





Pascal Lokua Kanza est l’un des rares artistes musiciens congolais qui gardent la tête froide malgré le succès mondial et la notoriété qui changent, hélas, l’homme. Simple, Bon, Intelligent avec un Franc-parler, il se livre à Beni-Lubero Online et parle de ses deux parents, de ses deux origines, de ses deux cultures: Congolaise de par son père et Rwandaise de par sa mère. Le Chanteur-Compositeur-Interprète de "Mutoto","I believe in you","Ndoto","Mungu","Plus vivant" et des dizaines d’autres opus qui ont bercé des millions de mélomanes qualifie les relations tumultueuses entre ses deux pays (La RDC et le Rwanda) de "combat des politiciens qui volent ".
Benilubero.com: Pascal Lokua Kanza, bonjour. Vous êtes à Paris où vous vivez aujourd’hui mais vous êtes né à Bukavu en 1958, vous avez accompagné la grande Abeti Masikini dans les années 80, et dans les années 90 sortaient vos premières chansons dont "Mutoto". En quelle langue êtes-vous à l’aise quand vous chantez ?
Pascal Lokua Kanza: J’ai aucune idée!
Benilubero.com: A l’Est de la RDC, Lokua Kanza a inspiré beaucoup de jeunes à faire de la musique de recherche, à jouer à la guitare classique, les arpèges et autres. Le saviez-vous?
Pascal Lokua Kanza: Non. Je n’y suis plus arrivé depuis un bon paquet de temps. Mais ailleurs en Afrique, quand je voyage, des jeunes gens, des jeunes filles viennent me dire qu’ils ont grandi avec ma musique et cela m’encourage.
Benilubero.com: Pourquoi prenez-vous le taxi comme tout le monde à Kinshasa, et vous n’êtes pas comme les autres musiciens, victimes de la mode?
Pascal Lokua Kanza: A quoi ça sert de se pavaner? La vie, elle est courte. Il y a un respect à avoir par rapport aux autres, et cela est important pour moi. Je crois qu’il y a des gens qui meurent de faim, qui ont des problèmes, c’est eux qu’il faut aider.
Benilubero.com: Quelles genres d’actions menez-vous pour aider ces gens qui souffrent?
Pascal Lokua Kanza: Ecoutez, chaque fois qu’on me le demande, j’essaie d’être présent. C’est la moindre des choses.
Benilubero.com: Pour une fois vous parlez politique dans vos chansons. Dans le tout dernier album "Plus vivant" vous fustigez les gouvernants qui pillent et volent…
Pascal Lokua Kanza: Je ne sais pas si c’est de la politique. C’est du social qui nous concerne tous. Les gens parlent de "l’Afrique Pauvre", pourtant ce continent est très riche et particulièrement le Congo. Il y a des gens qui volent tellement dans ce pays et s’enfoutent du peuple. Il faudra qu’un jour nos enfants prennent conscience de ce qu’ils ont et commencent à le revendiquer.
Benilubero.com: Vous êtes, donc, de ces enfants qui ont pris conscience! Comme enfant, vous avez gardé plus en mémoire votre mère qui était rwandaise mais vous ne parlez pas souvent de votre père qui, lui, était congolais de l’éthnie Mongo en province de l’Equateur!
Pascal Lokua Kanza: Oh si! Mon père c’est tout le Congo qui est en moi. Le lingala, la musique.
Benilubero.com: Votre père est décédé en 1966, vous n’aviez que 8 ans. Gardez-vous des souvenirs de lui?
Pascal Lokua Kanza: Mon père aimait les gens. Je me souviens d’un jour qu’il rentrait de la pêche avec un gros poisson je ne sais plus de combien de kilos…Il a du le distribuer par morceau à tous les voisins.
Benilubero.com: Vous n’avez jamais fait une chanson en son honneur mais plutôt à votre mère, le titre c’est "Ndagukunda Chane" qu’on traduit en "Je vous aime beaucoup, maman".
