





L’application des accords d’Ihusi (Goma) relève de l’équilibrisme sur le fil d’un rasoir ! A la base, il y a une élucubration d’une logique contestable, par laquelle on pose comme une vérité acquise et incontestable que le CNDP est devenu un mouvement politique respectable qui, comme tel, devrait avoir sa place dans les institutions.de la RDC. Pour arriver à cette affirmation, le pouvoir congolais est obligé de pratiquer volontairement l’amnésie ou la cécité, car cela revient à oublier ou à ne plus voir aujourd’hui ce que l’on a établi autrefois, y compris par des preuves matérielles, à savoir que le CNDP était fondamentalement un instrument du Rwanda, voire tout simplement un faux nom sous lequel il y avait l’armée rwandaise. Laissons toutefois cela de côté pour l’instant.
Il s’agit donc du raisonnement en vertu duquel un mouvement armé doit se transformer en parti politique et reçoit dès lors le droit de participer à la gestion du pays. Il n’est pas difficile d’y reconnaître le raisonnement qui était à la base de la transition, époque à laquelle on avait d’ailleurs fait preuve de la même cécité vis-à-vis des mouvements de « résistance armée » de l’époque : MLC ou RCD, non moins inféodés à l’étranger que le CNDP.
Tout le problème est que, précisément, on en revient à la Transition. Celle-ci se basait sur l’idée qu’il n’y avait plus, au Congo, de gouvernement vraiment légitime (Nous laisserons également de côté le fait de s’avoir s’il s’agissait là d’une affirmation fondée) et que, pour départager les débris du mobutisme, les survivants de la CNS, les continuateurs de l’AFDL et les « rébellions » il fallait faire une pause pendant laquelle toutes ces « composantes et entités » se partageraient le pouvoir, afin d’organiser des élections d’où sortirait un pouvoir vraiment légitime.
Une chose est visible comme le nez au milieu de la figure : un tel mécanisme est lié à une situation momentanée de quasi-inexistence de l’Etat et ne peut se répéter. Même si les élections n’amènent au pouvoir qu’un gouvernement faible et hésitant, elles doivent être la fin définitive d’un processus unique que leur tenue même clôture définitivement. Le train n’attend pas et l’histoire ne repasse pas les plats. Tant pis pour les retardataires. Si l’on s’écarte de cette logique, on ouvre la porte aux revendications, basées bien entendu sur la violence, de n’importe quel seigneur de la guerre qui se prétendra, avec ou sans le soutien de quelque puissance interne ou étrangère, le porte parole d’une minorité. Comme il n’y a au Congo QUE des minorités, on est parti pour longtemps !
La Transition n’a eu de sens que dans la mesure où l’unanimité se faisait au moins sur un point : désormais, les élections seraient le moyen d’arriver au pouvoir et il n’y aurait pas d’autre moyen.
Il faut d’ailleurs remarquer que le CNDP, à l’origine, est précisément un mouvement de refus de la Transition. Laurent Nkunda a fait partie, avec Jules Mutebusi et d’autres, des militaires du RCD qui ont refusé de se laisser intégrer dans les FARDC et, en particulier, de quitter les régions frontalières de l’Est.
Intégrer, à quelque niveau de pouvoir que ce soit, des représentants du CNDP qui, par définition, ne devront pas ce pouvoir à une élection, revient donc purement et simplement à nier la Transition et le processus électoral. Ce serait vrai même si l’on considérait le CNDP comme une simple « prolongement » du RCD, car ce parti a été le grand perdant des élections où il s’est fait purement et simplement laminer. Il serait tout de même difficile de prétendre que la démocratie puisse consister à imposer des gens qui ont été, manifestement, repoussés par les électeurs !
Or, il se fait que les Congolais considèrent qu’ils ont supporté des années pénibles, pendant la Transition, précisément dans ce but : que, désormais, les élections soient le moyen d’arriver au pouvoir et qu’il n’y ait pas d’autre moyen.
Et, parmi ceux qui soutiennent le gouvernement actuel, il y a une proportion notable de gens qui ne sont ni des admirateurs de Joseph Kabila, ni persuadés que les élections de 2006 aient été un chef d’œuvre de démocratie, de transparence et de liberté. Ils tiennent simplement à ce que cet acquis de la Transition soit préservé.
Il pourrait s’avérer qu’en voulant intégrer le CNDP, le pouvoir congolais est en train de scier la branche sur laquelle il est assis.
© CongoForum, le mercredi 6 mai 2009





