





Le Jeudi 4 mai 2006, la population du Quartier Vukaka, Commune Mususa, Ville de Butembo s’était révolté contre l’Eglise Evangélique du Rite Africain, EERA en sigle, au motif que cette Eglise avait érigé une barrière sur une voie publique qui traverse sa concession et qui relie Vukaka à Irangya. Du coup, la population ne pouvait plus circuler librement entre les quartiers Vukaka et Irangya. Pour mettre en application cette mesure, par ailleurs désapprouvée par la population des environs, l’Eglise EERA avait fait placé une équipe des gardes pour punir tout contrevenant qui oserait emprunter cette voie interdite. Fermée sans préavis et sans concertation avec les chefs de quartiers, il fallait s’attendre à un mécontentement des usagers de cette route. Certains passants non avertis furent fouettés par les gardes sur ordre des autorités de l’Eglise EERA qui voulaient rayé cette voie publique de la carte de la ville de Butembo car pour l’Eglise EERA leur lieu sacré implanté en ce lieu est violé par des passages intempestifs de la population. Notez que Vukaka est pour l’Eglise EERA, l’équivalent du Vatican pour l’Eglise Catholique Romaine. Pendant des moins, les populations victimes de cette barrière se sont plaints auprès de l’Archevêque de l’Eglise EERA qui prêtait une sourde oreille à leur plainte. Comment on dit souvent, une population brimée finit toujours par se révolter quelle que soit la force de son bourreau. Les tortures infligées aux passants récalcitrants du 3 mai 2006 ont constitué la goutte qui a fait déborder le vase. La population de quartiers environnants mise au courant de ces tortures est descendue vers la barrière avec des pierres, des bâtons, et d’autres projectiles pour casser la barrière, mettre en déroute les gardes et ériger un feu « erisingo » à l’endroit de la défunte barrière comme pour en célébrer le deuil ou le « kiriro ». Après la destruction de la barrière, cette population en colère menaçait de s’attaquer aux bâtiments du Quartier Général de l’Eglise EERA. Mis au courant de cette surchauffe populaire qui pouvait dégénérer en guerre de religion, le Maire de la Ville, Mr. Wabunga Singa, accompagné des membres du comité de sécurité, des agents de la Monuc et de l’ACR (services des renseignements du RDC-K-ML) s’est rendu sur les lieux pour apaiser la foule en colère. Aussitôt arrivé, le Maire de la Ville a annoncé que désormais il n’y aurait plus de barrière sur cette voie publique qui existe en ce lieu bien avant l’érection des Headquarters de l’Eglise EERA. La population en liesse avait quitté les lieux en s’écriant avec joie : Victoire au Peuple ! Après cette paix retrouvée, le maire de la ville et sa délégation allèrent saluer l’archevêque de l’Eglise EERA, Son Excellence Kalwaghe Jean Hus, caché dans sa résidence patriarcale pour lui signifier la mesure prise par la Ville afin de favoriser la paix entre l’Eglise EERA et la population locale. ( Correspondance particulière de BLO)
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. Jeudi 11 mai 2006 : www.benilubero.com] Enjambée historique de l’Eglise Protestante du Grand Nord
L’histoire de l’Eglise Protestante au Grand Nord contient plusieurs moments de crises internes et externes allant de la démission des missionnaires, départ massif des fidèles, au schisme.
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L’origine de l’Eglise Protestante au Grand Nord remonte au vaillant missionnaire américain Charles Hurlburt (appelée communément ‘Horove’) qui était parti de Philadelphie en 1898 pour fonder une première mission à Kijabe au Kenya, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Nairobi. Profitant du passage du Président américain Théodore Roosevelt en tourisme au Kenya en 1909, Charles Hurlburt passa par son Président Théodore Roosevelt pour obtenir une permission du Roi Albert de Belgique de fonder une mission au Congo Belge. Le Roi Albert de Belgique accorda cette permission en 1910 à l’Eglise Missionnaires à l’Intérieur de l’Afrique (AIM= African Inland Mission). Paul Hurlburt, fils de Charles Hurburlt, ayant étudié à l’Ecole Presbytérienne de Los Angeles rejoignit son père en 1917 au Congo Belge et s’installa à Abba, au Nord-Est du Congo Belge.
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La première dissension au sein de l’AIM eut lieu en 1926 quand Charles Hurburlt démissionna de l’Eglise AIM en signe de protestation contre les autres missionnaires qui voulaient élargir la mission à d’autres lieux que Kijabe (Kenya) et Abba (Nord-Est du Congo). Il rentra aux USA pour s’occuper de la présidence de la Société Biblique de Los Angeles. Ayant reçu un don de 25 000 US$ d’un riche fidèle du nom de Mr. McCormick, Charles Hurburlt demanda à son fils Paul Hurlburlt de fonder une nouvelle société missionnaire dans les coins non encore évangélisés d’Afrique. Ce schisme au sein de l’AIM donna naissance à l’UAM (Unevangelized Africa Mission = Mission pour l’Afrique non Evangélisée) sous la responsabilité des Hurlburts. Ce schisme se consolida en 1928 quand cinq missionnaires des familles Hurburlts, Williams, McIntoshes, Bigelows, et Belles arrivèrent en Afrique par la Tanzanie avant de s’installer le long de la Rivière Kabiro à Irango à Lubero après plusieurs mois de voyage par Bukavu, Sake, Masisi.
