





Les faits du génocide en cours visant la dépeuplement de l’Est de la R.D.Congo ne sont plus à démontrer. Cependant, le discours officiel tel qu’on le trouve dans les medias de l’Etat comme dans certains medias indépendants continue de décrire le conflit congolais en termes de démocratie, respect de la constitution, respect du mandat présidentiel, etc. sans aborder la question du génocide, de la dépopulation, de l’occupation rwandaise qui s’intensifie à l’Est de la R.D.Congo au vu et au su de la communauté internationale représentée au pays par la Monusco, les missions diplomatiques, les organisations gouvernementales et non-gouvernementales, etc. Au lieu d’aborder une question aussi vitale pour la République, on constate avec consternation que les leaders congolais font une espèce de défilé de mode pour taper à l’œil qui la Majorité au pouvoir, qui l’opposition politique, et d’autres la société civile. Dans tous les trois camps, les leaders s’en donnent à une sorte de loterie pour le pouvoir de l’après-Kabila ou la continuation du pouvoir avec Kabila, la logique du glissement aidant.
Dans cet article, nous voulons démontrer que le débat politique en cours en R.D.Congo ne peut pas faire sortir la R.D.Congo du gouffre où il se trouve depuis 1996 si l’historique et la vraie nature du conflit congolais ne sont pas pris en compte dans un débat contradictoire et démocratique. En lisant les matières au menu du dialogue inclusif proposé par le président Joseph Kabila, on ne trouve pas un seul point qui permettrait aux participants de revisiter l’historique et la nature du conflit congolais afin de bien baliser les voies les meilleures pour une sortie de crise honorable et durable.
Ce qu’on appelle communément « Conflit Congolais » est aussi, en vrai dire, un conflit international, un conflit d’origine étrangère, si nous situons son origine en l’époque de Léopold II ou de l’agression de 1996 dirigée par le Rwanda de Paul Kagame. De cette double nature du conflit congolais découle un langage manichéen souvent incompréhensible pour le non-initié. C’est le cas des appellations « rebelles ou groupes armés nationaux » ( Mai-Mai, Enyele, Bundu dia Kongo), « rebelles ou groupes armés étrangers » (AFDL, FDLR, ADF/NALU, LRA, Mbororo, M23, MCRC, etc.), «partis politiques congolais » (MPR, MNC, DCF-N, UDECF, UDPS, PLD, etc.) « Partis politiques à la solde de l’étranger » (PPRD, RCD, CNDP, ASP « Alliance pour le Salut du Peuple ou ex M23»), etc. Cette confusion dans le langage atteint son paroxysme quand on apprend que les nationaux comme les étrangers se disputent, au même titre d’égalité, le leadership politique en R.D.Congo tout en faisant fi du sort des populations civiles victimes du génocide et de la dépopulation en cours. On se pose alors la question de savoir si la démocratie (pouvoir par le peuple et pour le peuple) existe bel et bien en R.D.Congo. Au lieu de la démocratie par le peuple et pour le peuple, on se rend compte qu’en R.D.Congo, il s’agit du pouvoir par l’étranger (ou à la solde de l’étranger) et pour l’étranger.
Parlant de causes de cette situation ambigüe qui prévaut en R.D.Congo, d’aucuns accusent les 32 ans de la dictature mobutiste, d’autres accusent les Kabila d’avoir amené des rwandais dans leurs mallettes avec haches et machettes pour le génocide des congolais. Pour d’autres encore, la cause de l’enlisement du conflit congolais serait dans le camp des opposants congolais divisés, incapables de se choisir un unique représentant ou porte-parole, suspicieux les uns des autres pour former une coalition gagnante aux élections comme pour les manifestations de rue. Aujourd’hui on accuse la majorité au pouvoir pour ses multiples stratégies de « glissement » du mandat présidentiel. A longueur des journées, les congolais disent que le malheur de la R.D.Congo c’est le Rwanda, c’est Paul Kagame au point qu’ils ont déjà une fois célébré ses obsèques anticipées dans les cabarets de la République. Au Kivu-Ituri, on n’oublie pas non plus d’attribuer l’enlisement du conflit congolais aux groupes armés, aux rebelles et leurs parrains nationaux et étrangers.
