D’après les déclarations de la Société Civile du Nord et du Sud-Kivu, les avis de la population, y compris ceux des soldats Fardc rescapés de Mushaki, le problème actuel du Kivu est plutôt à Kinshasa. Un gouvernement parallèle dont Joseph Kabila est le chef monopoliserait la gestion de la question du Kivu, handicapant ainsi le bon fonctionnement des Institutions issues des élections de 2006.
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D’après nos enquêtes, ce que la population du Kivu refuse ce n’est pas le dialogue comme tel mais la Conférence de Goma dans le format actuel dicté d’en-haut sans considération aucune du point de vue de la base. Et une petite vérification à Kinshasa, siège des Institutions Nationales, aboutit au constat macabre que la gestion de la question du Kivu est le monopole d’un gouvernement parallèle connu de Joseph Kabila seul. Ce qui manquait encore à ce gouvernement parallèle, c’était l’armée. Pour parer à cette carence, le Gouvernement de Gizenga vient de doter Joseph Kabila du pouvoir de créer par simple ordonnance une cour militaire opérationnelle au Nord-Kivu contrairement à la Constitution du pays. Le timing de cette Cour Militaire Opérationnelle au Nord-Kivu cache mal la mise en marche de l’autonomisation du Nord-Kivu au plan militaire.
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Si cette balkanisation militaire a marché sans problème avec les officiers supérieurs de l’armée, cela n’était pas le cas avec les officiers subalternes et les soldats des rangs dont la plupart incarnent la volonté du peuple congolais de sortir de l’humiliation qui dure depuis 1996 par une victoire militaire nette sur Nkunda. D’après les rescapés de l’hécatombe de Mushaki, il y aurait eu un plan délibéré d’éliminer les soldats congolais animés de la volonté réelle de capturer le dissident Nkunda pour le faire juger pour ses crimes commis au Congo.
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La justice congolaise, s’il y en a une, devrait instruire cette accusation grave de l’hécatombe de Mushaki pour en connaitre les auteurs, le bilan exact des militaires sacrifiés au front, établir les différentes responsabilités, punir les coupables. S’il y avait un thème d’une conférence précipitée à organiser au Nord-Kivu c’est serait l’hécatombe militaire de Mushaki. Le peuple soutiendrait cette conférence sans problème.
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Ce précédent de Mushaki constitue la raison immédiate du refus de la Conférence de Goma par la population du Kivu. Et si malgré ce fâcheux précédent la Conférence de Goma avait lieu, elle serait anti-démocratique et replacerait la R.D.Congo dans sa jungle habituelle qui dure depuis l’esclavagisme des Portugais jusqu’à la dictature Mobutu, en passant par la colonisation des Belges. Ce retour à la dictature sauterait tellement aux yeux qu’il ne faudrait pas être juriste pour la constater.
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Le peuple congolais en général et celui du Kivu en particulier était allé aux élections, parce que la communauté internationale l’avait convaincu que les urnes mettraient fin à l’arbitraire tant décrié dans la gestion de l’Etat et qu’elles permettraient au souverain primaire de contrôler l’action de ses élus.
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Mais depuis la prestation de serment de Joseph Kabila comme Président de la République, la démocratie congolaise est un mort-né. Le gouvernement parallèle de Joseph Kabila a fait un coup d’état aux Institutions démocratiquement élues au Kivu.
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Si l’on prend seulement le cas du Nord-Kivu (sans évoquer les grosses pannes de la démocratie pendant les tueries du Bas-Congo, l’occupation de Kahemba par l’Angola, l’Invasion de Mbororo au Bas-Uélé, etc.), Joseph Kabila a signée les accords secrets sur le mixage des troupes de Laurent Nkunda avec les Fardc, passant outre le Gouverneur de Province, l’Assemblée Provinciale, l’Assemblée Nationale, le Senat, etc.…). Ce n’était que le début du putsch contre la démocratie au Kivu.
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Les communautés du Kivu ont plusieurs fois demandé à Kinshasa de résoudre l’insurrection de Nkunda comme un problème militaire car c’est de cela qu’il s’agit, comme une question d’indiscipline militaire. En effet, les communautés ethniques du Kivu ne sont pas en guerre entre elles pour qu’on fasse fi de l’insubordination de Nkunda et de ses crimes contre l’humanité. Mais le gouvernement parallèle de Kinshasa entretient l’amalgame entre l’origine ethnique d’un soldat dissident et l’ethnie à laquelle il appartient. En logique simple, haïr un bandit tutsi, n’est pas haïr tous les tutsi, car tous les tutsis ne sont pas des bandits.
