





Pour une nième fois, les congolais ont été floués dans leurs attentes de paix, justice et démocratie. Une fois de plus, la dernière déception, notamment celle de la démocratie électorale de 2006, est venue confirmer le dicton « aide-toi et le ciel t’aidera ». Les élections aussi transparentes soient-elles qui sont téléguidées d’ailleurs n’engendrent pas un cadre propice à l’appropriation par le peuple des outils de la démocratie. C’est ainsi qu’après les élections de 2006, les élus congolais se comportent sans peur d’être inquiétés comme des électrons libres. Les électeurs d’hier, abandonnés à eux-mêmes comme des brebis sans berger n’ont plus d’accès à ceux qu’ils ont élu comme leurs porte-parole. La scène politique a changé d’adresse. Les affaires de la nation se traitent désormais en dehors du périmètre du souverain primaire. La poignée de députés conscients de leur rôle de porte-parole n’a pas la notion du pouvoir lui conférer par la base électorale et vice-versa. Comme conséquence, cette minorité des justes se fait récupérer par le clientélisme politique qui a élu domicile à Kinshasa. Les violations des droits fondamentaux de la base électorale sont on ne peut plus alarmantes, mais rarement elles constituent l’agenda de la chambre des représentants. Les quelques sursauts des députés sont plutôt timides, se faisant écraser par le rouleau compresseur d’une bureaucratie complexe voulue pour le besoin de la cause. Au lieu d’user du pouvoir qui est le leur pour faire changer les choses, ces derniers écrivent des memoranda ou ils dénoncent le mal mais ne savent pas comment maintenir une pression politique jusqu’à ce que les choses changent. Les intimidations physiques et psychologiques par ceux qui possèdent les moyens de répression finissent par freiner certains représentants qui trouvent la tache immense et périlleuse.
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De cette situation découle petit à petit une apathie des représentants qui préfèrent garder le titre sans en accomplir la charge. Sous d’autres cieux, à ce stade, on aurait assisté à des démissions en cascade pour se désolidariser d’un gouvernement irresponsable. A la place de la démission, on assistera plutôt à la récupération politique des élus du peuple par ceux qui exploitent le Congo non pour l’intérêt des congolais mais pour leurs intérêts égoïstes. Et cette récupération politique des dirigeants congolais par des prédateurs surtout occidentaux ne date pas d’aujourd’hui.
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Depuis le premier contact du Congo avec l’Occident avec l’arrivée du portugais Diego Cao à l’embouchure du fleuve Congo en 1482, en passant par la douloureuse période de la colonisation, jusqu’à nos jours, les congolais se laissent toujours trompés par des promesses fallacieuses des étrangers, abandonnant la voie onéreuse, lente mais sûre de leur progrès pour sauter sur le prêt à porter promis mais jamais offert par les occidentaux qui n’entrent en relation avec nous que pour nous utiliser dans l’assouvissement de leurs appétits gloutons.
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Et pourtant la littérature de ces blancs qui nous ont colonisés est pleine de sagesse qui peut nous faire comprendre ce que nous devons faire. Pour exemple, nous voulons rappeler ici deux dictons très connus au Congo : « Qui vit d’espoir meurt de faim ». « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! ». Cette sagesse venant de prédateurs du Congo nous rappelle pourtant qu’il ne faut jamais troquer le peu qu’on a entre ses mains contre une montagne des promesses irréalisables. Ce que les congolais peuvent faire et maitriser aujourd’hui est dix fois mieux que ce qu’on peut leur promettre. Pour retrouver la voie du progrès congolais il nous faudra inventorier les hauts faits de nos ancêtres que nous avons abandonnés complètement pour la soi-disant modernité. Le dictateur Mobutu dans sa folie de grandeur avait pourtant vu juste en décrétant sans jamais l’accomplir le grand retour à l’authenticité. Il lui aurait fallu amener les congolais plus loin que porter les noms de nos ancêtres, rebaptiser les noms des villes et des avenues pour continuer, perfectionner les hauts faits des anciens dans tous les domaines de la vie et du savoir. C’est dans les hauts faits des anciens que se trouve caché le secret dont le congolais a besoin pour se tirer du gouffre où des siècles d’exploitation l’enferment. On ne finira jamais de déplorer les conséquences de l’esclavagisme et de la colonisation qui ont détourné tragiquement les congolais de leur marche vers le progrès en les réduisant à une dépendance tous azimuts.
