François-Xavier MATESO, trouvés assassinés le 10 mai 2003. Le premier à coups de machette dans sa chambre, le deuxième à coups d’arme à feu dans le jardin de la paroisse. Des laïcs qui se trouvaient dans les locaux de la paroisse au moment de cette attaque furent également assassinés. Ces tueries perpétrées dans plusieurs locaux de l’église catholique du Diocèse de Bunia permettent d’apprécier l’extension de la guerre d’agression rwando-ougandaise sur l’Eglise Catholique.
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Chacun des diocèses de l’Est de la R.D. Congo a déjà eu ses martyrs. Trois archevêques de Bukavu, plusieurs prêtres et sœurs du Diocèse d’Uvira (Makobola, Kasika), plusieurs prêtres du diocèse de Goma, un prêtre du diocèse de Butembo-Beni assassiné non loin de l’évêché, des prêtres sœurs du Diocèse de Mahagi, etc.
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L’Eglise catholique qui est de nature universelle et donc non-tribale est ainsi entrain d’affronter un attaquant dont la stratégie de conquête est basée sur l’ethnie qui se dit mal aimée pour justifier sa prise d’armes contre les autres. En Ituri, plusieurs églises de souche protestante et plusieurs nouvelles églises sont majoritairement ethniques voire claniques.
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L’Evangile du Christ est ainsi mis en rude épreuve dans cette partie de la R.D. Congo aux prises avec une longue guerre d’agression aux mobiles territoriaux et économiques. L’assassinat de l’abbé BULI est un signal d’alarme aux catholiques du diocèse de Bunia mais aussi ceux de partout au Congo, que le règlement des comptes par les assassinats est contraire à l’esprit évangélique. La prise de conscience à laquelle Mgr Uringi appelle ses fidèles est une bonne initiative. On ne peut espérer que Mgr Uringi dirigera lui-même cette prise de conscience avec l’aide de ses prêtres, religieux et religieuses, laïcs expérimentés en transformation des conflits, pour non seulement réconcilier l’église de Bunia mais aussi pour identifier les causes du conflit et les moyens pour les éradiquer durablement.
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Eugide L. Mbunda
Bunia
Beni-Lubero Online