





C’est depuis un satellite naturel que cela s’est observé. Nous sommes en décembre 1972. On assiste au lancement de « Apollo 17 », un module spatial américain. A son bord, Harrison Schmitt, le premier et l’unique géologue ayant foulé le sol lunaire à ce jour. Grâce à sa voiture spéciale le « Rover lunaire », M. Schmitt fera 35 km sur la Lune et collectera 110 kg de roche que l‘équipage parviendra à ramener sur terre.
Mais l’aventure ne s’arrête pas là. Depuis la Lune, cette mission se met à photographier notre Terre. Les photos prises dévoilent alors une image de la planète bleue telle qu‘on ne l‘ait jamais vue. Et voilà qu’un détail troublant saute aux yeux : on découvre sur l’une des faces de la Terre une balafre longue de 9.700 kilomètres qui sera décrite plus tard comme ”un ravissant grain de beauté sur la face de la planète”. En fait, il s’agit d’une fosse de 8 à 80 kilomètres de large qui s’étend du Moyen-Orient jusqu’à l’océan Indien. Ce qui est vu ce jour-là, vous l’avez deviné, c’est bien évidemment la vallée du Rift.
Vous avez dit “vallée du Rift”?
C’est une vallée d’une beauté majestueuse, oui, c’est une merveille géologique. Même si la Bible n’utilise pas les mots « vallée du Rift », – appellation que l’on doit au géologue écossais J. Gregory en 1893 – elle parle abondamment de cette vallée en termes élogieux en la désignant parfois par son nom antique de « Araba », une vallée qui commence sous le pied du mont Hermon.
Du fond de cette vallée serpente le Jourdain qui traverse ensuite la mer de Galilée avant d‘achever son cours dans la mer Morte, dont la surface se trouve à 394 mètres au-dessous de niveau de la Méditerranée. Ce qui en fait le point le plus bas de la surface terrestre. Mais la vallée qui nous intéresse va au-delà de la mer Morte car elle couvre également le golfe d’Akaba. Après quoi, cette fameuse fosse traverse la mer Rouge et pénètre en Afrique par l’Éthiopie, du côté opposé à l’angle du golfe d’Aden et de la mer Rouge.
Le long de la vallée du Rift on dénombre de crêtes volcaniques, de cratères éteints et de grandes coulées de lave. Ce sont là les témoins des éruptions passées. Et la région se distingue par le fait qu’elle enregistre épisodiquement des tremblements de terre et une activité volcanique. Ce sont de tels séismes qui ont accompagné la naissance des fosses tectoniques.
Les géologues s’accordent à dire que la chaîne montagneuse du mont Hermon a vu le jour lors de l’effondrement de la faille syro-africaine, autrement dit, à la même période qu’il y a eu l’affaissement qui a donné naissance entre autres, à la vallée verdoyante du Graben que les habitants de Beni-Lubero ont le plaisir d‘observer depuis divers sites de leur région. D’après les mêmes géologues, c’est à cette même période qu’il y a eu l‘émergence du massif de Rwenzori, l’apparition de monts Meru, Kilimandjaro, de la chaîne des montagnes de Mitumba…
Tout partira de Bab-El-Mandeb
Ce qui s’observe dans le détroit de Bab-El-Mandeb serait prémonitoire. Bab-El-Mandeb est un détroit stratégique situé entre le Yémen dans la Péninsule arabique et de Djibouti, au nord de la Somalie dans la Corne de l’Afrique. Il relie la mer Rouge au golfe d’Aden, dans l’océan Indien.
Bab-El-Mandeb est une dorsale qui constitue à cet effet le dernier verrou. Or, ce dernier verrou est entrain de sauter. En effet, à partir de Bab-El-Mandeb, on observe la séparation inexorable de deux plaques tectoniques, mettant fin au dernier point d’attache entre la plaque africaine et la plaque arabique. Les différentes études attestent que ces deux plaques ne cessent de s’éloigner l’une de l’autre en vue de former, dans le futur, un nouvel océan.
Les eaux de ce nouvel océan partiront donc de Bab-El-Mandeb et se déverseront en Afrique de l‘Est via le Rift éthiopien. C‘est ainsi que le grand rift est-africain se révèle être le tracé d’une nouvelle « frontière naturelle » car, à terme, il séparera la plaque africaine de la plaque somalienne. Rappelons que la RDC se situe sur la plaque africaine tandis que l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi… sont sur l’autre plaque, la plaque somalienne.
Les pays voisins face à deux “brèches”
Les fissures observées dans la vallée du rift africain se déclinent en deux branches : l’une à l’est et l’autre à l’ouest. La branche orientale suit les lacs Zouaï, Shala, Abaya, Turkana, Baringo, Nakuru, Naivasha, Natron et Eyasi, à travers l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie. Cette gigantesque cassure est bordée de magnifiques sommets enneigés. Ceci est le résultat des activités dites du “rifting”, activités souterraines fort heureusement mais d’une violence inimaginable. D’ailleurs, on en a la preuve en observant les dizaines de volcans encore actifs ou semi-actifs qui se dressent entre les rives de la mer Rouge, en Éthiopie, et les monts Meru (4.567m) et Kilimandjaro (5.895m), en Tanzanie.
