





L’entrée du CNDP au gouvernement du Nord-Kivu et ses tentatives pour avoir ses membres au gouvernement de Kinshasa sont (aussi) un retour à la lecture ethniciste (et réductionniste) de la guerre d’agression à laquelle les dignes filles et fils de notre peuple résiste jusqu’à ce jour. Les ennemis de nos populations jouent sur le facteur temps. Fins connaisseurs du non-attachement de plusieurs d’entre nous aux écrits, ils recourent au temps qui passe pour nous faire avaler les solutions que nous avons rejetées hier.
Accepter que le CNDP rentre dans les différents gouvernements du pays, c’est ipso facto, avouer que la guerre d’agression imposée au Congo avait comme cause majeure l’exclusion des « minorités tutsi » pour lesquelles le CNDP, dans la bouche de Nkunda, a avoué être avoir pris les armes. Pourtant, à plusieurs reprises, les Congolais ont montré, preuves à l’appui, que ladite minorité est représentée (et même surreprésentée) dans toutes les institutions du pays. Et qu’au Congo, presque toutes les ethnies sont minoritaires.
En sus, plusieurs rapports tant nationaux qu’internationaux rédigés sur cette guerre ont indiqué, noir sur blanc, que le CNDP, comme l’AFDL et le RCD, est au service de la sous-traitance de Kigali dans le pillage des ressources naturelles du Congo par les transnationales. Dans ce contexte, le retour à la question ethnique est rejet « poli » de tous les rapports réfutant l’argument ethniciste de la guerre d’agression. C’est un blanchiment pour les Acteurs majeurs.
Donc, par le fait que le CNDP siège déjà dans un gouvernement provincial, les gouvernants congolais avalisent l’explication ethniciste de la guerre d’agression et en dédouanent les véritables commanditaires : les U.S.A. et la Grande-Bretagne ainsi que leurs multi et transnationales cotées en bourse à Toronto. Le prochain retour de l’Africom sur le lieu du crime avec des tonnes de matériel militaire est un signal fort : la guerre d’agression ira en augmentant en intensité ou elle se poursuivra « doucement ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Le CNDP s’étant démultiplié (dans l’armée, dans les gouvernements et autres institutions de la troisième République), ses parrains viendraient à son secours pour la poursuite de ses exploits mortifères. Et cette équation est très difficile et compliquée à comprendre pour le commun des Congolais. Elle est mêlée à une appréhension erronée des USA comme Etat philanthropique. Misère ! Explicitons.
La guerre d’agression participe de la re-fection de la carte de l’Afrique Centrale par les USA après Mobutu. Eux et leurs alliés ont choisi de nouveaux sous-traitants : Kagame et Museveni.
Contrôler le Congo et ses ressources naturelles permettraient aux USA et leurs alliés d’avoir la mainmise sur l’Afrique et de gagner la guerre économique contre les pays émergeants dont la Chine et l’Inde.
Les Congolais attentifs à cette tournure prise par l’après guerre froide résistent contre les valets de Kagame et Museveni dans leur pays. Pendant plus de dix ans, ils disent non à la sous-traitance rwandaise et ougandaise. Les USA et leurs alliés résistent eux-aussi. Ils inventent des stratégies de la paix des cimetières et poussent le Rwanda à infiltrer davantage l’armée et les autres institutions du pays.
Les IFI s’y mêlent en imposant un paiement d’une dette odieuse avec tout ce que cela comporte comme conséquences : la confiscation de la caisse de l’Etat par « l’autorité morale de l’AMP », la restriction des droits sociaux et économiques des Congolais(es) (les salaires impayés, les emplois non créés et/ou mal rémunérés quand cela est possible, les soins de santé inaccessibles pour le commun de Congolais, etc.).
Ce contexte mortifère fait le lit de la corruption : vous voulez avoir des sous, ok. ; souscrivez à la pensée unique d’un Congo chasse-gardée des impérialistes. Dès que vous le faites, les valets de l’impérialisme peuvent délier le cordon de la bourse. Et le 28 décembre, Muzito lui-même confiait à ses interlocuteurs qu’il ne pouvait pas verser les salaires par respect pour les diktats du Fonds monétaire international.
Le Ministre belge de la coopération inscrit, lui aussi, l’aide liée de la Belgique au Congo de Lumumba dans la même perspective. L’une des conditions auxquelles le Congo devra satisfaire pour bénéficier des 75 millions de la Belgique est le respect des règles édictées par le FMI. S’expliquant sur le contenu réel de l’enveloppe de l’aide au développement Charles Michel souligne : « Il sera doté de 75 millions d’euros les deux premières années (2010 et 2011). Une évaluation sera alors menée à mi-parcours pour voir "si on peut élargir l’enveloppe" pour les années 2012 et 2013 sur base de quatre critères: le climat des affaires, des objectifs de gouvernance et de bonne gestion macro-économique selon les normes du Fonds monétaire international (FMI) et le déroulement des élections générales prévues en 2011 en RDC, a expliqué le ministre. » Voilà comment la boucle se boucle.
Résumons. Sous la botte de deux sous-traitants de l’impérialisme US et de ses alliés, guidé économiquement par le bras financier de cet impérialisme (le FMI et la Banque mondiale), notre pays est asphyxié.
Quand, dans ce contexte, le gouverneur de la Banque du Congo clame tout haut que les perspectives économiques pour le Congo de demain sont bonnes, il insulte l’intelligence des filles et fils du Congo qui ont maîtrisé, tant soit peu, les outils auxquels l’impérialisme occidental recourt pour mettre le Congo au fond du gouffre.
Pour demain, nous n’avons pas beaucoup de choix : nous devons poursuivre la résistance contre cet ordre impérialiste en identifiant au mieux les instruments dont il se sert et en constituant, le plus que nous le pouvons, un autre leadership (collectif) pour notre pays.
En tenant compte des rapports de force en présence, nous avons que la tâche de la refondation d’un autre Congo est titanesque. Elle vaut la peine d’être au fondement de nos raisons de vivre et de mourir. Pour 2010, il nous faudra encore beaucoup de courage et de persévérance !
Jean-Pierre Mbelu