Pascal Lokua Kanza: Oh! On n,est pas obligé. Dans mon chant quand je dis merci à maman c’est à papa que je le dis indirectement. Il m’a tellement donné qu’il est toujours présent.
Benilubero.com: Votre mère est enterrée à Kinshasa, est-ce une marque que vous portez en vous: deux identités, deux sangs, deux pays?
Pascal Lokua Kanza: Pour moi c’est une très,très grande richesse. Ces deux pays vivent en moi. Si j’ai une toute petite différence par rapport aux autres c’est grâce à mes parents. Cette différence c’est d’être congolais et rwandais. Ce mariage, ce métissage est quelque part l’avenir du monde.
Benilubero.com: Ça doit être difficile pour vous, arriver dans un milieu où les congolais et les rwandais se font la guerre sur la question de la nationalité!
Pascal Lokua Kanza: Ca me rend triste. C’est de la connerie, c’est de la bétise. Souvent on se goure de combat. C’est un combat politique, c’est un combat de pouvoir, un combat des gens qui veulent avoir beaucoup pour eux seuls. Entre le Congo et le Rwanda c’est toujours un mariage d’amour depuis des temps.
Benilubero.com: Vos fans se chamaillent votre identité. Les congolais veulent que vous restiez congolais puisque votre structure est patriarcale et les rwandais vous réclament maintenant comme rwandais…
Pascal Lokua Kanza: Eh bien, je suis les deux (RIRES).
Benilubero.com: Où vous situez-vous, vous même?
Pascal Lokua Kanza: Entre les deux.
Benilubero.com : Entre les deux il n’y a rien, Lokua Kanza!
Pascal Lokua Kanza: Si, Si. Il n’y a pas de plus, il n’y a pas de moins. Je ne peux pas dire que j’aime mon père plus que ma mère, quand-même.
Benilubero.com: Puisque vous êtes entre les deux, quelle est votre nationalité?
Pascal Lokua Kanza: Moi, j’ai la nationalité francaise.
Benilubero.com: Les deux pays ont raté, décidement!
Pascal Lokua Kanza: (RIRES) Je me sens bien ici. Je peux m’exprimer comme je l’entends. Ce n’est pas comme dans nos pays où tu n’as pas droit à la parole, où c’est le plus fort qui parle. Mais j’aime mes deux pays.
Benilubero.com: A quand le concert de Lokua Kanza à l’Est de la RDC et en particulier à Butembo ou à Beni?
Pascal Lokua Kanza: A mon avis pas pour longtemps. Dès que je trouverai un très bon promoteur,un mec sérieux j’ai hâte d’y aller.J’ai très grande envie d’y aller mais c’est une question d’infrastructure pour le moment.
Benilubero.com: Vos deux pays se sont battus causant trois millions de morts ou plus, principalement à l’Est de la RDC. Quand vous vous mettez en retrait, quelle analyse faites- vous de cette guerre?
Pascal Lokua Kanza: Certains de nos politiciens, quand ils veulent voler dans ce pays, ils essaient de mettre la faute aux autres. C’est triste parce que dans toutes leurs guerres c’est le peuple qui en pâti. Quand ils volent , le peuple ne reçoit rien. Ça aussi il faut le dire souvent.
Benilubero.com: Etes-vous révolté?
Pascal Lokua Kanza: Je suis réaliste. La vie de tous les jours est un lot quotidien de violence qu’on nous propose à la télé, matin, midi, soir, et cela fait de l’audimat. C’est triste! Mon espoir est qu’un jour tout cela s’arrête. Il faut commencer par éduquer nos peuples et leur donner le pouvoir.
Benilubero.com: Je vous remercie Pascal Lokua Kanza.
Pascal Lokua Kanza: C’est moi qui vous remercie.
Interview Exclusive accordée le 23 Février 2006 par l’Artiste Lokua Kanza à Magloire Paluku pour le compte de Beni-Lubero Online.