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Paul Hurburlt qui avait déjà appris le swahili au Kenya commença directement l’évangélisation auprès de la population locale qui connaissait un peu de swahili simplifié appelé « Kingwana ». Paul Hurburlt appris le Kiswahili Sarufi à ses ouailles pour que ces derniers soient en mesure de lire la Bible ainsi que d’autres écrits liturgiques écrits en Kiswahili du Kenya. Confronté à la difficulté de communiquer en Kiswahili avec la population locale de Lubero, Paul Hurburlt se résolut d’apprendre le Kinande, la langue locale. Son apprentissage rapide du Kinande impressionna beaucoup les populations habituées à des expatriés colons et missionnaires qui méprisaient le Kinande, la langue de « Bashenzi», des autochtones non encore civilisés. Très tôt, Paul entreprit la traduction de la Bible à Kinande.
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Une deuxième difficulté rencontrée par cette Eglise naissance fut le refus de l’administrateur du territoire de Lubero qui représentait les intérêts miniers et commerciaux de plusieurs multinationales, de laisser les missionnaires évangéliser et éduquer la population de son territoire. Mais le Gouverneur de la Province résidant à Kisangani accorda aux missionnaires protestants le droit de poursuivre leur mission d’évangélisation dans la région.
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Au début de 1929, quand le temps fut venu de construire une mission permanente, le choix de ces missionnaires protestants baptistes tomba sur Katwa, située à 5 Km au sud de Butembo. Un docteur du nom de Carl Becker s’y installa et ouvrit le premier dispensaire et la première léproserie en 1929. La deuxième mission fut construite à Kitsombiro, au sud de Lubero, vers la fin de 1929. La sœur de Paul Hurburlt et son mari James Bell ouvrit la mission de Oicha, au Nord de Beni en 1930 et Frank Manning ouvrit celle de Rwanguba à 15 Km à l’Est de Rutshuru en 1931.
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La grande dépression économique des années 30 aux USA comme en Europe, affecta les efforts de ces vaillants missionnaires protestants du Grand Nord. Certains missionnaires étaient appelés à survivre avec 60 US$ par mois et cette somme modique pour eux arrivait au lieu de la mission avec un grand retard. Cette dépression économique provoqua des dissensions au sein de la mission notamment parce que jusqu’à nos jours c’est l’argent qui détermine le genre d’apostolat à entreprendre.
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A la suite de la grande dépression, la question des salaires des catéchistes protestants se posa avec acuité et les missionnaires eurent des visions divergentes là-dessus. Pour Paul Hurburlt, par exemple, il ne fallait pas payer les catéchistes car ils auront leur vrai salaire au ciel. Un missionnaire du nom de Bigelow qui était un très bon chasseur d’éléphants, entreprit d’autofinancer sa mission avec le commerce de l’Ivoire. On raconte qu’il fut tué dans les années 1950 par un éléphant blessé par lui. Un autre missionnaire du nom de MacIntosh était populaire en donnant des habits aux fidèles en récompense du travail manuel rendu au bénéfice de la mission. Ce MacIntosh était aussi le plus libéral de ces pionniers car il tolérait la polygamie, la consommation de l’alcool local, etc.
Il y avait aussi une dissension au sujet de la langue liturgique. Pendant que Paul Hurlburt recommandait le kinande comme seule langue liturgique, MacIntosh continuait à prêcher en Kingwana. Ces différences créèrent par la suite un fossé infranchissable au sein des missionnaires.
