





De l’Afrique du Sud, un ami nous écrit ce matin (28 septembre 2010) ce qui suit : « Je viens de suivre à une chaîne d’une radio privée Sud Africaine (702) que le mot génocide vient d’être enlevé du rapport du HCDC. D’après le journaliste, la raison primordiale est que l’ONU trouve que le Rwanda a un rôle très capitale à jouer dans le maintien de la paix (peace keeping en Afrique). » La presse soudanaise souligne pour sa part que « lors de sa visite à Kigali il y a deux semaines, le secrétaire-général de l’Onu Ban Ki-moon a réussi un compromis entre deux parties. Il a été entendu que le Rwanda apporterait des amendements dans le texte du rapport avant sa publication. » Et à son passage à New-York, Paul Kagame aurait confirmé que « le Rwanda est revenu sur sa décision de retirer du Darfour (Soudan) son contingent de paix servant au sein de la mission hybride Onu/Union africaine (Minuad), rapporte la presse soudanaise, se référant à Alain Leroy, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’Onu. » Comme le Rwanda participe à une importante mission de maintien de la paix au Darfour, il aurait obtenu que certains crimes commis par les ex-miliciens du FPR ne soient pas qualifiés d’actes de génocide. Le fait d’avoir cherché et obtenu cet amendement peut se justifier de plusieurs manières.
Nous pouvons nous réaliser que le Rwanda a mené un travail de lobbying très sérieux et que ce travail a porté du fruit. Nous pouvons aussi nous soutenir qu’il n’appartient pas nécessairement au HCDH de dire le dernier mot sur la nature des crimes commis sur notre sol. Des crimes imprescriptibles ne s’apparentant pas à première vue au génocide peuvent y être assimilés par les cours et tribunaux.
Et puis, est-il nécessaire qu’un crime imprescriptible soit qualifié d’acte de génocide pour que ses auteurs soient poursuivis en justice ? Non.
Qui sait ? Ban Ki-moon peut avoir négocié avec Kagame et cédé à son chantage pour conserver, tant soit peu, de la crédibilité à la mission de l’ONU au Darfour.
Comment pouvait-il avaliser un rapport qualifiant les ex-miliciens du FPR engagés dans cette mission de génocidaires ? Mais il ne pourra pas effacer ce mot du pré-rapport.
Tout cela étant, l’amendement de ce rapport confirmerait un secret de polichinelle : l’ONU est un organe politique ; elle prend des décisions politiques et caresse ses bailleurs de fond, parrains de Paul Kagame, dans le sens de leurs poils.
Car, derrière Paul Kagame, ce sont les USA de Bill Clinton et de Bush soutenus pat leurs alliés Britanniques (dont Tony Blair) qui ont agressé le Congo. Notre incapacité de nous souvenir nous conduit souvent à nous limiter aux épiphénomènes : prendre quelques nègres de service pour des acteurs majeurs de la tragédie connue dans les Grands Lacs. L’entretien de cette incapacité de nous souvenir serait une arme dont certains d’entre nous se serviraient pour prendre le relais desdits nègres de service. Ils chercheraient auprès des mêmes acteurs majeurs de la mort des nôtres le déshabillement des Sts Pierre et l’habillement des Sts Paul.
Il y aurait, dans cette façon d’agir, un refus réel ou supposé de nous assumer comme acteurs-créateurs de notre propre histoire ; il y aurait là une attente inutile : que les initiateurs de la guerre de basse intensité menée chez nous depuis les années 90 travaillent au renversement des rapports de force ; qu’ils deviennent favorables aux autres nègres de service, aux nouveaux nègres de service. Il nous semble que là se trouve notre véritable fragilité. Après la publication du rapport du HCDH, nous avons oublié, pour un temps (ou pour toujours !), que la guerre menée contre notre pays par le réseau de partisans du capitalisme sauvage participe des « guerres secrètes de la politique et de la justice internationales ». (Pour rappel lire F. HARTMANN, Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, Paris, Flammarion, 2007, C. DEL PONTE, La traque, les criminels de guerre et moi, Ed. Héloïsse d’Omerssson, 2009 et B. BADIE, La fin du monde unique. 50 idées pour comprendre l’état du monde en 2011, Paris, La découverte, 2010.)