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Rappelons-nous que bien avant l’arrivée des portugais de qui nous tenons notre appellation de l’Occident, symbole d’un eldorado dans plusieurs langues congolaises, à savoir, ‘POTO’ transformation de « Portugal », les congolais savaient fabriqués des pirogues pour pêcher à haute mer ou pour se défendre contre ses ennemis… Cette science navale et maritime qu’avaient nos anciens n’est pas le sujet de recherche préféré par nos techniciens congolais qui sont plus habiles à réparer des grands vaisseaux made in Europe que concevoir et fabriquer une pirogue, etc.
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Contre toutes les maladies, nos ancêtres dont certains mouraient centenaire, avaient un médicament ou mieux savaient en inventer un à l’apparition d’une nouvelle maladie, aujourd’hui cette recherche en médicine traditionnelle est abandonnée et ceux qui essaient de la poursuivre sont traités des sorciers. Et pourtant le Congo avec sa riche biodiversité écologique regorge de plantes, des animaux et des eaux curatifs très convoités et utilisés par l’Occident pour la fabrication des médicaments qu’ils nous revendent au prix de notre sang? Il est ainsi ahurissant de voir des gens mourir de malaria dans nos villages par manque de chloroquine dont la formule de fabrication est une marque déposée de certaines firmes pharmaceutiques occidentales.
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Pour la défense de leurs royaumes ou empires, nos ancêtres avaient une industrie de fabrication d’armes et des minutions… Ils avaient des techniques de combat auxquelles ils initiaient les plus jeunes jugés dignes et aptes de prendre les armes. Toute cette industrie de guerre a été abandonnée au profit de kalachnikovs occidentales au point qu’aujourd’hui on pense que le congolais ne peut se défendre sans que le fabricant des kalachnikovs soit au courant. Celui qui cherche à se défendre moyennant une lance ou une flèche est qualifié de force négative, de mai-mai, etc.
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Pour l’habillement, les ancêtres savaient fabriquer des habits avec des écorces d’arbres, des fils des raphias, etc. Ils savaient fabriquer du savon avec des plantes qui poussent toujours dans nos champs et nos forêts. Il est choquant de voir les congolais dépendre complètement de l’industrie occidentale pour l’habillement, acheter trop cher les habits faits à la main par les occidentaux exactement comme nos ancêtres faisaient et comme font certains congolais d’aujourd’hui. Mais sur le marché, les congolais préfèrent un produit tricoté en Europe à celui tricoté par un congolais du quartier. L’industrie d’habillement a été abandonnée complètement en faveur de l’industrie occidentale qui nous vend chers des habits que nous-mêmes pouvions fabriquer si nous avions perfectionné à notre rythme l’industrie de nos ancêtres.
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En cas de conflit, les ancêtres avaient de pratiques de résolution de conflit. Ils savaient conclure des alliances politiques et économiques. Il est honteux aujourd’hui de voir les congolais en appeler à l’Occident pour résoudre tout différend entre deux frères, deux voisins comme s’ils n’avaient pas de recettes de résolution de conflit dans leur tradition. Bien sur qu’il y a d’autres facteurs en présence qui peuvent faire que pour certains problèmes, il faille recourir à la présence d’un étranger, en l’occurrence l’homme blanc qui exerce une sorte d’envoutement sur l’imaginaire collectif congolais. Mais si nous sommes arrivés à cette situation d’envoutement, c’est parce que nous avons abandonné notre culture relative à la résolution des conflits et comme dit Lafontaine, « tout profiteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. » C’est ainsi que plusieurs pensent qu’il faut aller dans les universités occidentales pour apprendre à résoudre les conflits entre congolais, entre les congolais et leurs voisins, etc.
