





Trois ans après la disparition du Commandant Mai-Mai Guylain PALUKU SIVITSOMWA, sa famille areconnu sa mort et a finalement fait son deuil. Comme dans un jeu de puzzle, les combattants mai-mai amis de Guylain et l’officier onusien qui était alors commandant de la Monuc à Rutshuru, ont constitué sur base des plusieurs recoupements, les circonstances propables de la mort du très brave et regretté Guylain. La famille qui attendait toujours le retour de Guylain a finalement accepté que Guylain n’est plus de ce monde. C’est ainsi qu’elle a organisé une première messe des suffrages en mémoire de Guylain à Butembo, le dimanche 24 juin 2007.

Le Colonel Guylain Paluku est deuxième debout à partir de la gauche
Qui est l’illustre disparu ? Le Commandant Guylain Paluku était l’étoile montante de la résistance beniluberoise à l’occupation rwando-ougandaise. Il était parmi les premiers diplômés d’Etat à intégrer la résistance mai-mai à partir du maquis de Vurondo, Collectivité de Bashu, en Territoire de Beni.
Né à Maboya, le 7 mars 1970, Guylain fera ses études primaires à Maboya même avant d’être admis au Collège Kambali de Butembo où il décrochera un diplôme d’Etat, Option Math-Physique.
Après le massacre des Jeunes de la Colline Kalemire à Butembo le 14 avril 1998 par les Militaires Katangais de Fardc sous le commandement d’un certain Jimmy, Guylain ainsi que d’autres jeunes de Butembo, se décideront de venger leurs copains et copines en entrant dans la résistance. Le groupe de résistants qui inspirait confiance à l’époque était celui de Vurondo. Guylain se rendra ainsi au camp mai-mai de Vurondo où très vite il sera apprécié par les commandants mai-mai de l’époque, en l’occurrence Ndungo, et par après Loloko, tous les deux morts assassinés comme Guylain dans des circonstances non encore élucidés jusqu’à nos jours.
Guylain gravira très vite tous les échelons mai-mai pour devenir Commandant, chargé des relations extérieures. Quand à l’issue du dialogue intercongolais tenu en Afrique du Sud, un appel fut fait aux Mai-Mai de se constituer en entité politico-militaire, Guylain se vit accorder le grade de Colonel avec comme fonction « Chef d’Etat Major de la Force Armée Populaire Mai-Mai (FAPM) », une plateforme qui réunissait tous les mai-mai du Nord-Kivu. Guylain comme tous les mai-mai du Nord-Kivu avaient alors cru à la bonne volonté de Kinshasa invitant tous les mai-mai à soit intégrer l’armée nationale soit rejoindre la vie civile, car l’occupation rwando-ougandaise était finie. Guylain devint ainsi porte-parole de Kinshasa, de Goma et de la Monuc auprès de ses compagnons mai-mai. Avec sa position de Commandant charge des relations extérieures et de Chef d’Etat Major de FAPM, Guylain était connu des Officiers de la Monuc, du Commandant de la Huitième Région Militaire, en l’occurrence le Général Obedi Rwabasira, et du RCD-K-ML de Mbusa Nyamwisi, etc.
Cette ascension fulgurante du jeune Colonel très entreprenant est sans aucun doute ce qui l’a fait mettre dans le collimateur de l’occupant de la région mais aussi de ses propres frères qui était jaloux de sa capacité de mener des négociations. Tous ceux qui s’étaient montrés braves et nationalistes comme lui, étaient tués dans des circonstances floues pour le commun des mortels. On peut citer le cas du Commandant mai-mai Ndungo, assassiné à Vukoroghoto après avoir participé à une réunion des mai-mai à Bunyuka. Les survivants de cet assassinat sont encore parmi nous. Le cas du Colonel Mbutsi assassiné au Front contre les rebelles du RCD-Goma dans la région de Kirumba est aussi présent dans la mémoire des combattants. Après la disparition de Guylain, le Commandant Delemba a été assassiné au mois de février 2007 par son ex-chef compagnon Kakule Lafontaine qui collaborerait actuellement avec Nkundabatware.