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Le fait que le dissident Nkunda ait entrainé dans sa suite des militaires congolais qui ne sont pas tutsi démontre que la crise du Nord-Kivu est militaire et non pas ethnique.
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La même logique anti-démocratique vient de se faire voir dans la préparation de la dite Conférence de Paix de Goma. Au lendemain de la débâcle des Fardc, le Gouverneur et le Président de l’Assemblée Provinciale ont designé dans la précipitation, sans consultation, et en dehors d’une plénière de l’Assemblée Provinciale, les députés provinciaux qui devaient aller à Kinshasa. Instrumentalisant cette présence à Kinshasa, des quelques députés provinciaux du Nord-Kivu, une Conférence de Paix a été décidé en dehors du Parlement. Mais comme le Président de l’Assemblée Nationale est du même plumage que le gouvernement occulte, on peut s’imaginer la suite.
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A Propos de 600 participants à la Conférence, 300 membres de droit seraient nommés par Kinshasa, et donc le Sud-Kivu désignerait 150 et le Nord-Kivu 150. Ceci veut dire que meme si la base boude la conférence, le quorum serait toujours atteint. Dans les provinces du Sud et du Nord-Kivu, les critères de désignation des délégués ne sont pas connus de la population, personne n’y songe. Kinshasa s’est aussi octroyé le privilège du droit de l’œil sur les listes des provinces. Pour y arriver, Kinshasa centralise l’impression des invitations et des macarons. Tout ce travail est à faire dans une semaine pour montrer que les organisateurs n’attachent pas vraiment d’importance aux assises de Goma que d’aucuns qualifient d’une simple foire pour légitimer l’argument du plus fort, soit par la force, soit par le dollar. Les Millions de dollars que les donateurs miroitent aux yeux des Congolais peuvent servir à acheter les consciences des faibles.
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Les élus du Nord-Kivu sont en marge des préparatifs de cette Conférence. Jusqu’à ce jour de Noel, la plupart d’entre eux ne savent rien de l’organisation, à part le fait que les travaux se dérouleraient à l’Hôtel Ihusi, à deux pas de la frontière rwandaise, et au bord du Lac Kivu. L’Hôtel Ihusi appartient à Mr VANY, un ressortissant de Bukavu.
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Toutes les déficiences politiques ci-dessus relevées justifient le NON des Sociétés Civiles du Sud et du Nord-Kivu à une conférence dont elles ne voient pas le sérieux.
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Mais comme le diable s’est toujours trouvé des avocats, la Conférence de Goma en a aussi trouvé. Ainsi au Sud-Kivu, on accuse les Kamerhe Boys de vouloir honorer leur maitre. Au Nord-Kivu, et notamment à Butembo, on apprend que les Malu Malu Boys voudraient faire le déplacement de Goma.
Au Sud- Kivu, le refus de la conférence de Goma est radical. Non seulement la population demande à ses fils et filles authentiques de ne pas faire le déplacement de Goma mais prévient que quiconque irait à Goma verrait sa maison brulée.
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Au Nord-Kivu, où les populations n’expriment leurs sentiments que par des actions de fois surprenantes, le refus est aussi radical. Si on prend en considération la dissémination dans la population du Kivu des rescapés de Mushaki, il faut craindre que le peuple qui a été sous informé depuis le début par le gouvernement de Kinshasa, a pris le goût de s’informer à d’autres sources…
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On aboutit ainsi à une situation où les gouvernants ont perdu toute crédibilité parmi les gouvernés. Tout ce qu’ils disent passe pour un mensonge, une ruse, etc. La Monuc ainsi que les différents Consuls qui se bousculent aux portes du Kivu en ce temps de crise, sont tous dans le même sac. On invite ainsi l’Afghanistan, l’Iraq, la Somalie au Congo.
Faisant fi de cette situation explosive, le gouvernement congolais ainsi que la Monuc poursuivent leur plan machiavélique sur le Kivu sans tenir du tout compte de la dynamique locale, qui dans le cas d’espèce peut être une véritable dynamite d’une guerre généralisée qui opposerait le peuple à ses gouvernants désavoués.
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Paul Maene
Goma
Beni-Lubero Online