La branche occidentale est plus large par rapport à la branche orientale. En outre, les lacs de cette branche occidentale de la vallée du Rift sont les plus grands, les plus profonds et les plus anciens de cette fosse. C’est à ce titre qu’elle est appelée « Grands Lacs ». Il s’agit du lac Albert (ex-Mobutu, 5.300 km²) qui s‘écoule dans le Nil blanc ; du lac Edouard (ex-Idi Amin, 2.325 km²) qui s‘écoule dans le lac Albert par la rivière Semuliki longue de 230 km. Et du lac Kivu (2.220 km²) qui s‘écoule dans le lac Tanganyika par la rivière Ruzizi.
De tous ces lacs d’effondrement, le Tanganyika tutoie tous les autres car il s’impose avec ses 32.900 km² et sa profondeur de 1.433 mètres qui fait de lui le deuxième plus profond lac du monde. Enfin, la branche occidentale finit sa course en beauté dans le lac Rukwa (2.600 km²) en Tanzanie avant de faire jonction avec sa sœur, la branche orientale. Une fois les deux branches sœurs réunies, la vallée du Rift fait son lit dans le lac Malawi, et ne se gêne pas de creuser son chemin à travers le Mozambique pour aboutir à l’océan Indien.
Les activités sismiques dans la région
C’est aussi sur cet embranchement occidental de la vallée du Rift que s’élève le massif du Ruwenzori, qui culmine à 5.110 mètres au-dessus de la vallée et que les habitants de Beni observent chaque matin au lever du soleil.
A quelques kilomètres de Goma ou plus loin dans le Parc national des Virunga, on peut admirer aussi ces centaines de cratères qui ressemblent à des ogives nucléaires orientées vers le ciel et qui ont l’air menaçant. Une façon de nous rappeler peut-être que nous devons demeurer sages, sinon c’est la catastrophe qui nous attend. Certains volcans fument discrètement, d’autres fulminent de manière ostentatoire comme s‘ils attendaient un coup d’envoi avant d‘envahir la région de leur lave.
Et parmi ces volcans, huit d’entre eux se démarquent par leur taille : le Karisimbi (4.509 m), le Mikeno (4.437 m), le Muhavura (4.127 m), le Visoke (3.711 m), le Sabinio (3.694 m), le Gahinga (3.474 m), le Nyiragongo (3.471 m) et le Nyamulagira (3.058 m). Au-delà du Nord-Kivu le mont Kahuzi ( 3.308 m) et le mont Biega ( 2.790 m), deux volcans éteints, nous rappellent que nous longeons les monts Mitumba et que nous nous orientons vers le lac Tanganyika.
La dérive des continents à effet domino
Selon Le Grand Atlas du Monde (éd. 1991) et des études récentes révélées par www.geopedia.fr, on enregistre en ce moment des collisions entre plusieurs plaques. L’Afrique et l’Australie remontent vers le Nord et vont progressivement rencontrer la plaque eurasienne. Par conséquent, la mer Méditerranée sera destinée à disparaître car les plaques africaine et eurasienne se rejoindront par collision. Une partie de l’Afrique orientale située sur la plaque somalienne se détachera du continent, comme nous l’avons évoqué ci-haut. La Californie se séparera de l’Amérique du Nord. La collision entre l’Inde et la Chine est déjà très active à notre époque et provoque des séismes et des mouvements de terrains importants dans cette région du globe. Par contre, l’océan Pacifique diminuera de taille, compensant en quelque sorte l’expansion des océans Atlantique et Indien.
Que dire sur le plan local? La prochaine fois qu’il y aura un tremblement de terre au Kivu, dites-vous que le processus est en marche de par ce que l’on appelle en géologie la “divergence” des plaques tectoniques, autrement dit, l’éloignement progressif et irréversible d’une plaque par rapport à une autre. Mais pour être témoin du changement de l‘écorce terrestre qui verra le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda… s’éloigner, il faudra vivre longtemps, très longtemps. En effet, les géologues estiment que cet événement interviendra dans les prochains 50 millions d’années car la fissure qui s’observe depuis la vallée du rift éthiopien évolue lentement, à raison de 1 centimètre par an.
En attendant que cette frontière naturelle se dresse, quelque chose me dit que les congolais se seront déjà réconciliés avec leurs voisins immédiats de la plaque somalienne comme ils l‘ont magistralement fait avec les ‘colons belges’ de la plaque eurasienne qui furent leurs ‘bourreaux’ il y a à peine… 50 ans.
Pendant que je boucle cet article, un observateur avisé m’interpelle en disant : “Avant que n’intervienne ce ‘brassage’ ou ‘mixage’ des continents, pourquoi ne pas écrire à tes savants géologues de simuler plutôt ce que pourrait bien être la vallée du Rift et ses environs si l’on procédait dès à présent à l’éducation des masses et qu’on apprenait aux gens à s’aimer et à considérer la vie comme sacrée?” Tiens! Une idée sympa. Vite, une lettre au célèbre géologue Harrison Schmitt pour qu’il nous fasse des projections de résultat d’une telle action sur 1, 10, 100 ans!…
Kasereka Katchelewa
Aisy-sur-Armançon, France
©Beni-Lubero Online





