





A chacun son tour pour divertir les congolais de la gravité de la catastrophe sécuritaire qui sévit actuellement au Kivu. Le pouvoir de Kinshasa est visiblement entrain d’utiliser un à un et en différé, tous ses jokers pour jeter la poudre aux yeux des congolais en donnant l’impression de se préoccuper de la sécurisation du Kivu. Le premier joker fut Denis Kalume, actuel Ministre de l’Intérieur. En Décembre 2006, il proclame haut et fort lors d’une visite à Goma que le Gouvernement ne peut jamais négocier avec Nkunda qui s’est mis en marge du processus de démocratisation du pays. Trois mois plus tard, Kalume fera un virage à 180 degrés pour en appeler, sans froid aux yeux, à une table ronde intercommunautaire avec Nkunda. Aujourd’hui, c’est le tour de Chikez Diemu, actuel Ministre de la Défense, qui a déclaré à la presse que Kinshasa n’a pas oublié l’Est et qu’il a mis sur pieds un contrat-programme par lequel il se donne 5 à 24 mois pour sécuriser l’Est du pays. Kalume comme Chikez oublient une chose : l’aujourd’hui des populations meurtries du Kivu. Comme dit un adage, « un tiens, vaut mieux que deux tu l’auras ! »
Chikez Diemu, Ministre de la Défense ( Photo Blog des Congolais)
En parcourant ce que Chikez appelle contrat-programme, on ne trouve rien de concret sur ce qu’il compte faire dans l’immédiat pour sécuriser la population victime de l’occupation de fait des brigades mixées de Nkunda et de ceux qu’on appelle communément FDLR. Ceci n’est pas étonnant quand on sait que parmi les Cinq chantiers du Chef de l’Etat, il n’y en a pas un seul qui porte sur la sécurité du pays. Cette absence de calendrier et d’actions concrètes à entreprendre dans l’immédiat, fait du contrat-programme de Chikez un autre plan comme on en a vu au pays de Mobutu. En effet, ce ne sont pas les programmes ou les plans de sauvetage qui manquent souvent au Congo. Mais la plupart de ces plans, comme celui de Chikez, pèchent par l’oubli du présent, promettant monts et merveilles dans un futur qui n’est jamais rendu proche. Dans des circonstances comme celles de l’occupation d’un territoire national par des rebelles étrangers ou nationaux, l’inaction est une irresponsabilité grave qui dénote l’incompétence de ceux qui ont la charge de la défense nationale ou alors leur complicité avec l’ennemi. Dans d’autres pays, Kalume et Chikez auraient déjà été acculés à la démission par l’Assemblée Nationale pour incompétence ou pour complicité avec l’ennemi.
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La souffrance infligée aujourd’hui aux populations du Kivu exige la condamnation de tous les plans qui remettent la solution ou le début de la solution à demain, dans 5 à 24 mois comme dans le contrat-programme de Chikez. Le Philosophe français, Gabriel Marcel, dans son livre , Mystère de l’être, qualifierait le régime de Kinshasa de totalitaire en ceci qu’il tente de faire passer le sacrifice actuel des populations entières du Kivu comme une voie obligée vers la paix au Kivu. Pour Gabriel Marcel, cela n’est qu’un désespoir portant le masque de l’espérance car on ne peut bâtir la paix sur la mort ni promouvoir la paix en se passant de la vérité et de la justice. Toute promesse de bonheur basée sur une extermination délibérée des êtres humains doit être condamnée et rejetée par tous car elle est une contradiction avec les principes même du bonheur.
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En effet, les faits qui se passent sur terrain au Kivu, et plus précisément au Nord-Kivu où nous sommes, font éclater au grand jour le mensonge de Kinshasa et de la Monuc, le manque de volonté politique pour agir en faveur des congolais. Au Nord-Kivu, on a l’impression que le visage ensanglanté du kivutien laisse indifférent le pouvoir de Kinshasa et cela depuis le début de l’agression rwando-ougandaise. N’est-ce pas ce genre d’attitude que la loi internationale qualifie de crime de non-assistance à personne à danger, un crime punissable par la loi internationale ?