Il n’est pas exclu que les hommes et les femmes de bonne volonté, à travers le monde entier, soient disposés à nous aider pour renverser la vapeur. Mais, il semble qu’il soit d’abord et avant tout indispensable que nous ayons, nous-mêmes, une maîtrise suffisante des affaires du monde.
Comprendre par exemple que les USA et leurs alliés voulant redessiner la carte l’Afrique Centrale et avoir accès à nos matières premières stratégiques après la chute du mûr de Berlin ont organisé une guerre de basse intensité contre nous. Ce faisant, ils ont aussi voulu débarrasser l’Afrique centrale de toute influence française. Comprendre cela nous aiderait à définir et à penser nos orientations géopolitiques et géostratégiques en sachant, que dans l’un des récents rapports de la CIA sur l’état du monde en 2025, l’Afrique, dans son ensemble, est considérée purement et simplement comme un réservoir de matières premières. Elle ne compte pas comme actrice historique.
Mettre à la place d’une quête patiente de la compréhension de l’état actuel du monde une foi naïve dans des institutions financées et dominées par ceux dont la rhétorique sur un monde multipolaire est démentie par des actions marquées par le repli identitaire et la pensée unique, c’est courir derrière le vent.
C’est vrai. Plusieurs d’entre nous portent en eux un noble souhait : voir la situation de notre pays se normaliser. Le plus tôt serait le mieux. Pour cela, ils font feu de tout bois.
Mais tant que les institutions supposées être au-dessus de la mêlée seront aux services des « petites mains du capital », il nous faudra cultiver d’autres façons de nous battre ; surtout celles de la résistance. Malheureusement (ou heureusement !), celles-ci, parce qu’elles s’inscrivent dans la logique de la résistance, prennent du temps. Elles sont aux antipodes du courtermisme. Pour ceux et celles qui les y souscrivent, la question majeure n’est pas de choisir entre la logique de l’impuissance et du renoncement. Non. Elle est tout simplement de développer la culture de la résistance. Oui. « Face à la logique de l’impuissance et du renoncement, il est nécessaire de développer la culture de la résistance qui s’est exprimée avec les premiers mouvements de résistance à la colonisation (…) et qui s’est développée avec le temps au cours des luttes. Cette culture de la résistance nous enseigne le refus de la renonciation et de la capitulation devant l’oppression malgré l’inégalité des forces en présence. C’est une école du courage, de persévérance et d’abnégation. Face à l’idéologie consumériste qui transforme le monde en marchandise, elle nous apprend que la dignité et la liberté des peuples ne se monnayent pas. La culture de la résistance porte en elle une formidable leçon de vie face à la mort et à l’oppression. »
Inscrits dans la logique de la résistance, nous apprendrons à perdre des batailles sans renoncer à « la guerre ». Dans ce contexte, s’il arrive que la version finale du rapport du HCDH manque le mot « génocide », cela ne découragerait pas les nôtres décidés à se battre sur ce front à poursuivre leur lutte ; en hommes et femmes avertis. Ils travailleraient par exemple en réseau avec Espagnols dont certains juges sont très avancés dans le traitement du dossier des crimes perpétrés chez nous par le FPR. L’un d’entre eux serait aux trousses de Bill Clinton.
