





Aujourd’hui, entendons-nous dire, le Congo est une démocratie ayant un président élu au suffrage universel, un gouvernement et un parlement qui fonctionnent. Cette profession de foi partagée par le pouvoir en place au Congo et ses parrains pose très rarement la question du « comment »? Comment fonctionnent toutes ces institutions? L’institutionnalisation d’un régime démocratique vaut-elle par elle-même ou est-elle valable en fonction de la qualité de ses représentants, de la confiance que leur témoigne le souverain primaire et de la fidélité aux exigences morales requises pour tout dispositif représentatif digne de ce nom en démocratie? Quand un gouvernement corrompt sa propre majorité et débauche l’opposition dite institutionnelle, sommes-nous encore en démocratie?
Le gouvernement Muzito corrupteur
Tenez. Le gouvernement Muzito a du recourir à la corruption pour que son projet de budget soit accepté par le Parlement. Comme l’indiquait le journal Le Révélateur du 09 décembre 2008, après la présentation de son projet de budget Muzito, « de façon globale, les députés ont trouvé le premier ministre totalement en dehors de leurs préoccupations. » Hélas, « par le vote de la majorité, le budget a été déclaré recevable mais devra subir un travail en profondeur au niveau de la commission économique et financière de l’Assemblée Nationale. Dans les couloirs du Palais du peuple, on raconte, le plus sérieusement du monde, qu’à l’instar du vote pour l’investiture du gouvernement, celui pour la recevabilité du budget a été acheté à USD 2000 auprès de chaque député de la majorité (AMP, PALU, UDEMO). Le même montant a été donné aux sénateurs de la majorité en prévision du débat sur le budget prévu dans une dizaine de jour. » Tout s’achète. Tout se monnaye!
Mais ce que ce que ce journal kinois ne dit pas est que cet argent est passé par Le Ministre près le Parlement. Et quand il soutient que « l’opposition est restée la même, elle a voté contre car elle estime que ce budget ne répond à aucune philosophie politique. De même qu’elle ne lui reconnaît aucune politique économique et sociale, encore moins une approche globale. ‘‘Ne répondant à aucune exigence, ce budget va une fois de plus susciter de fausses promesses’’, pense l’opposant Gilbert Kiakwama », il oublie d’ajouter qu’une partie de cette opposition a touché l’argent.
De nos sources à l’Assemblée Nationale, nous apprenons que si le groupe de Parlementaires dirigé par Gilbert Kiakwama (Les Chrétiens Démocrates) a résisté à cette corruption, si au Sénat le groupe du Professeur Mokanda et Vincent de Paul Lunda-Bululu ont rejeté l’offre, le MLC a empoché les 2000 USD. Cette précision nous a été donnée à partir du Parlement congolais, après que Ghislaine Dupont soit revenue sur cette corruption sur RFI ce matin (17 décembre 2008). Il n’y a pas que cela. Pendant que Muzito présentait son projet de budget, certains parlementaires vendaient des chemises. (Les images de cet esprit mercantiliste peuvent être visualisées sur le site de Benilubero.)
Dans ce contexte de corruption généralisée, la crise financière constitue un bouc émissaire pour les réseaux mafieux au pouvoir à Kinshasa. L’allusion que Joseph Kabila y fait lors de son dernier discours au Congrès devient, pour nos populations, une préparation psychologique à passer outre la corruption institutionnalisée au Congo, quand il s’agit d’expliquer leur paupérisation.
Quand Joseph Kabila affirme que « l’une des conséquences prévisibles de cette crise sera de rendre notre économie qui n’est déjà pas sortie de son marasme, plus vulnérable qu’auparavant. La chute brutale des cours des matières première, principales sources de nos recettes publiques, peut avoir une incidence négative sur notre programme de reconstruction », il n’avoue pas que son gouvernement vulnérabilise davantage cette économie. Il recourt à la stratégique du choc de la crise financière pour cacher la réalité de la constitution d’un corporatisme de corrompus au Congo. Qu’un gouvernement ayant une majorité au parlement la corrompe pour faire passer un projet de budget, cela dépasse tout entendement.
Avoir une majorité au Parlement
Quand un gouvernement a une majorité au Parlement, cela suppose qu’il dispose d’un nombre assez disponible de voix pouvant soutenir sa politique dans cette institution. Il est même possible de croire que cette majorité puisse lui servir de caisse de résonance.
Mais quand, malgré cela, il n’arrive pas à la convaincre rationnellement et qu’il se sente obligé de recourir à la corruption, ça signifie qu’il est conscient du fait qu’il n’est pas à la hauteur de sa tâche. Cela peut aussi signifier que « le petit reste » acquis aux valeurs démocratiques dans les institutions politiques congolais peut avoir une certaine influence positive sur la majorité des laudateurs. Cette possible influence fait peur au pouvoir corrompu et corrupteur.
Et si ceux qui prétendent représenter nos populations se laissent corrompre pour avaliser un projet de budget incapable de répondre à leurs attentes, ils se rendent complices d’un suicide collectif programmé. Qui peut, au vu de ces scandales à répétition, croire en des horizons meilleurs pour le Congo?
Voilà pourquoi certains d’entre nous en appellent déjà aux élections générales anticipées. D’autres à une rupture pure et simple avec cette classe politique kléptocratique dont la boulimie n’est plus à démontrer.
Au vrai, notre espoir de voir l’opposition dite institutionnelle changer les choses de l’intérieur s’amenuise de plus en plus. Les exceptions confirmant la règle (de la corruption) sont une quantité négligeable. (D’ailleurs, elles sont corrompues autrement avec des salaires indignes des politiques d’un pays en crise.) Dans ce contexte, les Congolais(es) qui en appellent à une mise à plat totale de l’ordre politique issue de la mascarade électorale de 2006 ne semblent pas avoir tort. Le ver était dans le fruit.
Le ver était dans le fruit
Pour n’avoir pas lu et assimilé notre histoire réelle, pour n’avoir pas lu et approfondi le rapport du panel de l’ONU de 2002, nos populations et certains de leurs leaders sont tombés dans le piège des réseaux mafieux de prédation organisés à partir du Rwanda, de l’Ouganda et de certaines capitales occidentales pour prendre le Congo, ses richesses et son peuple en otage. Adeptes de la thèse du Congolais BMW (fanatique de la bière, de l’argent et de la débauche), ces réseaux ont pu apprivoiser un nombre assez considérable de nos compatriotes pouvant jouer un rôle de figurants dans la théâtralisation obscène de la démocratie au Congo. La soif de liberté, d’égalité, de fraternité et de paix a induit nos populations en erreur: elles ont cru en l’avènement d’une libération magique sans se questionner sérieusement sur la qualité des acteurs feignant de la leur apporter sur un plateau doré. Elles n’ont pas su que le ver était dans le fruit.
Le désenchantement actuel est à la mesure du fétichisme démocratique dans lequel nos populations ont cru. Cela étant, tout n’est pas joué. La démocratie d’équilibre au Congo naîtra des leçons que « nos minorités organisées » auront tiré de ces ratés démocratiques en veillant à la qualité de la représentation et aux interstices créés avec nos populations devenues actrices de leur propre histoire. L’essentiel est que cette soif de liberté, d’égalité, de fraternité et de paix constitue un horizon mobilisant toutes nos énergies. Elle pourra soutenir la lutte des « leaders justistes » travaillant au quotidien à l’avènement d’un autre Congo.
J.-P. Mbelu
Bruxelles-Belgique
Beni-Lubero Online