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Les dirigeants politiques congolais qui se la coulent douce dans leurs salons huppés de Kinshasa préfèrent protéger les privilèges liés à leurs rangs au lieu de travailler pour la pacification du pays. Le cas du Kivu n’est pas le seul. La même chose peut être dite du dossier de Kahemba où des élus qu’on appelle honorables, même ceux nés à Shayibwanda à Kahemba, tergiversent pour confirmer que Shayibwanda leur village natal est occupé par une armée étrangère. Tout ceci pour protéger leurs intérêts matériels et politiques en sacrifiant l’intérêt de leurs électeurs d’hier. Cela s’appelle haute trahison de la nation congolaise, un crime punissable par la loi.
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Revenant sur la situation au Nord-Kivu, tous les observateurs nationaux et internationaux voient combien chaque jour qui passe profite aux brigades mixées de Nkunda qui gagnent du terrain, consolident ses positions en chassant les congolais de leurs villages ( comme avant-hier à Ishasha, Kinyandole, et Kisharo dans le territoire de Rutshuru), mettent du feu sur des villages entiers, massacres hommes, femmes et enfants, pillent les biens des population qu’elles envoient paître dans les brousses et forêts du Nord-Kivu, ferment certains postes frontaliers d’où elles chassent même les officiers d’immigration congolais tel le cas de Ishasha à la frontière avec l’Ouganda, etc..
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Comment face à ce scenario catastrophique, un responsable de l’armée congolaise peut-il se donner 5 à 24 mois pour agir ? Ceux qui ne doutent plus de la thèse de la complicité de Kinshasa avec Nkunda concluent devant son inaction que le 5 à 24 mois que Chikez Diemu se donne peut correspondre au temps nécessaire dont Nkunda a besoin pour finaliser sa mission de conquête du Kivu. Toutes les tergiversations de Kinshasa depuis le début des exactions des brigades mixées de Nkunda sur les populations n’auraient ainsi comme but, donner du temps à Nkunda de progresser dans son plan de balkanisation du Kivu. Ainsi, le contrat-programme de Chikez qui est certainement au courant des préparatifs de l’assaut de Nkunda sur le Kivu ne peut être qu’une nième diversion concoctée par le pouvoir de Kinshasa pour tromper la vigilance des congolais.
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Et pourquoi Chikez agirait-il ainsi ? C’est tout simplement pour remplir la part de contrat tel que convenu par les accords secrets entre Kinshasa et Nkunda au Rwanda. Kinshasa a des mains liées dans la question du Kivu, raison pour laquelle il se démène comme un sorcier, utilisant toutes sortes des sortilèges pour justifier son inaction. Rappelez-vous qu’il avait affiché le même comportement pendant la transition promettant la fin des élections pour montrer de quel bois il se chauffe vis-à-vis des rebelles. Une année après les élections, Kinshasa trouve toujours d’autres raisons pour ne pas agir, des raisons qui ne peuvent convaincre personne, telles que l’embargo sur les armes, une formation appropriée de l’armée congolaise, l’ingérence des puissances étrangères dans la politique congolaise, les conflits intercommunautaires, etc.… Mais où sont passées les brigades intégrées formées par les belges à Kisangani pendant la transition ? Si certains des échappatoires de Kinshasa peuvent contenir quelques grains de vérité, la gravité de la situation présente au Nord-Kivu ne pouvait laisser indifférent le pouvoir de Kinshasa. L’ennemi est dans la maison d’où il chasse et pourchasse ses habitants. Va-t-on le laisser dedans pendant 5 à 24 mois avant d’agir ? Quel est le plan du gouvernement actuel pour venir en aide aux congolais chassés de chez eux et qui errent dans la brousse ? Quand la maison brûle, c’est une urgence et l’heure n’est plus à faire des plans quinquennaux ou à chercher des boucs émissaires en Occident. La seule façon pour le pouvoir actuel de convaincre les congolais qu’il n’est pas complice de l’occupation actuelle du Kivu, c’est de s’occuper dans l’immédiat de la sécurité des populations du Kivu en y restaurant l’autorité de l’Etat, la discipline dans son armée, laissant aux assemblées ainsi qu’aux gouvernements provinciaux de deux Kivu l’initiative des solutions aux problèmes sécuritaires qui se posent dans leurs territoires respectifs, supprimant le gouvernement parallèle mis en place au Nord-Kivu par le Général John Numbi et dont l’action paralyse les initiatives des élus du peuple.