Clinton et Kagame : Les deux complices du génocide des Congolais et des Hutu
Du reste, notre pays est au cœur des enjeux mondiaux qu’il nous faut connaître et analyser sans complaisance. Un leadership collectif, responsable et décidé à travailler assidûment sur la question du changement des rapports de force est indispensable au Congo de demain. Un leadership prioritairement Congolais et non pro-x ou pro-y. Un leadership rompant avec « la négritude de service » pour un Congo d’acteurs-créateurs de leur propre histoire ; sachant que « les petites mains du capitalisme sauvage » sont cyniques et ne font pas de cadeau. Ils instrumentalisent « les petites mains médiatiques », les intellectuels et autres universitaires pour « manger » les cœurs et les esprits (faibles) en les convaincant qu’il n’y a pas d’alternative à leur « sauvagerie ».
J.-P. Mbelu
Brussels – Belgïe
©Beni-Lubero Online
Marianne: Quand l’ONU désavoue les médias bien-pensants
Rédigé par ALAIN LÉAUTHIER,
Un rapport de l’Organisation des Nations unies ternit l’image du » libérateur » Paul Kagamé, dont l’Armée patriotique aurait bien exécuté des centaines de milliers de civils hutus après le génocide de 1994.
Myopie, strabisme ou, pis, cécité : il y a le choix pour expliquer la complaisance de certaines associations, de responsables politiques, de journalistes ou d’écrivains à l’égard du régime de Paul Kagamé. Le » Bismarck des Grands Lacs » a été réélu mi-août à la tête du Rwanda avec un résultat » à la soviétique » (93 % des voix). La prochaine publication d’un rapport de l’ONU détaillant l’ampleur des massacres de civils auxquels se seraient livrées les troupes de son Armée patriotique rwandaise (APR) en République démocratique du Congo (RDC, l’ex-Zaïre), suffira-t-il à réveiller les Candide et les idéologues ?
Le New York Times a entamé ce travail de correction dans un article intitulé » Une nouvelle perspective sur le génocide « , alors qu’au mois de juillet 2007 le quotidien new-yorkais présentait encore Kagamé comme un chef d’Etat » honnête, intelligent et capable « . Et, certes, un brin » autoritaire « . » Sanguinaire » semblerait plutôt le qualificatif approprié, à en croire les conclusions de l’enquête transmise au Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Accusation centrale des 545 pages dont le Monde a dévoilé le contenu : un autre génocide a peut-être été commis dans la région des Grands Lacs après celui qui fit près de 800 000 morts au Rwanda en 1994, essentiellement des Tutsis mais aussi des Hutus modérés. Cette fois, les victimes de ces nouveaux » crimes de guerre » furent des dizaines de milliers de civils hutus, réfugiés dans l’est du Congo par peur des représailles exercées par le Front patriotique rwandais (FPR) de Kagamé, à dominante tutsie. Un scoop ? Même pas. Dès la fin des années 90, Roberto Garreton, autre commissaire onusien, dénonçait les exactions commises par les troupes rwandaises lors de la première guerre du Congo (1996-1998).
De l’équation simpliste…
A l’époque, celles-là encadraient l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila (père de l’actuel président congolais), lancée dans une opération de nettoyage des camps de réfugiés hutus dans le nord et le sud du Kivu. Kigali a toujours justifié son intervention en territoire congolais en invoquant un droit de poursuite légitime mais limité aux seuls ex-miliciens génocidaires interahamwe, au prétexte qu’ils franchissaient la frontière pour déstabiliser le » nouveau Rwanda « . Les deux rapports de l’ONU décrivent pourtant une autre réalité : » Des exécutions systématiques, souvent à l’arme blanche, de femmes, de personnes âgées, d’enfants qui ne représentaient aucune menace. » Combien ? Emma Bonino, la commissaire européenne, avait déjà évoqué la disparition corps et biens d’au moins 200 000 Hutus sur le million et demi de réfugiés que comptait alors le Kivu. Roberto Garreton a rappelé, de son côté, que son rapport lui avait valu insultes et coups bas.