Le 6 mai 2004, un coup monté contre le jeune Colonel et Chef d’Etat Major de FAPM Guylain Paluku, le fera mettre en prison à Beni pour motif qu’il était complice du FLEC, un front politico-militaire d’obédience rwandaise pour lancer une troisième guerre de libération en R.D. Congo. Après enquête et jugement, Guylain sera acquitté faute de preuves. Mais cette incarcération était un signal fort pour lui au point qu’il était conscient d’évoluer sur un terrain glissant où tous les coups étaient possibles.
Certains Mai-Mai du Nord-Kivu ayant constaté le flou qui entourait l’opération de leur désarmement et intégration dans l’armée nationale, n’avaient pas adhéré au FAPM. C’est le cas du Commandant Jackson qui, à l’époque était basé dans le territoire de Rutshuru. Le Général Obedi Rwabasira chargera son homologue Guylain de FAPM de convaincre tous les Mai-Mai à quitter leurs maquis pour rejoindre les rangs de la FAPM avant leur integration dans l’armée nationale. Pendant que le Général Rwabasira faisait pression sur le Colonel Guylain pour extirper de la brousse tous les résistants mai-mai, aucune pression n’était exercée sur la milice TPD (Tous Pour le Développement) d’Eugène Serufuli et sur les rebelles de Nkundabatware. Ce désarmement selectif se poursuit jusqu’à nos jours pour une finalite qui n’est plus difficile à imaginer, à savoir donner le contrôle du Kivu aux milices rwandophones qui n’ont jamais été concernés par l’opération DDRR.
Le 2 Octobre 2004, le Colonel Guylain prit l’avion à Beni pour une rencontre des officiers militaires du Nord-Kivu à Goma sur invitation personnelle du Commandant de la Huitième Région Militaire, à savoir le Général Obedi Rwabasira. Cette réunion, durera six jours. De cette réunion, le Colonel Guylain reçut de nouveau un mandat officiel de sensibiliser les résistants mai-mai de Nyamilima à quitter la brousse pour rejoindre le brassage. Rentré à Beni après la rencontre de Goma, Guylain quittera de nouveau Beni pour Kiwanja, le 16 novembre 2004 pour s’acquitter de sa mission de convaincre les Mai-Mai de Nyamilima à rejoindre le camp du brassage. Il était accompagné du Colonel LUC LUKULA. Le Dimanche 20 novembre 2004, Guylain et son compagnon de fortune Luc disparaitront de leurs chambres d’Hôtel à Kiwanja. Aucune enquête pour élucider les circonstances exactes de la mort de Guylain et de son compagnon LUc, n’a jamais été diligentée ni la Huitième Région Militaire ni par la Monuc qui soutenaient leur mission. La sensibilisation des mai-mai relevant de l’opération DDRR de la Monuc, il a fallu attendre trois ans pour que cette Monuc confirme la mort de Guylain sans donner plus de détails.
La mort de Guylain est une leçon pour la résistance Nord-Kivutienne qui est entrain d’apprendre sur le tas qu’elle a été roulée dans la farine par la ruse. Guylain est mort au front, parce qu’il était fidèle à sa mission jusqu’au bout. Il croyait en la paix, à la formation d’une armée une et nationale. Il est victime de la ruse de ses partenaires au dialogue qui ont vu en lui un chef et un vaillant combattant, eux qui militent pour la création d’une armée mono-ethnique au Nord-Kivu. La meilleure façon de faire le deuil de Guylain et de Luc, c’est de continuer leur lutte pour que les combattants du Nord-Kivu fassent un front commun pour l’avènement d’une armée une et nationale. Tous les Nord-Kivutiens doivent prendre part à ce combat car comme dit Wiesel Elie (Prix Nobel de la Paix), « la neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime».
Philippe Kasenzera
Butembo
Beni-Lubero Online