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Chikez nous dira que dans son interview d’hier, il avait dit que Kinshasa n’a pas oublié l’Est du pays. Mais comment peut-on penser le contraire quand on ne voit aucune aide de Kinshasa sur terrain ? Prenons le cas de 200 000 déplacés Nord-Kivutiens fuyant les exactions des brigades mixées de Nkunda que plusieurs ONG locales ont déjà inventoriés et que, d’après les mêmes ONG, personne n’a assiste jusqu’à ce jour. 200 000 congolais qui vivent dans des camps de fortune sans aucune sécurité de la Police Congolaise ni des forces onusiennes ; des camps où des déplacés signalent des attaques fréquentes de ceux qu’on appelle FDLR sans qu’aucune force n’intervienne pour les protéger. Comment peut-on qualifier cette attitude si ce n’est un refus délibéré d’intervenir en faveur des populations du Kivu ? Cette situation des déplacés date depuis 4 mois mais aucune aide n’est arrivée. Par contre, on a vu le Gouvernement congolais dépêcher plusieurs tonnes de vivre dans les camps qui accueillent les refoulés d’Angola. Quelle lecture faire de cette politique de deux poids deux mesures si ce n’est le fait que le pouvoir actuel est tenu par un accord secret qui lui interdit d’intervenir au Kivu ?
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Sans aucune surprise, la Monuc de son côté, elle qui annonçait il y a deux mois qu’elle multipliait ses effectifs au Kivu pour parer à l’éventualité d’une guerre dans la région afin de protéger les populations civiles, est absente de ces camps des déplacés du Nord-Kivu. Pendant que les populations de Masisi et de Rutshuru crient leur souffrance aux mains des brigades mixées de Nkunda, la Monuc a annoncé qu’elle envoyait des troupes à la frontière avec le Soudan pour empêcher les rebelles ougandais du LRA d’entrer au Congo. Rappelez-vous que cette même Monuc s’est toujours refusé de contrôler les allées et venues des milices rwandophones à la frontière R.D. Congo – Rwanda, et R.D.Congo – Ouganda au niveau du Kivu, sous prétexte qu’elle ne sait pas distinguer les rwandais, et les ougandais, des congolais. Aujourd’hui on sait qu’elle sait distinguer les ougandais des congolais mais seulement à la frontière de la R.D. Congo avec le Soudan. Heureusement que les contradictions ne tuent pas, sinon Kinshasa et la Monuc seraient morts depuis longtemps.
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A part cet exemple des camps des déplacés du Nord-Kivu qui ne sont sécurisés par personne, il y a la question de la securité des villes, cités, et villages qui officiellement ne sont pas occupés par les rebelles étrangers. Pourquoi Chikez ne veut-il pas commencer son action en pacifiant d’abord ces endroits non encore occupés par les rebelles étrangers? Et Si Chikez ne sait même plus intervenir dans les villes et cités qu’on croit encore non occupées, telles que Goma, Sake, Masisi, Walikale, Kanyabayonga, Butembo, Beni, Nyamilima, c’est qu’il confirme l’occupation de fait du Nord-Kivu par les brigades mixées de Nkunda, un fait qui expliquerait pourquoi Kinshasa ne peut plus envoyer des troupes pour y protéger la population. Et à voir l’indisciple et l’impunite qui règnent dans les rangs des Fardc affectés au Kivu, on peut se demander si ces derniers ne participent pas déjà à l’assaut de Nkunda ? Cette hypothèse semble être la plus plausible ! La Monuc qui joue au pyromane et au sapeur pompier a annoncé que certains militaires dits Fardc portent déjà des uniformes de l’armée rwandaise.
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Ces faits flagrants accusent Chikez d’incompétence ou de complicité avec l’ennemi. Son contrat-programme qui remet à demain l’action de l’armée nationale pendant que la maison congolaise brûle ne peut donc convaincre personne. C’est ainsi qu’il peut-être qualifié à juste titre d’une nième diversion du pouvoir de Kinshasa qui essaie de dissimuler, par tous les moyens, sa complicité avec l’ennemi ou alors son incompétence à diriger le Congo. Seule une intervention immédiate de Kinshasa pour protéger et soulager tant soit peu les populations du Kivu de la violence des brigades mixées de Nkunda peut prouver le contraire.
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Rigobert Kanduki
Goma
Beni-Lubero Online