Il est vrai que chacune des accusations ci-dessus a un rapport avec la cause profonde de l’enlisement du conflit congolais. Mais, pour utiliser un langage médical, on peut comparer les motifs d’accusation énumérés ci-dessus aux symptômes d’une maladie. Pour guérir une maladie, il faut obligatoirement s’attaquer aux causes plutôt qu’aux symptômes. On sait aussi qu’on élimine la cause d’une maladie en finissant toute la cure prescrite par le médecin. Prenant l’exemple du Ténia, ce long ver parasite de l’intestin segmenté en plusieurs anneaux avec une tête au bout et dont les symptômes sont des crampes abdominales, des nausées, des troubles de l’appétit, etc. Si on ne finit pas la cure prescrite, la nausée peut disparaître en même temps que certains anneaux de la bête. Pour un temps on peut penser qu’on est guéri parce qu’on a plus de nausée, mais tant que la tête de la bête n’est pas éliminée, le ténia revient avec son lot des douleurs.
Il en est de même du conflit congolais. Si on ne diagnostique pas la cause profonde, on peut s’attaquer aux symptômes énumérés ci-haut (Kabila, les opposants, les rebelles, les groupes armés, les tueurs, les kidnappeurs, etc.) sans guérir la R.D.Congo de la maladie qui le ronge depuis des décennies. Le départ de Mobutu, un des dictateurs les plus redoutés d’Afrique, n’a-t-il pas donné place au déluge comme il l’avait lui-même prédit ? Pour cause, les zaïrois n’avaient pas bien diagnostiqué la cause profonde de ce qu’on appelle à l’époque « le mal zairois » et les moyens d’y remédier durablement.
Revenant à la R.D.Congo, on peut se poser la question du pourquoi la cause profonde du conflit congolais semble échappée si longtemps aux congolais.
On s’étonne en effet qu’en R.D.Congo on peut massacrer 10 millions des congolais en dix ans, 1200 congolais en un an (cas des massacres de Beni-Lubero entre octobre 2014 et Décembre 2015 selon la décompte de Beni-Lubero Online et du CRDH de Jean-Paul Ngahangondi), 58 morts en un jour (cas du massacre du 20 novembre 2014 à Tepiomba et Vemba/Mavivi en Territoire de Beni) sans que le gouvernement congolais ne proteste ou ne déclare même une seule journée de deuil national. Les civils (cas des Jeunes du mouvement LUCHA de Goma) qui essaient d’organiser un deuil ou un simple sit-in en mémoire des victimes de Beni sont dispersés à coup de gaz lacrymogène et leurs leaders mis au cachot. Les jeunes qui veulent faire la patrouille pour protéger leurs quartiers contre les tueurs à gages (cas du Territoire de Beni) sont arrêtés, taxés de Mai-Mai et jetés en prison. N’est-ce pas là une prise de position du gouvernement congolais en faveur des tueurs ? La route entre Beni et Butembo est coupée pendant deux mois par deux gros trous au milieu de la route à Kitahuha/Kisalala. Les vivres, les médicaments, et d’autres produits de première nécessité attendus par les habitants de deux villes trainent en route ou pourrissent. Le gouvernement ne fait rien pour boucher ces deux trous. Les hommes et femmes de bonne volonté organisent un salongo pour rendre la route carrossable. La réaction du gouvernement ne tarde pas. Le salongo sur la route Beni-Butembo est interdit. Sur ordre du gouverneur, la Police Nationale reçoit l’ordre d’arrêter tout récalcitrant. Une question se pose : Un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple peut-il se comporter de la sorte ?
Aussi, constate-t-on, les rebelles ou groupes armés étrangers sont traités avec douceur en dépit de multiples crimes de guerre et crimes contre l’humanité retenus à leur encontre. Quels que soient leurs crimes, ces rebelles étrangers en connivence avec le Rwanda et l’Ouganda sont invités au dialogue, au mixage, brassage, jusqu’à signer des accords de paix avec le gouvernement congolais. Mais quand un groupe armé national ou autochtone essaie de réclamer quelques droits, cas des Mai-Mai qui veulent défendre leurs terres contre leur spoliation par les étrangers, ou les Enyele qui se disputent un point de pêche le long d’une rivière, etc. le mot dialogue n’est plus d’usage. L’unique réaction du gouvernement congolais est la poudre et le canon pour écraser dans le sang ceux qui osent ainsi défier les lois de la République.