La « communauté internationale » a longtemps préféré se boucher les oreilles pudiquement, tout à sa culpabilité, attisée par la rhétorique de fer de Kagamé la rendant responsable du génocide de 1994. L’équation était simple, pour ne pas dire simplette : l’homme qui avait mis fin au génocide ne pouvait se transformer en bourreau. En outre, pour tous les tiers-mondistes amoureux d’une Afrique imaginaire, à l’image de l’association Survie, il incarnait le leadership d’une coalition s’opposant aux troubles menées de la Françafrique. Cette lecture idéale, encouragée par les intérêts américains, se heurtait pourtant à quelques faits dont un certain Lénine disait qu’ils sont têtus.
… à la révision critique
Quid, ainsi, de la responsabilité même du FPR dans le drame rwandais ? Au fil du temps, Kagamé a réussi à imposer une écriture de l’histoire contemporaine de son pays dont il sort immaculé, auréolé de la légende des libérateurs auxquels les peuples doivent vouer une reconnaissance éternelle. Or, comme l’a montré le remarquable ouvrage d’André Guichaoua, Rwanda, de la guerre au génocide*, la stratégie de la tension du FPR, organisée à l’extérieur du pays, son refus de tout compromis avec le régime de Juvénal Habyarimana ont favorisé la montée de la violence et les extrémismes. Reste ensuite une interrogation récurrente sur sa responsabilité factuelle dans l’attentat qui coûta la vie à l’ancien président hutu et signa le déclenchement du génocide. Les investigations controversées de l’ancien juge Jean-Louis Bruguière n’ont pas permis de trancher la question et une partie des médias français n’a eu de cesse de disqualifier le travail du magistrat. C’est qu’attaquer Kagamé équivalait, il n’y a encore pas si longtemps, à l’infamant soupçon de complicité avec les tueurs hutus.
Plutôt que de regarder froidement la réalité postgénocidaire du Rwanda, certains procureurs autoproclamés avaient une autre priorité : débusquer de pseudo-négationnistes ; en clair, tous ceux qui n’adhéraient pas aveuglément à la » success story » estampillée Kagamé. Enquêteur chevronné et auteur de nombreux livres sur l’Afrique, Pierre Péan l’a appris à ses dépens quand SOS Racisme l’a poursuivi pour » incitation à la haine raciale « , véritable procès en sorcellerie contre son livre Noires fureurs, blancs menteurs consacré au génocide. Face aux avocats de l’association, les mêmes que ceux d’un dignitaire du régime de Kagamé, Péan a été relaxé et se félicite des derniers rebondissements. » Il y a eu un tel aveuglement chez certains, dit-il. Leur détestation de la France les a totalement braqués, il n’y avait que cela qui comptait à leurs yeux. » On aurait ainsi aimé savoir si le nouveau rapport de l’ONU trouble Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, à l’initiative des poursuites contre Péan. Contacté, son service de presse n’a pas daigné rappeler Marianne. Parmi les plumes autrefois plutôt indulgentes à l’égard de Kagamé, les plus sérieuses avaient déjà amorcé la révision critique. Le cas du Monde est à cet égard emblématique.
Sous la plume du journaliste Stephen Smith, excellent connaisseur de l’Afrique, le quotidien du soir avait déjà pris ses distances avec le régime de Kagamé, qui l’avait un temps charmé par son anticolonialisme de façade. Mais le changement, cette fois, est spectaculaire puisque le journal a été choisi parmi tous les grands quotidiens internationaux pour organiser la fuite préventive du rapport. En l’annonçant à la une, il lui a donné tout le retentissement nécessaire. A Libération que l’on avait connue plus enclin à taper sur Péan, Sabine Cessous a longuement interviewé André Guichaoua. Il ne manque que Bernard Kouchner à montrer un peu de lucidité. Quand il sera viré du gouvernement, peut-être..
La Découverte (repris de Congoforum.be, édition du 28 septembre 2010)
© Beni-Lubero Online