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On peut multiplier les exemples des conséquences de l’abandon pur et simple de ce dont nos ancêtres étaient capables pour l’adoption des objets dits plus perfectionnés et plus performants de l’Occident. Ce qui est condamnable pour les congolais c’est l’abandon pur et simple de la science bien que rudimentaire de leurs ancêtres, une science qu’ils auraient pu perfectionner au contact de l’Occident en maintenant le cachet culturel congolais. Au lieu d’être simplement des articles de musées occidentaux, les produits de la science congolaise perfectionnés au contact d’autres sciences et techniques seraient une marque déposée congolaise.
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L’histoire du progrès de peuples montre que les peuples ou civilisations qui ont su résisté à l’Occident avec tout ce qu’il offrait de bon et de plus perfectionné, y compris la religion, sont aujourd’hui classés parmi les puissances économiques et technologiques de l’humanité. Ces peuples ont gardé leur identité culturelle, leur science, tout en étudiant les cultures et sciences des autres. Leur contribution à la science universelle découle de leur différence culturelle par laquelle ils corroborent la science universelle.
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Plusieurs réagirons à notre appel pour le perfectionnement de ce que nous savons faire au lieu de son abandon pour l’adoption de ce que nous offre l’Occident, en disant que nous sommes passéistes. Nous ne sommes pas passéistes car notre appel concerne aussi l’aujourd’hui des congolais. En effet, il y a plusieurs initiatives des congolais qui sont abandonnées pour l’adoption des facilités que nous offre le marché mondialisé ou globalisé. Ceux qui manient le gadget dernier cru de l’occident sans en comprendre le mécanisme de fonctionnement, se disent plus développés que les autres. Mais en vérité, ils deviennent dépendants de ceux qui possèdent la science de ces gadgets dits plus performants. Vaut mieux utiliser un gadget produit localement, réparable localement, par les techniciens locaux qu’utiliser un gadget dit performant qu’on mettra à la poubelle dès la première panne parce que personne dans les parages ne sait comment le réparer et où trouver ses pièces de rechange.
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La dernière fourberie électorale portant la signature de la communauté internationale, est à mettre dans cette série des conséquences de l’abandon de nos valeurs et de nos traditions. Les congolais, toutes les traditions confondues, savaient bien élire leur chef et le contrôler. Et quand le chef n’était pas élu, le cas des traditions royales ou monarchiques, le peuple par le biais des institutions du pouvoir coutumier savait bien sur quoi s’en tenir. Mais voilà que du bout à bout, les congolais ont accepté un mode d’accession au pouvoir sans précédent dans l’histoire et la tradition congolaise : des inconnus ou étrangers avec double ou triple nationalité ont été élus comme représentants d’un peuple qu’ils ne connaissent pas. La conséquence de cette méprise est le manque d’emprise totale sur les élus qui font ce qu’ils veulent parce qu’ils ne se sentent pas redevables vis-à-vis de leurs électeurs et électrices d’hier. Et les électeurs d’hier ne savent pas à leur tour comment régenter la gestion de la res publica qui dans ce cas de figure est géré comme un bien privé des élus au pouvoir à la solde ou au service des étrangers.
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Ce qui conviendrait au Congo peut pourtant provenir de riches traditions congolaises en matière d’accession au pouvoir. Il est honteux de voir les élus congolais attendre tout de la communauté internationale. Même les simples lapsus des discours des présidents des grandes puissances sont pris pour des solutions à la crise congolaise. Jamais les élus congolais ne font référence à des recettes congolaises pour la sortie de la crise congolaise. Sur la table des négociations de l’avenir du Congo, les élus congolais se présentent comme un seau vide qu’il faut remplir à la source occidentale.
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En ce moment où les congolais dans leur ensemble découvrent qu’ils doivent choisir ou inventer une voie qui est la leur et dont ils ont la maitrise pour la sortie de crise, nous pensons que la tradition congolaise vivante peut servir de point de départ. Ainsi ce que les congolais savent faire par eux-mêmes est leur point de départ incontournable pour leur développement et leur progrès. Le perfectionnement ou l’amélioration de ce qui existe sans l’abandonner ou le dénigrer est une des voies royales de sortie de crise que les congolais peuvent exploiter en ce temps de prise de conscience qu’on n’est jamais bien servi que par soi, surtout quand on a devant soi des partenaires malins et fourbes.
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P. Vincent K. Machozi, a.a.
Helena, Montana (USA)
Beni-Lubero Online