On s’étonne aussi du silence du gouvernement congolais vis-à-vis de l’extradition du rebelle Laurent Nkunda Mihigo arrêté en 2009 au Rwanda pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en R.D.Congo. Ce fut le même cas pour un certain Jules Mutebusi, déjà décédé au Rwanda. C’est aussi le cas aujourd’hui de Jamil Mukulu, chef ADF, arrêté en Tanzanie avant d’être extradé en Ouganda où il est en prison. La R.D.Congo où il est accusé d’avoir commis plus de crimes qu’en Ouganda ne fait rien pour le réclamer afin de le juger aussi en R.D.Congo où il a commis plusieurs crimes.
Les observateurs avertis de la scène politique congolaise peuvent compléter cette liste incomplète des questions étonnantes qui se posent en rapport à la façon dont le gouvernement congolais traite le conflit congolais.
Pourquoi donc le conflit congolais s’enlise-t-il ? Pourquoi le gouvernement congolais ne protège-t-il pas sa population victime de génocide et de dépopulation?
La réponse à cette question fera voir la cause oubliée du génocide et de la dépopulation de la R.D.Congo.
Relecture Historique du conflit congolais
Le conflit congolais est né d’une agression territoriale dirigée par le Rwanda. Cette agression se voulait cachée. On se rappelle qu’il avait fallu près de deux ans à l’ONU (cfr Résolutions du Conseil de Securité de l’ONU sur la situation en R.D.Congo entre 1996-1998) pour qualifier le conflit congolais d’agression étrangère ou agression par des pays voisins de l’Est sans les nommer explicitement. Feu Mzee Laurent-Désiré Kabila était le premier à qualifier le conflit congolais d’agression rwando-burundo-ougandaise. Mais cette définition était à peine trouvée que l’agresseur avait déjà trouvé un autre parapluie ou nom d’emprunt pour dissimuler sa présence sur le sol congolais. En effet, l’agresseur se cacha sous le nom de «Banyamulenge » du Sud-Kivu. Ces derniers réclamaient collectivement la citoyenneté congolaise. Ainsi, l’appellation « Banyamulenge » était en réalité un nom d’emprunt en rapport avec les populations banyamulenge bien sûr mais qui couvrait les troupes rwandaises et leurs alliés de l’Ouganda, Burundi, USA, Ethiopie, Erythrée, etc. engagés dans l’agression et les pillages des minerais de la R.D.Congo au profit des multinationales.
Quand Mzee LDK, à Lemera, promet la citoyenneté congolaise aux Banyamulenge, pour rallier d’autres congolais et afin de ne pas confiner le pillage aux seules collines de Mulenge, l’agresseur choisit de s’appeler AFDL jusqu’à la chute de Mobutu, un certain Mai 17, 1997.
Quand Mzee LDK ancien protégé du Rwanda et alliés cherche à consolider son pouvoir à Kinshasa, l’agresseur qui tire déjà profit de minerais du Kivu-Ituri l’accuse de dictature et initie un mouvement rebelle à sa solde dénommé RCD avec comme objectif trompeur, le rassemblement des congolais pour la restauration de la démocratie en R.D.Congo. L’agresseur Ougandais emboite le pas au Rwanda et crée son mouvement rebelle marionnette appelé MLC (Mouvement de Libération du Congo). Il se déclenche alors un mouvement de création des rebellions prédatrices des richesses du sol et du sous-sol congolais mais qui portent presque toutes, comme l’écrivait récemment un journaliste de RFI, des qualificatifs de démocratie, libération, etc.
Quand les congolais décident de réunifier le pays au dialogue intercongolais de Sun-City (2002-2003), les agresseurs se frottent les mains car ils trouvent l’occasion d’envoyer leurs poulains rebelles dans les hautes institutions de la R.D.Congo.
Usant de leurs manœuvres dilatoires habituelles, les agresseurs qui ne veulent pas lâcher le Kivu-Ituri, initient d’autres groupes armés pour poursuivre le pillage des minerais du Kivu-Ituri. Désormais l’agresseur gagne de l’influence à l’Est comme dans tout le reste du pays. Pour injecter officiellement des militaires rwandais et ougandais dans l’armée congolaise, on invente des mécanismes de brassage, de mixage, et de dialogue entre les rebellions à la solde de l’agresseur (CNDP, M23) et le gouvernement congolais.