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Le premier grand conflit entre les missionnaires éclata en 1933 quand le patron de la Mission Paul Hurburlt arriva de Kitsombiro à Katwa et s’installa dans une ancienne maison de Becker avec l’intention de mettre ce dernier à la porte. Avec l’arrivée de Paul à Katwa, l’Eglise fut divisée en deux pendant plusieurs semaines, avec d’un côté le service liturgique en Kinande avec Paul et de l’autre le service liturgique en Kingwana avec MacIntosh. Finalement Paul fut le vainqueur de ce bras de fer. MacIntosh plia ses bagages et se rendit plus au Nord–Est du Congo pour rejoindre les missionnaires de l’AIM. Au départ de MacIntosh de Katwa, les pasteurs congolais n’avaient plus de salaire et Paul Hurburlt trouva l’opportunité de poursuivre son enseignement selon lequel celui qui veut travailler pour l’argent n’est pas digne du Royaume des cieux. Selon cet enseignement, aucun salaire ne peut récompenser le travail fait pour l’Eglise car au Ciel Dieu donnera le juste salaire à ceux qui auront travaillé pour l’Eglise sur terre… Cette situation provoqua le premier grand départ des fidèles et des pasteurs congolais vers des Eglises ou lieux où ils pouvaient gagner un peu d’argent : le cas d’un certain Makenzi qui émigra en Ouganda chez les Anglicans et qui à son retour à Katwa fut sacré champion de la liberté religieuse avant de se voir exiler à Bukavu. Après le départ de MacIntosh, Paul déménagea de Kitsombiro à Katwa. Pour gagner la confiance des gens, Paul commença à faire ce qu’il reprochait à ses frères américains qui donnaient des salaires aux catéchistes. En effet, il distribuait une cuillerée de sel à ceux qui venaient à l’Eglise et organisait des grandes fêtes à plusieurs occasions pendant lesquelles les fidèles venaient manger gratuitement. Pour renforcer son enseignement, Paul recommanda, comme méthode d’évangélisation, l’apprentissage de la Bible par cœur, l’abandon total des pratiques fétichistes traditionnelles, etc. Il se donna à la formation des catéchistes qu’il envoyait par après dans les villages de la région pour fonder des stations ou paroisses. Chaque responsable d’une paroisse périphérique recevait une lettre d’obédience signée par Paul. Cette lettre l’accréditait auprès des chefs locaux de l’administration territoriale et le dispensait des plusieurs corvées communautaires pratiquées pendant cette période par l’autorité coloniale. Paul Hurburlt est connu comme le premier protestant à construire une école et un internat pour les enfants issus des unions des expatriés blancs avec des femmes congolaises ou africaines. Ces « Mulâtres » ou enfants indésirables par leurs pères expatriés furent éduqués par l’UAM à Kitsombiro pour les garçons et Katwa pour les filles. L’ex-Premier Ministre Léon Kengo wa Dondo, mulâtre issu d’un père polonais et d’une mère tutsie est un ancien de Kitsombiro.
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L’administration des sacrements constitua un autre bras de fer entre Paul Hurburlt et les autres missionnaires installés à Kitsombiro tels Deming, Holland, Manning, et Pickett. Selon Maning, il fallait abandonner le baptême par immersion car il n’est pas biblique. Selon la Bible, argumentait-il, le baptême est l’œuvre du Saint Esprit, et il est conféré par un ministre qui évoque le Saint Esprit et qui impose les mains au baptisé.
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Un autre cas qui divisa Paul et ses confrères américains missionnaires fut le cas d’une jeune femme divorcée qui voulut se remarier à l’Eglise de Kitsombiro. Paul lui refusa le mariage mais Deming l’autorisa à se marier car la jeune femme n’avait pas en fait divorcée mais était abandonnée par son mari parti dans les mines de MGL où il était restée pendant plus de 4 ans sans nouvelles. Quand la tension fut vive autour de ces questions sacramentaires, Deming et ses amis cités ci-haut démissionnèrent de l’UAM et partirent s’installer au Burundi en 1938. Plusieurs fidèles de Kitsombiro les suivirent, dont le couple de la divorcée remariée. Au Burundi ils fondèrent l’Eglise appelée « Worldwide Grace Testimony ».
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Plus près de nous, on se rappelle encore des événements appelés ""AFFAIRE KATWA" au début de 1989. En effet, jusqu’ à cette date il existait une seule communauté à Katwa appelée CBK (Communauté Baptiste au Kivu). A la suite d’un conflit de leadership, la CBK Katwa s’est scindée en deux, à savoir l’aile du Pasteur Kamala et la CEBA (Communauté des Eglises Baptistes en Afrique) représentée par Paluku Kalwaghe. Ce dernier s’était replié avec son église à Vukaka à 3 km de Katwa. Cette crise qui avait causé la mort de 3 fidèles avait aussi provoqué une très forte rivalité entre chrétiens, rivalité qui fut apaisée par la médiation de feu Mgr Emmanuel Kataliko, à l’époque Evêque de Butembo-Beni. Quelques temps après, la CEBA a connu aussi un autre schisme entre CEBA et EERA dont nous avons parlé à propos de la révolte du 4 mai dernier. Le fondateur de l’Eglise EERA, Paluku Kalwaghe est décédé en 1994 et fut remplacé par son fils, le Patriarche Wasingywa Kalwaghe Jean Hus. Il s’est donné le titre de Représentant Légal et de Métropolitain de l’Eglise EERA, avec le village de Vukaka comme Quartier Général du Patriarcat de l’Afrique, Terre Sainte et Jérusalem des fidèles EERA de par le monde.
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Cette grande enjambée dans l’histoire de l’histoire de l’Eglise Protestante au Grand Nord n’est pas exhaustive ; elle nécessite d’autres compléments et précisions. Par cette enjambée, nous avons voulu tout simplement montrer quelques hauts et bas qu’a connus cette Eglise à la fois du temps des missionnaires venus des USA et du temps des héritiers congolais, et cela jusqu’à nos jours. Comme pour toute religion historique, les hauts et les bas ne sauraient occulter l’apport combien important de l’Eglise Protestante à la communauté du Grand Nord. Cet apport mérite un article dans les colonnes de Beni-Lubero Online, le thermomètre du Grand Nord!
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Pour les données historiques, nous avons utilisé le livre de Jack E. Nelson, Christian Missionizing and Social Transformation, A History of Conflict and Change in Eastern Zaire, New York, 1992.
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P. Vincent K. Machozi, a.a.
Boston ( USA)
Beni-Lubero Online





