





Il y a décentralisation et décentralisation au Congo. Si les Provinces grognent que la loi sur la décentralisation traine à entrer en vigueur, à l’intérieur des mêmes provinces, il y a une décentralisation non-constitutionnelle qui se porte bien, notamment celle des taxes retenues sur les routes et dans les villages par les porteurs d’armes. Si la première décentralisation entend profiter des taxes sur les capitaux et entreprises étrangers et dont les provinces veulent retenir 40 %, la seconde décentralisation se nourrit aux mamelles des congolais déjà exsangues du fait de la guerre d’occupation et elle est retenue à 100 % par les hommes (et les femmes) en armes.
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Si les hommes au pouvoir et les « bons rebelles » comme Nkunda se disputent la taxation des étrangers (investisseurs signataires des contrats léonins, les chinois, les occidentaux, les sud-africains, etc), les militaires, policiers, les Mai-Mai, les rebelles étrangers, quant à eux créent leurs propres taxes aux frontières entre les provinces, entre deux territoires, entre deux localités séparées par une rivière ou par un pont, à l’entrée de chaque grande agglomération, sur les routes et chemins très fréquentés, etc.
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Ce qui est étonnant c’est qu’aucun gouverneur n’est en guerre contre les taxateurs qui lui privent des 100 % des taxes perçues ou arrachées d’auprès des contribuables provinciaux. Bien sur qu’il n’y a pas de commune mesure entre les 40 % des taxes que payent les gros investisseurs et les 100% des paisibles congolais.
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Pour ne donner qu’un exemple, nous avons visité BELA, une double frontière entre le Nord-Kivu et la Province Orientale, le territoire de Beni et le territoire de Mambasa. BELA est aujourd’hui un carrefour des tracasseries et des taxes intempestives décentralisées dont 100 % sont retenus localement.
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A BELA, les taxes sont nombreuses. On y retrouve des taxes des militaires, des policiers, taxes des Agents de l’Administration, taxes des Kapita locaux, etc. Catégories des taxes : Taxes des gros camions, voitures, vélos, motos, piétons, taxes pour commerçants, etc. Chaque congolais est redevable et personne n’est en ordre. Pour justifier les taxes des piétons, les taxateurs demandent le « kitambulisho » ou la carte d’électeurs de la CEI, ou en défaut, la carte de baptême. Sachant que les congolais ne sont pas habitués à porter sur eux leurs cartes de baptême, tout congolais qui passe par BELA doit payer une taxe…
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Ailleurs dans le territoire de Beni, notamment à Vurondo, les paisibles congolais payent des taxes aux frontières entre le territoire Mai-Mai et les territoires Fardc, taxes parcellaires, taxes sur chaque article vendu au marché, taxes sur le bétail ou les fermes, taxes sur le nombre d’enfants, plus une famille est nombreuse, plus la famille doit donner plus d’argent, etc. Les Mai-Mai acceptent que les taxes soient payées en nature : Une poule, une chèvre, une vache, une montre, un pâque de cigarettes, quelques comprimés si on est infirmier, un chapelet ou une image de la Vierge Marie si on est catéchiste ou prêtre, etc.
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A ceci il faut ajouter les taxes à l’entrée ou à la sortie des grandes villes. Pour faire payer les passants doublement, les taxateurs du matin sont différents de ceux de l’après-midi, et différents de ceux du soir. Comme il n’y a pas de reçu ou quittance, la même taxe peut être payée trois fois dans la même journée par la même personne. Chaque fois qu’on rencontre le taxateur en arme, c’est un temps de recouvrement. A tous les endroits de recouvrement de ces taxes locales décentralisées, le mot de passe est simple : pas d’argent, pas de passage.
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Cette taxation intempestive illégale est à la base de la hausse des prix de produits de première nécessité ou de l’abandon pur et simple du commerce entre les provinces, les territoires, par ceux se font volés tous leurs capitaux par les taxateurs en armes. Quand les gens abandonnent le passage à un point de recouvrement, une barrière, les taxateurs affamés visitent leurs débiteurs nuitamment pour se faire payer les taxes à domicile et au bout du fusil. Ceux qui ont de l’humour parlent alors des taxes sur le sommeil, taxes de la circulation nocturne, taxe sur les tapages nocturnes, etc.
Les autorités administratives des provinces et des territoires doivent se pencher sur la question de cette taxation illégale imposée aux paisibles congolais.
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La loi congolaise est claire en la matière : Seules les Entités Administratives Décentralisées et le Gouvernement Central créent et perçoivent des taxes. Mais en vertu de quelle loi les hommes en armes perçoivent-ils des taxes pour que les gouverneurs de province les laissent retenir 100% de leurs recettes ? Comment les gouverneurs attendent-ils arracher 40% de leurs recettes à Kinshasa s’ils ne sont pas en mesure d’arracher les 100% des recettes des militaires qui opèrent dans leurs provinces respectives ? La condition de jouir de 40 % des recettes par les provinces devrait être ainsi conditionnée par la suppression des taxes des hommes en armes.
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Cédric Mambola
Beni
Beni-Lubero Online





