





Je ne crois pas courir le risque d’être contredit en soutenant que le Chef de l’Etat joue un rôle capital ou déterminant dans le façonnement de l’histoire d’un pays. Etant donné, en effet, qu’il détient le pouvoir du dernier mot, beaucoup de choses dependent de lui.
Aussi la vigilance devra-t-elle être redoublée au moment de l’élection présidentielle. Compte tenu de l’importance du Chef de l’Etat dans la pyramide du pouvoir, je m’en vais tenter, dans les lignes qui suivent, de tracer le profil qu’on attend du futur Garant de la nation congolaise à savoir le Président de la République.
Le pays étant ce qu’il est aujourd’hui, un pays en état de déliquescence avancée, le “Garant de la nation” devant provenir de prochaines échéances électorales se veut être un homme de caractère c’est-à-dire autoritaire mais non arbitraire, protecteur mais non débonnaire, vaillant mais non provocateur.
En plus de cela, ça doit etre quelqu’un dont le leadership anime, entraîne, dynamise, explique et oriente en disant ce qu’il fait et en faisant ce qu’il dit et en qui la gloutonnerie est étrangère. Grosso modo, l’homme dont on a besoin à la tête de la RDC au lendemain des échéances électorales se veut être un modèle narratif d’action pour ses collaborateurs et pour le peuple. L’exemple vient d’en-haut, ainsi que le veut un adage populaire. Ce qui revient à dire qu’une de ses nombreuses responsabilités consistera à restituer à l’Etat son rôle d’éducateur: éducation du peuple à la raison, au bon sens, à l’honnêteté, au dévouement, au patriotisme, bref au civisme.
En lui et en ses collaborateurs doivent se conjoindre l’éthique de responsabilité dont relève la violence dite légitime qui se manifeste sous forme de contrainte, de coercicion, de sanction et d’opposition de la force à la force quand cela s’impose et l’éthique de conviction dont relève la non-violence dont la persuasion, la négociation, les mesures de grâce sont parmi tant d’autres les modes d’expression. Ces deux éthiques sont à exercer ou à appliquer selon les circonstances. En effet, le droit sans la force, fait à juste titre observer Blaise Pascal, est inefficace à cause de son incapacité à assurer ou à imposer l’ordre et à protéger les faibles contre les forts et la force sans le droit est dangereuse parce qu’elle conduit inéxorablement au règne de l’arbitraire, de la tyrannie et, tout compte fait, à la chosification de l’homme.
Ce qui suggère qu’il est exclu que le Garant de la nation fonctionne de manière harmonieuse et efficiente s’il se garde de mettre la force au service du droit. Aussi attend-on de lui dans sa façon de gérer l’Etat dont il est l’incarnation le maintien d’une saine dialectique entre le droit et la force. Il est, en effet, Garant de la nation dans la mesure où il garantit le règne de la loi et la sécurité de tous. Une des modalités de cette sécurité, mise à part la securité physique, c’est la sécurité matérielle qui ne pourra être restaurée en RDC que par la réhabilitation du salariat et, par relation de transitivité, par la reconstitution de la classe moyenne laquelle fait nombre avec les conditions de possibilité de la remise de l’économie du pays en marche. En effet, comment un pays peut-il se developper s’il ne dispose pas à la fois de deux types d’hommes à savoir, d’un côté, les producteurs ou hommes d’affaires et, de l’autre, les preneurs? Le marche congolais est parfois inonde de biens mais sans preneurs. Non pas que les congolais ne veulent pas s’en porter preneurs mais pour la simple et bonne raison que leur pouvoir d’achat est quasi-nul pour ne pas dire nul. Cet état de choses gangrène le commerce et, par voie de conséquence, l’économie du pays.
Pour ainsi dire, on a besoin à la tête du pays de quelqu’un qui n’a pas peur de s’éloigner de sentiers battus ou, à mieux dire, tracés par ses prédecesseurs: ceux de l’égoisme, de l’opportunisme et du mépris de la quête de l’excellence mais qui ouvre de nouvelles avenues susceptibles conduire le peuple vers la prospérité dans la paix, la fraternité et la solidarité et donc vers le refus du self-service, de la corruption, de la médiocrité et de l’informel.
Il suit de ce qui précède que le Garant de la nation devant émerger de prochaines échéances électorales se veut être un organisateur, un mobilisateur, un constructeur, un ascète et un pacificateur. Un organisateur qui s’applique à remettre de l’ordre dans le pays en balayant l’informel ainsi que la corruption et en jugulant la mise à sac quotidienne des caisses de l’Etat par ceux qui les gèrent. Un mobilisateur en remettant les congolais au travail non seulement par la persuasion mais aussi par une rétribution satisfaisante qui leur assure le pouvoir d’achat. Si le peuple a aliéné aux gouvernants son droit de s’occuper de la gestion courante des affaires de l’Etat, il n’a jamais aliéné au profit de ces derniers son droit au minimum vital ou, soit dit autrement, son droit à une vie décente. Le Garant de la nation attendu devra être à même de travailler à la réconciliation de tous avec tous par le restauration de la justice sociale qui est une des conditions de possibilité de la reconstruction du pays. Un constructeur qui remette sur pied les infrastructures économiques détruites par des guerres à repétition, par plusieurs années de gabégie et de négligence, par des décisions politiques suicidaires ainsi que par des scènes de pillage qui n’en finissent pas. Un ascète c’est-à-dire quelqu’un capable d’oubli de soi aux fins de la prévalence de l’intérêt général, bref quelqu’un qui accepte que ses émoluements soient à la mesure de la pauvreté du pays. Un pacificateur qui, par la force, débarrasse le pays de toutes les forces négatives qui, par l’insécurité qu’elles y sèment, entravent la relance de l’économie et qui dote l’Etat de moyens susceptibles de permettre à celui-ci de tenir tête au terrorisme d’où qu’il vienne.
Pour m’exprimer comme le Philosophe allemand Emmanuel Kant, le Garant de la nation qu’on attend aura à travailler simultanément sur trois chantiers: 1) la maîtrise de la politique ou de l’histoire congolaise par l’instauration d’un Etat de droit, 2) la maîtrise de la nature par l’adaptation de celle-ci à nos besoins et par la création en son sein d’un cadre existentiel où on éprouve plus d’aisance que de malaise ou, soit dit autrement, plus de plaisir que de déplaisir et 3) la maîtrise de l’homme par la débarbarisation de celui-ci en domptant ses instincts primaires. Pour se prévaloir du qualificatif de Garant de la nation, le Chef de l’Etat attendu au terme de la transition devra être un homme intelligent et muscle compte tenu des enjeux en présence et de l’état de chantier dans lequel se trouve le pays. Aussi l’élection présidentielle dont dépendra étroitement l’avenir du pays doit-elle être prise très au sérieux. Plus que jamais, la nation a besoin d’être doté d’un Garant.
P. Léopold Kamundu, O. Praem.
Editorialiste de Beni-Lubero Online
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