Cette stratégie consistant à faire diriger la R.D.Congo avec des acteurs issus de pays agresseurs se poursuit jusqu’à nos jours. Ainsi, par exemple, les medias sociaux viennent de publier une information selon laquelle l’ex-rébellion étrangère du M23 qui se serait déjà transformée en parti politique dénommée ASP (Alliance pour le Salut du Peuple, en sigle ASP) répondrait présente au dialogue inclusif convoqué par le président Kabila ». Ainsi, cette rébellion aux mains teintées du sang des congolais peut, par la magie du dialogue inclusif, accéder au partage du gâteau national.
Après la défaite inattendue du M23 en 2013, l’agresseur décida de débaucher des groupes armés nationaux pour l’aider à poursuivre son pillage des minerais au Kivu-Ituri. C’est le cas des Mai-Mai du Nduma Defense of the Congo (en sigle, NDC) du chef de guerre Ntabo Ntaberi alias Cheka qui terrorise le territoire de Walikale et une partie du territoire de Lubero. Son mode opératoire ainsi que son acharnement sur les populations congolaises font dire aux observateurs qu’il est à la solde du Rwanda et de la multinationale Alphamin Resources Corporation œuvrant à BISIE (Walikale). Cette multinationale a acquis du gouvernement de Kinshasa 1 270 km² de surface à exploiter en territoires de Walikale et de Lubero. Cependant, sur cet immense terrain on trouve quelques villages, des champs des congolais, et des exploitants artisanaux d’or, de coltan, et de cassitérite. Le travail confier aux Mai-Mai Cheka serait ainsi d’insécuriser voire tuer les congolais vivant encore sur ce terrain déjà vendu jusqu’à libérer totalement les 1 270 km² d’Alphamin Resources Corporation, une multinationale enregistrée à la bourse de Toronto, au Canada.
Il en est de même des FDLR, ADF/NALU, LRA, etc. Ces noms empruntés aux anciennes rebellions rwandaises et ougandaises sont aujourd’hui un simple cache-sexe de la force rwandaise de conquête et d’occupation du Kivu-Ituri. En effet, il est connu que les vrais FDLR ne s’attaquent pas aux congolais qui les avaient accueillis jusqu’à leur donner des terres. Tous ceux qui font aujourd’hui des massacres au Sud de Lubero et à Walikale sont des éléments de la force rwandaise de conquête et d’occupation du Kivu-Ituri qui utilisent l’étiquette FDLR pour continuer à faire porter leurs crimes aux Hutu du temps de Juvénal Habyarimana en espérant ainsi échapper à la justice internationale.
Maman Sidokou, représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU en R.D.Congo, a parlé de ce phénomène indirectement en disant aux populations de Beni qu’elles étaient en proie à des groupes armés visant la conquête des terres de Beni-Lubero au bénéfice des étrangers.
« Ceux qui attaquent et tuent les innocents, veulent simplement que vous vidiez cet endroit pour qu’ils en fassent ce qu’ils veulent. Travaillons ensemble pour que vous ne laissiez pas la terre de vos ancêtres. »[1]
Le commandant intérimaire des forces de la Monusco, le général Jean Baillaud était plus explicite pour affirmer l’ennemi était capable de s’infiltrer au sein de l’armée congolaise pendant ses opérations :
« Ce groupe armé se mêle aussi à la population et peut même éventuellement s’imbriquer dans des opérations conduites par les forces congolaises. »[2]
Il y a deux jours, les jeunes de la Véranda Muchanga en ville de Butembo ont découvert, en collaboration avec les Commandants de la Police et de l’auditorat militaire de la place, que plusieurs bandes des bandits et criminels opérant en ville de Butembo et environs ont chacune à sa tête, un élément de la Police nationale congolaise ou de l’armée congolaise.
Ainsi, on peut conclure sans peur d’être contredit, que, les massacres des populations de Beni-Lubero , en milieu urbain comme rural, sont l’œuvre des éléments ennemis infiltrés dans la Police nationale congolaise, l’armée congolaise, et les services congolais de renseignement. Est-ce possible que cela soit une réalité inconnue des autorités en charge de ces deux institutions ? Impossible !
Les habitants du Kivu-Ituri savent déjà depuis longtemps que les bandits ou criminels arrêtés par la population et remis aux forces de sécurité sont aussitôt remis en liberté. Pour quel motif si ce n’est de leur permettre de participer au génocide accélérateur de la conquête du Kivu-Ituri ? Que des faits aussi graves passent inaperçus et restent impunis dans un pays qui se dit un état de droit, il faut que le gouvernement serve un agenda caché différent de celui lui reconnu par la constitution congolaise !
Quel est cet agenda caché ?
(A suivre)
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